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85 Un réseau qui quadrille le territoire

« REPAR, le programme de recherche et expertise sur le

85 Un réseau qui quadrille le territoire

Par les différents projets, les initiatives et les documents générés, on observe d’une part l’apparition de nouveaux acteurs sur le territoire pour la gestion des déchets, mais aussi et surtout l’émergence de nombreux réseaux dans le territoire, la densification tangible d’un tissu d’acteurs urbains et ruraux, privés, publics et associatifs autour de la cause commune de la réduction de nos résidus et de la meilleure gestion de nos ressources. Ces acteurs et réseaux qui se multiplient pour mieux interagir avec la matière générée par nos villes dessinent de nouvelles gestions des territoires.

Par exemple, l’association Zero Waste France a vu naître une quarantaine de groupes locaux en Europe depuis 2015. Les groupes locaux sont des antennes de l’association créées par des citoyens dans d’autres villes de France ou du monde. Elles portent les mêmes valeurs, mais établissent des actions à leur échelle, locale. Elles peuvent avoir une portée politique et l’objectif d’accompagner ou influencer les décisions et mesures prises sur leur territoire. Elles peuvent aussi fédérer des citoyens, des commerces, des organisateurs d’événements, autour de la réduction des déchets dans la consommation, en leur apportant des connaissances et des outils applicables à leur échelle.

Ce réseau Zero Waste, en faisant rayonner les pratiques de l’association, a pour but de diffuser une éthique et des outils pour la réduction des déchets, toucher des habitants et acteurs dans un territoire plus large. En s’associant et en créant ce maillage dans une région ou dans le pays, elles solidifient et répartissent le poids de leurs actions sur le territoire et impulsent de nouvelles dynamiques de partenariats et d’échanges.

De la même manière, une association

parisienne nommée Les Canaux et basée dans le XIXème arrondissement parisien oeuvre pour le soutien des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS). Proposant accompagnement, ateliers et autres formations, elle est surtout le noeud de rassemblement de nombreux acteurs engagés autour de la cause environnementale. Elle a établi en partenariat avec l’Atelier Parisien d’Urbanisme (APUR) une

cartographie exhaustive des acteurs de l’ESS établis en région parisienne1.

Référençant 1500 acteurs, cette carte interactive témoigne de l’ampleur du

mouvement en faveur de l’économie circulaire, de la réduction des déchets et de la solidarité dans la ville. Il est possible de cocher ou décocher certaines catégories parmi lesquelles figurent : « Commerce solidaire », « Service solidaire », « réseau, communauté », « Service collaboratif », « Économie circulaire », « Finance solidaire » et

1. APUR, et Les Canaux. « Les acteurs des économies solidaires et innovantes ». 2017. http://lescanaux.com/les-canaux- initiatives/cartographie-des-acteurs-des-economies-solidaires- et-innovantes/.

Les logistiques urbaines du déchet événementiel

Implantations des groupes locaux du réseau Zero Waste en France. Source : zerowastefrance.org

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« Agriculture urbaine ». La carte exposant la totalité des catégories d’acteurs montre une région parisienne complètement recouverte. Pour ce mémoire je me suis appuyée

seulement sur les acteurs appartenant aux catégories « réseau, communauté », « Service collaboratif » et « Économie circulaire » car ce sont les catégories auxquelles appartiennent la majorité des acteurs que j’ai eu l’occasion d’étudier pendant mon travail, relatives à la gestion des déchets et ressources.

Laissant apparaître un nuage dense d’acteurs recouvrant le nord-est parisien, la carte donne une autre géographie à la ville, dessinée non pas par les rues et bâtiments mais par les échos que se font les acteurs répartis sur ce territoire que j’ai habité pendant les six derniers mois. Les balades urbaines du zéro déchet — que nous avons pu aborder dans la deuxième partie

de ce mémoire — dispensées dans le cadre du Festival Zero Waste 2018, mais aussi par la Maison du Zéro Déchet2 en dehors des jours du festival, proposent de « découvrir Paris autrement3 », en arpentant le XIXème arrondissement à la rencontre d’acteurs engagés et d’initiatives citoyennes ou

associatives qui se sont établis dans le quartier. Le fait que ces excursions urbaines prennent place dans ce quartier n’est pas anodin : c’est ici que la concentration d’acteurs et initiatives du déchet est la plus grande à Paris, la

cartographie des Canaux le confirme.

