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Un peintre lucernois de passage à Saint-Maurice

Fig. 3 : Abraham van Diepenbeeck, Descente de croix, huile sur bois, 43 x 33 cm, vers 1630, Cardiff, National Museums of Wales.

Fig. 4 : Cornelius Galle le Jeune, Descente de croix d’après Abra-ham Van Diepenbeeck, gravure, 44 x 33,3 cm, vers 1650, Ams-terdam, Rijksmuseum.

Fig. 1 : Sebastian Düring, Descente de croix, huile sur toile, 75,3 x 56,4 cm, vers 1695, Basilique de Saint-Maurice.

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Fig. 2 : Sebastien Düring, Saint Ananie de Damas rendant la vue à saint Paul, huile sur toile, 75,2 x 56,1 cm, vers 1695, Basilique de Saint-Maurice.

La composition de Pietro da Cortona

Vers 1631, Pietro da Cortona (Cortona 1596 - Rome 1669) peint Saint Ananie de Damas rendant la vue à saint Paul (figure 5) pour l’église Santa Maria della Concezione des Capucins à Rome. Arnold van Westerhout (Anvers 1651- Rome 1725) réalise la gravure inversée (fig. 6) qui sert à son tour de modèle au tableau (fig. 2) exposé à Saint-Maurice.

Une production locale Les tableaux du chœur co-pient, de manière plus ou moins exacte, la composition de leur gravure-modèle mais

des différences stylistiques se manifestent. Les postures paraissent plus figées, les vi-sages moins expressifs et les drapés plus lourds. Ces élé-ments sont peints avec une facture semblable à celle de

l’Adoration des Mages (fig. 7) et de la Cène (fig. 8) conser-vées dans le chœur de l’église du Châble. La comparaison des avant-bras de Nicodème et de Gaspard (fig. 9) montre la similitude du traitement pictural.

Aucune signature n’est vi-sible sur les tableaux du Châble mais les recherches menées par Gaëtan Cassina ont permis de les attribuer à Sebastian Düring1. Originaire de Lucerne, sa présence dans le village est attestée entre 1695 et 16982 : « il a d’ailleurs griffonné ses nom, prénom, qualité et origine sur l’ébrase-ment peint […] d’une fenêtre de la cure, en 1695 »3. Il est également l’auteur d’une An-nonciation et d’une Cène qui Fig. 5 : Pietro da Cortona, Saint

Ananie de Damas rendant la vue à saint Paul, huile sur toile, 325 x 230 cm, vers 1631, Rome, église Santa Maria della Concezione dei Cappuccini.

Fig. 6 : Arnold van Westerhout, Saint Ananie de Damas rendant la vue à saint Paul d’après Pietro da Cortona, gravure, 37 x 25,8 cm, vers 1680, Londres, British Mu-seum.

Fig. 7 : Sebastien Düring, Adoration des Mages, huile sur toile, 111 x 127,5 cm, 1698, église du Châble.

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se trouvent dans le chœur arrière du couvent des Capu-cins à Saint-Maurice4. Peu d’informations sont con-nues sur la vie et la carrière de Sebastian Düring. Il naît à Lucerne le 9 octobre 1671 et meurt, dans cette même ville, le 20 janvier 17235. Quelques œuvres con servées dans les environs de Lucerne lui sont attribuées (un tableau repré-sentant saint Charles Borro-mée visitant les victimes de la peste à Milan pour un au-tel de l’église des Capucins à Schüpfheim ainsi qu’un por-trait d’un membre de la fa-mille Göldin)6. Pour quelles raisons séjourne-t-il en Valais à la fin du XVIIe siècle ? Mon-they. Le registre de la maison du notaire le mentionne de la manière suivante : « Bastiano Düring pictore lucernensi »7. Ce document nous indique son origine, sa profession, son nom et son prénom sous sa forme latine.

Les archives de Bagnes at-testent également de sa pré-sence le 22 mai 1697, puis le 28 avril 1698. Elles consignent son nom et son prénom

ainsi que deux caractéris-tiques : « Sebastiano Durin Germano »8 et « Sebastiano Durin pictore »9. L’orthogra-phe de son nom de famille varie légèrement et son pré-nom devient Sebastiano. Le 6 avril 1699, Antoine Devanthé-ry précise, dans son livre de compte, qu’il « doit 120 fl. au Sr Bastien During, après avoir payé pour lui à Sion (à Hen-ri Challamel 110 b., à Mr De Bons 2 écus blancs) »1 0. Ces documents confirment sa présence en Bas-Valais entre 1696 et 1698 mais aucun d’eux ne mentionne directe-ment les deux tableaux de Saint-Maurice. En revanche un relevé de quittances en faveur de l’abbaye précise qu’après le grand incendie de 1693, l’Abbé Pierre-François Odet occupe, pendant deux mais il est vraisemblable que ce soit Sebastian Düring. Il serait devenu, à la suite du sinistre, le peintre attaché au service de l’Abbé Odet. Le relevé de quittances précise que le peintre loge pendant trois ans dans cette maison1 2. Fig. 8 : Sebastien Düring, Cène, huile sur toile, 112 x 127 cm, 1698,

église du Châble.

