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Implication potentielle d’un mécanisme physique dans la dégradation de la

Chapitre 5 : Podospora anserina un saprophyte coprophile modèle d’étude de la

4. Implication potentielle d’un mécanisme physique dans la dégradation de la

Cet organisme possède une caractéristique peu commune et absente chez P.

chrysosporium. Il est capable, en parallèle de son système enzymatique, de former des

structures physiques afin de pénétrer directement au sein des polymères récalcitrants :

les appressorium-like. Au contact d’un film de cellophane, le mycélium se développe de

façon parallèle puis se réoriente perpendiculairement pour percer le polymère telle une

aiguille (Brun et al., 2009) (Figure 34). Le fait qu’un champignon saprophyte puisse

pénétrer de façon mécanique un composant de la paroi des végétaux, pourrait signifier

que les différences entre les saprotrophes, les pathogènes et les mutualistes ne sont

peut-être pas si importantes qu’on ne le pense. Ces mécanismes impliquent la présence

de deux NADPH oxydases (Nox1 et Nox2) et de leur régulateur/activateur (NoxR).

Cependant, la délétion de chaque élément séparé n’entraine pas le même phénotype, ce

qui signifie que leur action régulatrice est différente.

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En absence de Nox1, le champignon est capable de réorienter sa croissance en direction

de la couche de cellophane, puis à son contact de former des structures globulaires.

Cependant, à partir de ces dernières, il est incapable de produire des structures en

forme d’aiguille et de pénétrer au sein de la cellophane. Il en est de même pour les

mutants Nox2, mais son absence inhibe le processus de réorientation du mycélium ainsi

que toutes les étapes qui en découlent. Le mutant NoxR et le double mutant Nox1/Nox2

exhibent le même phénotype que celui de Nox2. Ce qui veut dire que l’action de Nox2 est

épistatique dominante par rapport à Nox1. Il existe aussi une autre voie de régulation

basée sur la concentration de glucose disponible. Confirmant ainsi que ces deux

phénomènes sont régulés de façon indépendante (Brun et al., 2009). L’efficacité de

dégradation de P. anserina provient de la sécrétion d’enzymes lignocellulosiques

similaires à celle des pourritures blanches, ainsi qu’à sa capacité de réorganiser son

mycélium pour former des structures de pénétration du substrat.

Objectifs de la thèse :

Depuis de nombreuses années, les scientifiques se sont évertués à comprendre les

nombreux mécanismes de dégradation de la biomasse végétale par les champignons. La

multitude des recherches effectuées ont permis l’acquisition d’une grande quantité de

connaissances sur les processus enzymatiques et oxydatifs impliqués. A l’heure actuelle,

les champignons dégradeurs de biomasse sont divisés en cinq grands groupes : les

dégradeurs de litière, les coprophiles, les pourritures molles, les pourritures brunes et

les pourritures blanches. Les pourritures blanches ont été définies comme des

organismes étant capables de dégrader la lignine, la cellulose et l’hémicellulose tandis

que les pourritures brunes sont dans l’incapacité de dégrader la lignine. Ces deux grands

groupes sont les acteurs principaux de la dégradation du bois et donc les plus étudiés

dans un contexte de protection du matériau bois mais également pour la valorisation de

la biomasse lignocellulosique. En effet, la bio délignification de la biomasse végétale est

une alternative écologique aux traditionnelles méthodes chimiques polluantes puisque

l’utilisation du système enzymatique des pourritures blanches permettrait un

traitement plus doux, une amélioration des rendements, une limitation des réactions

parasites, une diminution de l’utilisation de produits chimiques et du temps de

traitements.

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Cette alternative permettrait la production de biocarburant et ainsi la réduction des

émissions de CO

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, mais aussi d’améliorer les propriétés de tension et de résistance de la

pâte à papier. Cependant, le traitement biologique est soumis à un coût très important, à

la disponibilité des enzymes, à leur stabilité au cours du temps et à la présence de

molécules pouvant inactiver le processus (Asgher et al., 2014; Pérez et al., 2002). Cette

inactivation pourrait être due à la présence d’extractibles. Récemment, des données

transcriptomiques de P. chrysosporium ont montré l’induction de gènes codant des

petites protéines sécrétées de fonction inconnue, en présence d’extractibles de chêne

pendant 24h (Thuillier et al., 2014). Ce type de protéines pourrait avoir un rôle direct ou

indirect dans les processus de dégradation de la biomasse.

Mon projet de thèse s’est déroulé au sein de l’UMR 1136 Interactions

Arbres-Microorganismes avec pour but la caractérisation biochimique et physiologique de

petites protéines sécrétées chez les champignons lignolytiques et en particulier une

isoforme de P. chrysosporium appelée SSP1. Le premier objectif était d’analyser la

diversité des champignons par des approches de génomique comparative en se

focalisant sur les gènes codant les petites protéines sécrétées. Pour cela, j’ai utilisé de

nombreux outils informatiques mis à ma disposition comme les logiciels de BLAST

associés aux bases de données du NCBI et du JGI, des logiciels d’alignement de

séquences (MUSCLE, MAFFT) et un logiciel de phylogénie MEGA permettant la

réalisation d’arbres phylogénétiques à partir de plusieurs matrices de calcul (Neighboor

joining, maximum de parcimonie et maximum likelihood). Le deuxième objectif était de

produire et caractériser SSP1 d’un point de vue biochimique afin de déterminer son état

redox, sa structure ou encore une activité enzymatique propre à la protéine

recombinante. Enfin, le dernier objectif était d’optimiser différentes méthodes de

transformation génétique de P. chrysosporium pour obtenir des informations concernant

la fonction de cette protéine in vivo. En parallèle, j’ai aussi travaillé sur d’autres

organismes modèles comme la levure dans laquelle j’ai réalisé la surexpression de la

protéine, mais aussi chez P. anserina afin d’avoir des mutants délétés pour deux

protéines paralogues. L’ensemble de ces approches avaient pour but d’apporter des

informations complémentaires les unes des autres pour comprendre le rôle de cette

protéine dont la fonction était inconnue au début de ce travail, dans un contexte de

dégradation du bois.

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MATÉRIELS ET

MÉTHODES

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