Les origines de cette concentration remontent à la période de la révolution industrielle et à la 2. La Maison du Zero Déchet portée par l’association Zero Waste France a été fondée en 2017 pour mettre en lumière les démarches zéro déchet.

3. Expression utilisée sur le site de la Maison du Zéro Déchet et dans les documents de communication pour promouvoir les balades urbaines du zéro déchet.

Répartition des acteurs du déchet urbain et événémentiel à Paris. Source : lescanaux.com

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périphérisation des déchets que nous avons pu aborder dans la première partie de ce

mémoire. A cette époque, pour protéger les quartiers riches du quart sud-ouest de la capitale des fumées et odeurs nauséabondes provoquées par les usines, ces dernières sont concentrées dans le quart nord-est de Paris, répondant aux vents venant de l’ouest qui poussent ainsi les fumées et odeurs dans la direction opposée. Puis lors de la

désindustrialisation, les usines et ateliers devant fermer laissent place à un parc immobilier aux prix abordables, permettant l’accès à la propriété des classes moyennes, entamant le processus de gentrification de cette zone de la ville. Nous pouvons déduire que le patrimoine industriel hérité a suscité l’intérêt des citoyens pour ces territoires en mutation dont l’avenir étain incertain et est devenu terrain d’accueil et de jeu de projets d’expérimentations urbaines, sociales, tournées vers l’écologie. Le quart nord-est de la capitale est spectateur et support de la concentration grandissante d’initiatives autour de la réduction des déchets et de la meilleure gestion des ressources, et ce processus est à la fois cause et conséquence de la gentrification entamée après la désindustrialisation.

Ainsi, nous pouvons voir dans le maillage de la ville tissé par les acteurs du déchet urbain et événementiel le passif de l’urbain et de son rapport au déchet. Si au XIXème siècle il était repoussé dans les quartiers qui étaient alors la périphérie de la ville, il est aujourd’hui au centre de l’urbain et crée son propre réseau comme il est au centre des préoccupations qui soulèvent de nouveaux réseaux d’acteurs. Quadrillant le territoire, ces réseaux d’acteurs et d’initiatives à l’échelle nationale comme urbaine témoignent du poids du déchet dans la ville. Réparti de manière plus ou moins équilibrée, ce poids dessine l’urbain et le territoire, et l’empreint d’une nouvelle

géographie aux formes et aux rythmes à définir.

Un urbanisme de la ressource

Le résidu est donc présent dans la ville, et ses acteurs et établissements lui dessinent un urbanisme dynamique et dense. Les

protagonistes de cet urbanisme s’attèlent pour beaucoup à la réduction de la production de déchets de notre société, à la prévention, à la sensibilisation. Mais d’autres, puisque le rebut existe, que sa réduction même si elle est en route est lente, et que nos ressources s’épuisent, prennent le parti de le réutiliser, de le réemployer. S’anime alors une autre dimension dans la ville, celle de la ressource. Au lieu de voir l’urbain par ses poubelles, ses démolitions, on l’approche désormais par ses gisements, puits de matière sans propriétaire à réinjecter dans de nouveaux circuits

productifs.

Cet urbanisme de la ressource est notamment mis en lumière dans le quatrième numéro du Magazine des Autres Possibles, qui élabore une cartographie référençant les lieux de la récupération de l’agglomération nantaise et du département ligérien. De Nantes à Saint- Nazaire en passant par le sud-Loire et jusqu’à Châteaubriant, le territoire est rythmé par les ressourceries, les recycleries, les déchetteries. Pour la catégorie des textiles, le MAP détaille les débouchés de la matière déposée :