C’est probablement durant cette période1 3 que la Des-cente de croix et Saint Ana-nie de Damas rendant la vue à saint Paul ont été réalisées.

En résumé, l’examen matériel, l’analyse stylistique et l’étude historique forment un faisceau d’indices nous encourageant à attribuer ces deux œuvres à Sebastian Düring. Notre hypo-thèse est la suivante. L’artiste arrive à Saint-Maurice après l’incendie de 1693. Comme l’Abbaye a besoin d’images pieuses, l’Abbé Odet le prend sous sa protection de 1694 à 1696. Le peintre, alors âgé d’environ 24 ans, recourt à des modèles pour réaliser ses pre-miers tableaux religieux. Il uti-lise des gravures dont il repro-duit les compositions. L’Abbé

Odet, probablement satisfait du travail de son peintre, le recommande à François de Fago, curé de Bagnes, et à son vicaire, Jean-François Pellis-sier14. Sebastian Düring pro-duit des œuvres en Bas-Va-lais pendant encore deux ans avant de quitter la région.

Sébastien Grau

1 Gaëtan Cassina, « Objets de culte et mobilier du moyen âge au XIXe siècle », dans L’église du Châble, Bagnes, Centre de recherches histo-riques de Bagnes, 1982, p. 61.

2 Ibid.

3 Ibid.

4 Ibid. Anthoine Devanthéry et son épouse, de Courten, ont offert la Cène aux Capucins de Saint-Maurice tandis que l’Annonciation est un don de la famille du Fay.

5 E. Benezit, Dictionnaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs, t.3, Paris, Gründ, 1966, p. 445.

6 Ibid.

7 Archives de l’État du Valais, AV, AVL 202/3/5 : min. Anthoine Devan-théry, 1692-1699, fo. 16 V°.

8 Archives de Bagnes, AP, Registre de paroisse, mariages, 1691-1827, p. 30.

9 Ibid., p. 36.

1 0

Archives de l’État du Valais, AV, AV 92/96.

1 1

Archives de l’abbaye de Saint-Mau-rice, AASM, CHA 69/2/8-5,1.

1 2

Ibid.

1 3

Entre 1694 et 1696.

1 4 Les armoiries des donateurs (Fran-çois de Fago et Jean-Fran(Fran-çois Pellis-sier) sont peintes sur les tableaux du Châble.

Fig. 9 : Sebastien Düring, comparaison stylistique : à gauche un détail de la Descente de croix, à droite un détail de l’Adoration des Mages.

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Le Trésor de l’Abbaye de Saint-Maurice abrite un objet d’une grande richesse : le reliquaire de la Sainte Épine. Notre travail de maturité nous a conduit à mener une recherche sur ce reliquaire et la relique qu’il contient et nous proposons d’en traiter conjointement trois as-pects : historique, esthétique et théologique. En effet, nous n’avons pas voulu dissocier l’objet liturgique de son histoire, de sa technique et de sa catéchèse afin de permettre d’en saisir la richesse artistique, symbolique et théologique.

Grâce ce travail, nous espérons susciter une réflexion et apporter, peut-être, un nouveau regard sur les reliques, l’art du XIIIe siècle ou encore la royauté du Christ.

1. Quelques mots sur les reliques

Le terme « relique » vient du latin reliquae qui signifie « restes ». Les chrétiens vont reprendre ce terme pour désigner « ce qui reste de Jésus-Christ, des saints et des martyrs, soit parties

du corps, soit objet à leur usage, soit instru-ments de leur supplice » (Boussel, p. 249). Le culte des reliques eut lieu dès la mort des pre-miers chrétiens, mais fut rendu visible seu-lement à partir du IVe siècle suite à l’édit de tolérance de Constantin en 313. Les reliques se sont répandues ensuite dans tout le monde chrétien, et le désir de leur vénération entraîna la création de reliquaires, réceptacles nobles qui accueillent une relique pour la conserver et la magnifier. Jérusalem puis Constantinople ou encore Rome abritèrent de véritables tré-sors constitués de reliques et de précieux re-liquaires. Durant le Moyen Âge, le culte des reliques s’est largement répandu. La présence de reliques de martyrs ou de saints fit s’ériger de nombreuses abbayes, églises et monastères.

Pour les croyants, les reliques sont considé-rées comme porteuses d’une virtus. Ce terme latin fut surtout utilisé au Moyen Âge pour traduire la sainteté de la relique et signifier son efficacité de grâce. En effet, les reliques sont les restes d’hommes et de femmes qui, par leur vie, ont suivi le chemin du Christ, et ont développé ainsi un lien intime avec Dieu.

« Le martyr, qui a souffert de façon analogue