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III. Analyse qualitative

3. Parcours de soins, obstacles et facilitateurs externes

3.3. Un parcours jalonné de barrières externes

3.3.1. Financières

La première barrière externe pointée par les personnes était la barrière financière. Soit par une impossibilité d’avance de frais :

P-1 : « Parce qu’ici si vous allez voir un docteur, un médecin, un infirmier, il faut qu'on paye trente euros […]. Parce que je n’ai pas de sous. »

P-2 : « Ça me décourage un peu parce que quand je vais, on me demande de l'argent, et je n'en ai pas. Je n'ai pas de financement. »

P-8 : « Si ce mois-ci c'est un peu plus dur pour moi, je ne vais pas y aller quoi. Ben non, si je vais chez le médecin et que je dois payer, je vais chez le pharmacien je dois payer, ben ... Si j'ai un problème grave, je me suis cassé le bras, il faut cent euros, même plus... »

Soit par un reste à charge trop grand ou inconnu :

P-9 : « C'est le médicament pour les yeux qu'ils voulaient me faire payer donc je ne l'ai pas pris, jusqu'à ce que mon dossier soit bon. »

P-10 : « [problèmes d'accès aux soins et aux médicaments ?] […] enfin des fois on me demande une petite participation. »

P-12 : « [pourquoi vous n'êtes pas allé le voir ?] […] Parce que je ne sais pas ce que je vais devoir mettre de ma poche, pour refaire mon râtelier. »

Soit pour un soin en dehors du panier de soins :

P-8 : « Un kiné. Mais sans ordonnance je ne peux pas aller chez le kiné ! Parce que on va me faire une séance ostéopathe mais il faut payer parce que ce n'est pas reconnu par la sécu […] L'ostéopathe c'est bien pour les enfants et pour nous, mais c'est cher. »

Ou encore une méconnaissance du remboursement :

P-12 : « Il faut que je me renseigne pour savoir avec la CMU, qu'est-ce qu'ils prennent en compte, qu'est-ce qu'ils ne prennent pas en compte. […] Oui il y a cela, je ne connais pas ce qui peut être remboursé. »

Les frais de transport pouvaient être également un frein : P-4 : « En bus, mais faut payer. […] parfois c'est difficile de payer. »

Une personne a mis en lumière à travers sa situation l’effet seuil de la CMUc :

P-11 : « Ah non mais j'ai plus le droit de CMU par rapport à la retraite. Pour eux je touche trop […] j'ai essayé de renouveler. Mais comme j'ai reçu le papier que je touchais trop et qu'il fallait me préparer à prendre une mutuelle et passer par l'ACS. »

3.3.2. Administratives

De nombreux freins externes étaient dues à une difficulté administrative. En premier lieu la difficulté à renouveler son titre de sécurité sociale :

P-2 : « Je suis partie à la pharmacie, mais mon dossier de sécu était périmé. A la pharmacie ils ont refusé de me donner le médicament, il faut que je renouvelle […] En fait ma carte AME était terminée. »

P-8 : « Et je n'aimerais pas être malade surtout quand je n'ai pas la CMU. [Vous n’avez pas de CMU parfois ?] A partir d'aujourd'hui non. […] Pour le renouvellement avec la sécu c'est trop long, trop de papier, alors qu'il n'y a rien de spécial de changer. »

P-9 : « Ben le docteur il réclame que le dossier est plus bon, et puis la pharmacie aussi. » P-11 : « [pourquoi vous n'y êtes pas allé ?] Déjà je n'avais plus de couverture sociale. » P-18 : « Non, je ne suis pas allé au docteur, je n'avais plus la CMU à jour. »

Des personnes pointaient la nécessité de devoir se déplacer pour faire avancer les démarches :

P-8 : « Ma situation n'a pas changé et on est beaucoup de personnes comme ça. Il faut faire des photocopies, il faut aller au CCAS. »

P-9 : « Je suis parti voir sur place à Saint Pierre là-bas, et tout d'un coup ils ont renvoyé mon dossier dans la même semaine. »

la CAF, il manquait un papier, puis je reviens, puis il manquait encore un papier. Ils m'ont fait monter-descendre, monter-descendre. »

Ces démarches administratives étaient trop complexes aux yeux de plusieurs personnes :

P-6 : « Oui c'est très difficile l'administratif. […] Il m'a demandé de parler beaucoup des papiers, de ce que je gagne. Je dis aller prend tout ça avec. J'ai donné aussi un grand papier comme ça, avec les demandes à remplir. […] les démarches c'est trop compliqué c'est pour cela que je dis que je vais laisser, je ne veux pas. »

P-8 : « Maintenant il faut mettre la carte, taper le code personnel, mais si on n’a pas de code, je ne vous dis pas le problème. »

La perte des papiers semblait être un facteur récurrent de difficulté d’accès aux soins : P-2 : « Bon mon papier s'est perdu et quand il s'est perdu je n'ai pas pu encore avoir un nouveau. Parce que là-bas il faut une copie, et je n'en avais pas. »

