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Prendre en compte le vécu des personnes englobant les facteurs de précarité, et

IV. Pistes de réflexions et propositions d’améliorations des facteurs modifiables du

1. Renforcer les connaissances des professionnels de santé sur la précarité

1.2. Prendre en compte le vécu des personnes englobant les facteurs de précarité, et

En explorant les représentations de la maladie nous avons trouvé plusieurs sens. Si cer- tains voyaient la maladie comme la résultante de comportements ou de questionnements perpé- tuels en lien avec la précarité, d’autres pouvaient la voir comme une punition divine ou une fatalité. L’impact de la maladie était surtout ressenti sur la capacité à agir et l’immobilité qu’elle entrainait.

Ces différences nosologiques, et notamment celles qui ont recours à des images magico- religieuses questionnent la place de la transculturalité dans la consultation médicale et donc de la formation des médecins à la transculturalité.

Le soin transculturel est défini par Marie-Annick Grima (responsable de la consulta- tion de psychothérapie transculturelle de Saint Denis) comme « Une clinique de l’altérité qui admet un seul et unique préjugé : celui de la différence comme symbole de la diversité et de la créativité du monde et impose une seule attitude, celle de la reconnaître, de la nommer pour la partager et s’enrichir de la rencontre avec cet Autre différent de nous » (93).

A La Réunion, deux consultations de psychothérapie transculturelle existent, l’une dans le Nord et l’autre nouvellement crée par Ségolène Meyssonnier dans le Sud à Saint Pierre. Cette

équipe en plus de proposer une consultation transculturelle située en second recours dans l’ac- compagnement des patients, propose aussi des formations à la transculturalité pour les soignants de premier recours.

Participant à cet apport de compétences pour les soignants, nous nous devons de men- tionner l’existence du Diplôme universitaire d’Ethnomédecine mis en place à La Réunion (ex- clusivité européenne) par Laurence Pourchez. Ce cours à travers une approche notamment de l’anthropologie médicale et de l’ethnomédecine, permet de comprendre la diversité de sens concernant la maladie et de prendre en compte les savoirs profanes en complément bien sûr de la biomédecine.

L’application dans la médecine clinique de l’anthropologie médicale n’est plus à prouver. « Etant donné la diversité croissante des patients, il devient de plus en plus important pour les médecins de comprendre les facteurs sociaux et culturels qui influencent leur santé et leur prise en charge. Dans un contexte multiculturel, une prise en charge médicale centrée sur le patient pose des défis spécifiques et exige que les cliniciens aient une « compétence trans- culturelle clinique », c'est-à-dire qu'ils adoptent un comportement adapté et disposent de con- naissances et de techniques appropriées. Les concepts et le point de vue de l'anthropologie mé- dicale permettent de mieux cerner la nature interculturelle de la consultation médicale et de concevoir et appliquer des méthodes qui assurent un suivi médical judicieux. » (94).

Il est important de distinguer ici culture et ethnicité ou nationalité. « La culture se fonde sur les expériences uniques d'individus dans la mesure où ceux-ci partagent des trajectoires communes ».

« Imaginer les sociétés (nations, groupes ethniques) comme des mosaïques formées de nombreuses cultures entremêlées et en perpétuelle évolution peut être utile aux cliniciens dans la mesure où cette image aide à éviter les stéréotypes et favorise la recherche des caractéris- tiques culturelles pertinentes pour chaque patient. »

Nos résultats prennent sens à travers le modèle explicatif développé par Kleinman qui est un des concepts d'anthropologie médicale le plus cité. « Les personnes conçoivent leur ma- ladie uniquement à travers leurs expériences sociales et personnelles. Ce faisant, ils créent chaque fois qu'ils sont malades leur propre modèle explicatif des causes, de la signification, de l'évolution, des mécanismes, des diagnostics, de l'action des traitements et des conséquences de la maladie. » (94).

Les modèles explicatifs de la maladie ou de la santé sont utilisés par les personnes ma- lades, les familles, les thérapeutes, les communautés et les sociétés pour référer à l’étiologie d’une maladie, à ses symptômes, sa physiopathologie et son évolution et pour déterminer les interventions ou les approches thérapeutiques qui semblent les plus adéquates. Ces modèles sont nombreux et peuvent varier entre et à l’intérieur des sociétés, des systèmes de médecine, des communautés, des professions, des spécialités et des individus. « Toutefois, ils sont inva- riablement liés à des comportements humains (péchés, transgressions d’interdit, comporte- ments à risque, mauvaises habitudes de vie, etc.). » (95)

Pour bénéficier d’une certaine acceptabilité, le choix du modèle explicatif doit corres- pondre à plusieurs conditions :

- aux représentations sociales en cours ou en émergence dans un milieu donné, - aux logiques qui articulent les systèmes de savoirs et les systèmes de médecine, - aux expériences de la personne malade, de ses proches et des thérapeutes

- à la possibilité d’accéder au système de médecine correspondant dans l’espace théra- peutique du patient (95).

Dans notre étude, ces modèles explicatifs propre à chaque personne ressortaient à travers l’analyse des représentations de la maladie.

Par exemple, l’addiction à une substance était une cause de maladie particulièrement citée, et touchant plusieurs personnes de notre échantillon. Le travail dans des conditions pé- nibles expliquait aussi la maladie pour ces personnes exposées à des travaux précaires et diffi- ciles. Autre exemple, la charge mentale que doit subir une personne en situation de précarité pouvait expliquer l’importance de cette thématique dans la vision de la maladie.

Toutes ces expériences vécues, influaient sur le modèle explicatif de chacun.

La douzième personne entretenue nous parlait de l’addiction comme origine de la maladie, souffrant lui-même d’une addiction : « Maladie ? […] problème d'alcool, problème de drogue, ça peut être ça. ». Ainsi que du sucre « Après, la maladie […] cela peut être la nourriture, le diabète, le sucre. », nous confiant avant de partir que sa mère était atteinte d’un diabète.

Nous faisons l’hypothèse que la plus large diffusion, en formation initiale et continue, de connaissances anthropologiques permettrait de décoder les différents

modèles explicatifs de la maladie auxquelles peuvent faire références les personnes en situation de précarité. Cette hypothèse pourrait être vérifiée par de nouvelles études sur La Réunion.