• Aucun résultat trouvé

Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit

Enseignement donné lors de la grande neuvaine à saint Maurice

du Père, afin que celui-ci puisse battre totalement au cœur de l’humanité.

Si dans le mot « louange » il y a une notion de joie, elle sera contenue, comme celle du silence qui va exprimer la force de la louange, donner le ton à sa nature, expri-mer la vérité de son langage. Tout cela n’a rien d’extérieur mais ressemble au murmure des cœurs, pour ensuite se tra-duire en harmonies terrestres et célestes.

La louange est donc remplie de joie in-time, totalement lovée dans la prière per-sonnelle et communautaire, toute rayon-nante de sa lumière intérieure et de joie mariale comme à l’heure du Magnificat.

Parce que, comme le dit merveilleuse-ment une hymne de notre liturgie : « En toute vie le silence dit Dieu ».

L’essence de la louange est de dire Dieu, le Dieu de nos vies, ce Dieu silence, écoute et compassion, ce Dieu miséricorde, joie et soutien, ce Dieu Père, Fils et Esprit Saint… ce Dieu Amour. L’amour est vec-teur de toute louange ; Dieu est loué par amour dans l’immense reconnaissance de ses créatures, fils et filles du Père, il est loué par amour dans la bienheureuse relation entre frères et sœurs de Jésus le Fils, il est loué par amour, dans l’infini Amour que tisse dans toute vie le Saint-Esprit. En fait la louange porte témoi-gnage à ce Dieu qui aime les hommes.

Louange initiale, celle du commence-ment : La louange de l’aurore

Il peut paraître bizarre de parler de

« louange initiale » alors qu’elle est censée se manifester à tout moment de la vie.

109 108

Cependant la louange comme œuvre de Dieu, pour Dieu et par les hommes, a un commence-ment. Ainsi la louange trinitaire s’ouvre sur celle du Père. Et où trouver le Père à l’œuvre sinon comme créateur au commencement du monde, et comme Abba, « papa », à l’aurore du salut ? Le Créateur s’était trouvé, laisse imaginer le récit de la Genèse, devant un chaos, un amas de néant… Seul il était, là et nulle part, au milieu de rien, puissance comme perdue dans l’inexistant. Pourtant il était bien devant un commencement, dit l’Écriture sainte : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre. La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux » (Gn 1, 1-2). Nous sommes rendus là à l’aurore du monde créé, celui de la louange initiale. En effet, Dieu créa la lumière et donc déjà la vie, la terre et l’eau,

le ciel et les astres, les arbres et les herbes, les oiseaux et les poissons, les animaux et les êtres vivants. Dieu créa l’homme et la femme.

Que sont toutes ces créations et toutes ces créatures sinon des marques de la puissance de Dieu et de la force de son amour, deux élé-ments qui ont contribué à réaliser cette œuvre de l’aurore du monde ? Que sont-elles sinon des œuvres de louange et pour la louange ? Il n’est que de lire le Cantique des trois enfants (Dn 3) qui revient à Laudes chaque dimanche, jour de création nouvelle, et qui reprend le récit de la Genèse : « Toutes les œuvres du Seigneur, bénissez le Seigneur : à lui, haute gloire, louange éternelle ! » (57) … « Et vous, les enfants des hommes, bénissez le Seigneur : À lui, haute gloire, louange éternelle ! » (82) ou d’autres psaumes de louange : « Il est beau de te louer, Dieu, dans Sion » (64, 2) … « Chantez au Seigneur un chant nouveau, louez-le dans l’assemblée de ses fidèles ! » (149, 1).

Louer Dieu et témoigner de lui se fait dans la reconnaissance de tout ce qu’il a fait, donné et voulu pour le bien-être de ceux qu’« Il [les]

créa homme et femme », sommet de la création et commencement de la vie continuée. Cette aurore du matin de Dieu prit alors corps au jour de la Nativité du Fils : « Engendré, non pas créé », Jésus est le Fils de la promesse du Père, celui sur qui portera toute la louange du monde.

Louange brillante, celle de la lumière : La louange de Midi

La nuit était tombée sur le monde, elle ac-compagnait le « peuple qui marchait dans les ténèbres » (Is 9, 1) à la recherche d’une pro-messe, guidé par une colonne de lumière. Que

de nuits se sont succédé durant plus de 40 ans, recouvrant la marche de l’Exode, que de nuits ont assombri la foi des Israélites perdus au cœur du désert, que de nuits ont détruit des espoirs transformés en idoles… que de nuit jusqu’à la nuit de Bethléem !