P-8 : « Pour moi personnellement c'est la pharmacie qui est plus compliquée. Cela arrive qu'on ait perdu notre carte vitale. »

P-15 : « J'avais un courrier justement pour le docteur traitant mais je l'ai perdu. »

Une personne nous a rapporté la nécessité d’une ordonnance pour aller voir un kiné comme frein à des soins de kinésithérapie : « Mais sans ordonnance je ne peux pas aller chez le kiné ! » (P-8)

Enfin, les personnes parlaient de l’écart entre un discours administratif et leurs attentes réelles :

P-6 : « C'est quoi ça, article 1,2,3 ; laissez aller - rires- […] J'ai vu la dernière lettre, l'article 1, l'article 2, l'article 8... - rires- j'ai dit aller laisse-moi tranquille avec tes articles. […] les articles là, elle m'a dit que je suis capable de faire le manger. […] Ben c'est ce que je lui ai dit à elle. Je ne vais pas y aller pour demander c'est quoi ça. Ah non, je laisse jusqu'à maintenant ça fait déjà 1 an. »

P-16 : « Mais la commission là-bas, jamais, il n'y a pas de raison, il n'y a rien dessus. Moi ce n'est pas une question que je ne veux plus bosser, moi c'est que j'ai la haine aujourd'hui de ne plus bosser. »

Une difficulté à obtenir un titre de séjour a été soulevée sur laquelle nous reviendrons par la suite.

3.3.3. Géographiques

L’éloignement géographique était également une cause de renoncement aux soins :

P-10 : « J'habite à trois kilomètres en haut de la route. Depuis ma case il faut marcher trois kilomètres, lé pas accessible en voiture. […] Pour aller chez le docteur, je dois marcher trois kilomètres puis c'est mon neveu qui m'emmène. Le docteur lé pas trop près hein. Lé aux Makes. […] Ah l'infirmière elle monte pas là-haut. »

P-18 : « Ben soit mi prends le car soit mi sorte à pied. […] Il fait un petit peu de marche, quarante minutes. […] Ben si c'est pas trop grave, je n'y vais pas moi. »

Ce qui était amplifié par un manque de mobilité due au transport : P-4 : « Je n'ai pas de moyen de transport. »

P-6 : « C'est un peu difficile parce que j'ai pas le moyen d'y aller toute seule, par exemple je ne conduis pas. […] [ce qui est difficile] se sont les moyens de transport. »

P-7 : « C'est pas loin mais de me dire de me déplacer à pied au centre-ville pour aller voir le médecin, autant rester là. »

P-12 : « Mais mon soucis c'est que je n'ai pas de moyen de locomotion. »

3.3.4. Méconnaissance du système et ses acteurs

Les personnes avaient du mal à identifier les acteurs du parcours de soins, et pouvaient se sentir isolées :

P-1 : « Je ne connais personne. Je ne connais pas de gens […] je connaissais personne […] depuis que je suis arrivé à La Réunion je suis resté à l'hôpital. »

P-2 : « […] c'est comme s’ils ne se donnent pas la peine de me faire un papier […] Ils me laissent là, mais ne me soutiennent pas. »

P-6 : « […] mais je suis seule avec ma fille. »

P-12 : « […] c'est une question d'avoir un peu des aides, d'avoir un soutien moral. » Les freins venaient d’une certaine méconnaissance des acteurs :

P-2 : « [Kiné, dentiste, infirmier vous ne connaissez pas ?] Oui, c'est que le médecin. »

P-3 : « [d'autres professionnels que le médecin ?] Non je ne connais pas encore ces personnes. »

P-4 : « […] et je ne trouve pas quelqu'un pour me dire, si tu n'as pas de choses comme ça tu peux aller. »

P-6 : « [vous connaissez d'autres professionnels ?] Non je ne connais pas d'autres personnes. […] Non je ne connais pas la PASS. »

P-8 : « Et après où on peut aller aussi ? Ben je ne connais que ça. » P-9 : « [CMP] Non mi connais pas du tout. »

P-10 : « [le kiné] Ah mi connais pas. »

P-12 : « Parce que je ne sais pas chez quel dentiste aller. […] [Si vous aviez un problème vous iriez où ?] Ah bonne question ! Je ne pourrais pas répondre, je ne sais pas. Non sincèrement je ne sais pas. »

Mais aussi d’une méconnaissance du système :

P-2 : « Non non, mais normalement ici c'est le médecin qui a le pouvoir au niveau de la préfecture. C'est le médecin seulement. »

P-8 : « Je ne saurais pas quand consulter, je ne sais pas quand cela est nécessaire d'y aller. Et je ne sais pas où il y a un psychiatre. »

Une personne a mentionné également la différence de réponse suivant les professionnels :

P-1 : « Madame X [Assistante sociale] elle m'a dit que je n'avais pas le droit d'avoir des soins ici […] Rien elle m'a dit que j'aurais pas les aides. […] Il vaut mieux aller là-bas à la PASS plutôt que me dire tout ça […] à la PASS on m'a dit que non c'est pas un problème. On me garantit tout ça. »