Et voici que l’étoile brillante localise l’étable de la naissance, que l’aurore annonce le point du jour et que la lumière se prépare à gagner sa place au midi du ciel. « Gloire à Dieu au plus haut des cieux », ont chanté en un cri de louange les anges la nuit de Noël. Après le silence du sourire de Marie, jeune parturiente, et la gravité des pensées de Joseph, homme sage et vigilant, voici que les anges louent le Seigneur, le nouveau-né de la crèche. Et l’en-fant sourit à son tour : « Gloire et louange à toi, Seigneur Jésus » !

Oui, Jésus est le Fils de la promesse, celui sur qui repose tout l’amour du Père et qui fera du

peuple de Dieu un peuple de croyants ; Jésus est celui qui est venu apporter un feu sur la terre (Lc 12, 49) par sa « Parole vivante, éner-gique et plus coupante qu’une épée a deux tranchants » (He 4, 12) ; Jésus est celui qui a éclairé le monde de son enseignement et par son exemple, celui qui a rassemblé les foules au soleil du Midi sur les bords du lac de Tibé-riade, sur la prairie du partage du pain, sur les routes du chemin qui mène à Dieu. Face à ces événements est appelé le témoignage des lar-gesses de Dieu, le Dieu fait homme afin d’ame-ner tout homme à sa stature divine !

« Moi, je suis la lumière du monde » (Jn, 8, 12), nous a appris Jésus, parce que la lumière c’est la prophétie la plus parfaite de sa venue ; la lumière éclaire, brille, met tout en vérité, et Jésus est la vérité qui extrait des ténèbres du mensonge. Elle est lumière rédemptrice pour le monde dans une louange unanime des peuples. Cette lumière illumine chacun de

111 110

nos cœurs, chacune de nos vies, elle « jaillira comme l’aurore » (Is, 58, 8) ; lumière du Christ enveloppant tout et appelant la louange, car par elle « ta lumière se lèvera dans les ténèbres et ton obscurité sera lumière de midi » (Is 58, 10) : « Lumière, née de la lumière », Jésus est Fils de la lumière de midi, celui qui portera toute la louange du monde.

Louange éclatante, celle du crépuscule : La louange d’Emmaüs

Des premières lueurs du jour à celles incan-descentes de midi, le Christ de la Nativité et de la Parole accompagne le monde dans son effervescence avec ses joies et ses peines ; à la tombée de la nuit tout homme est éclairé du halo de sainteté qui enveloppe le corps de Jésus, et sa prédication entre dans le silence des cœurs, là où parle l’Esprit Saint.

Ainsi lorsque le crépuscule s’installe sur la route d’Emmaüs et que Jésus termine sa caté-chèse aux deux pèlerins qu’il accompagnait, on entre alors dans une auberge où l’Esprit Saint y a déjà précédé les voyageurs. « Quand il fut à table avec eux, ayant pris le pain, Jésus [il] prononça la bénédiction et, l’ayant rompu, il le leur donna » (Lc 24, 30). Ce geste, repris du soir du Jeudi de la Cène, va être le socle éternel sur lequel se fondera toute louange, témoin de l’espérance en ce Dieu qui nous aime et qui nous sauve. Alors éclate la louange des deux disciples : « Notre cœur n’était-il pas brûlant en nous ? » (Lc 24, 32).

Ne sommes-nous pas là dans la situation que l’on retrouvera au jour de l’Ascension ? Jésus disait alors à ses apôtres avant de disparaître à leurs yeux : « Moi, je prierai le Père, et il vous

donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous : l’Esprit de vérité, […] et il sera en vous » (Jn 14, 16-17). Il sera en cha-cun le témoin de l’espérance qui donne vie au salut déjà acquis, mais non encore pleinement réalisé. Et au jour de Pentecôte éclata cette louange inouïe de la prédication en langues des apôtres !

Cette espérance, avec la force de l’Esprit Saint, il faut en témoigner lorsque se manifeste la rédemption du monde, à savoir lors de chaque Eucharistie. Si Jésus a quitté son humanité en mourant lorsque le crépuscule recouvrit le Calvaire de son ombre, ce n’était que pour apporter la pleine lumière du salut dans sa résurrection à la vie en plein jour, au-delà du jour de Midi, dans l’annonce du Jour de Dieu ! Pour passer avec Jésus de sa mort à la vie, pour recevoir cet Esprit qu’il a remis au monde du haut de la croix et qui maintenant fait vivre les hommes de la propre présence du Christ, il y a besoin d’espérance. La fraction du pain demeure donc le lieu privilégié et fondamental de la louange première dans l’éclatante espé-rance du salut. Ainsi « L’Esprit Saint qui est Seigneur et qui donne la vie » sera la lumière de tous les Emmaüs, celui qui portera toute la louange du monde.

Conclusion

« Gloire au Père, et au Fils, et au Saint-Esprit » est à la fois une initiale à mettre devant chaque prière par la préparation intérieure à rencon-trer le Christ en laissant l’Esprit prier dans le cœur des hommes, et à la fois marque une conclusion qui veut récapituler toute chose en Dieu Un et Trine. Ainsi tous les psaumes priés aux offices de la Liturgie des Heures se terminent-ils par cette acclamation trinitaire,

rappelant combien Dieu est totalement présent à toute prière. Quand le psaume est un cri de ses enfants vers lui, le Père écoute et console ; quand il s’agit d’attentes et de pardons au su-jet de la vie fraternelle, c’est Jésus qui ouvre son cœur miséricordieux ; quand il s’agit de louange et de cris de joies, c’est l’Esprit qui ins-crit la prière au cœur de l’Amour trinitaire.

Les baptisés sont des témoins de la naissance, quand le propre souffle du Père vient animer leur être et leur donner une âme pour se pré-parer à lui ressembler.

Appelés à l’Eucharistie, ils sont témoins de la lumière, quand le Fils, Parole faite chair, se donne à eux pour les sauver.

Confirmés, ils sont des témoins de l’espérance, quand l’Esprit Saint qui prie en eux donne toute force pour annoncer la vie éternelle.

En restant attachés aux sacrements reçus et vécus, les chrétiens deviennent alors des té-moins par fidélité dans la prière de demande, d’intercession et de louange !

« Gloire au Père, et au Fils et au Saint-Esprit, Amen ! »

+ Jean Scarcella

113 112

Introduction

Il est devenu un lieu commun, dans nos prédi-cations empreintes de ce qu’enseigne le Magis-tère, de s’entendre dire que l’Évangile nous impose de l’annoncer sans avoir peur d’aller à contre-courant du mode ambiant de penser et de vivre. S’il s’agissait de devoir brandir fière-ment le blason des vertus évangéliques contre celui des vices de ce monde, on n’hésiterait sûrement pas à choisir la générosité contre l’individualisme et l’égoïsme, la pureté contre la banalisation de la sexualité, la pauvreté contre la quête immodérée d’enrichissement personnel, l’humilité contre la culture de la construction d’une image idéalisée de soi.

Pourtant, au cours de son apparition à la fe-nêtre du Palais apostolique pour la prière de l’Angélus, en la Solennité de Tous les Saints, le 1er novembre 2020, le pape François a mis au centre de sa méditation de l’Évangile prévu pour la Messe du jour la béatitude : « Heureux les doux, car ils posséderont la terre » (Mt 5, 5).

« Nous avons besoin de douceur pour avancer sur le chemin de la sainteté. Écouter, respecter, ne pas agresser : douceur » a déclaré le pape François. Mais en quoi la douceur relève-t-elle, elle aussi, d’un mouvement à « contre-courant vis-à-vis de la mentalité de ce monde » comme il l’a affirmé à cette même occasion ?

La douceur chez saint Thomas d’Aquin Au fondement de l’élaboration de sa théologie morale, saint Thomas d’Aquin aiguise avec une remarquable finesse son regard anthropo-logique et psychoanthropo-logique sur les mécanismes humains des mouvements passionnels par lesquels l’homme réagit (pâtit) par rapport aux événements auxquels il est confronté. En cela, saint Thomas se distingue nettement des stoï-ciens qui ont une approche négative des pas-sions qu’ils perçoivent davantage comme des obstacles à l’apathie. En effet, pour saint Tho-mas, la vertu morale — cet habitus par lequel l’homme est disposé à bien agir de sorte qu’il aspire au bonheur comme à sa fin ultime — per-fectionne aussi les mouvements passionnels en les ordonnant au bien de la raison. Ainsi les passions, réglées selon la raison droite, sont intégrées à la quête de la vie bienheureuse comme un moyen pour y parvenir.

La colère, par exemple, est une passion qui peut être réglée selon une raison droite grâce à la béatitude de la douceur par laquelle soit on ne se met pas en colère (sans tomber dans un défaut de colère lorsque celle-ci doit se mani-fester, ce qui correspondrait à une forme de

« tiédeur » qui est tout sauf vertueuse), soit, si on se met en colère, à la maîtriser (pour éviter de tomber dans un excès destructeur de colère).