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trouble obsessionnel compulsif : le modèle neurocomportemental.

C) Un nouveau modèle explicatif : le modèle neurocomportemental

Plus de vingt théories ont cherché à expliquer le TOC, mais aucune ne s’est révélée complètement satisfaisante. Un point commun à l’ensemble de ces théories, est l’hypothèse que les obsessions et l’anxiété sont primitives et contraignent le patient à exécuter un comportement compulsif. Pourtant, lorsqu’on écoute un patient souffrant de TOC, sans vouloir le faire à tout prix entrer dans les modèles explicatifs existants, on s’aperçoit qu’il ne décrit pas : « J’ai une obsession, elle me provoque de l’anxiété, donc je ritualise. » Cette supposition concernant l’articulation des symptômes entre eux pourrait donc ne pas correspondre aux mécanismes réellement mis en jeu. Comme nous l’avons vu précédemment (Clair, In Press), l’anxiété n’est pas une variable indispensable pour induire les vérifications excessives. L’anxiété associée aux obsessions ne se poserait donc pas toujours comme un réel moteur du comportement répété dans le TOC. Ces comportements répétés, pathologiques et inadaptés, pourraient être rapprochés des automatismes impliquant les ganglions de la base (Graybiel, 2000). A partir de ces éléments, les auteurs font l’hypothèse que les obsessions seraient une construction anxieuse élaborée pour justifier ces comportements répétés automatiques.

Des observations cliniques de patients souffrant de TOC et de l’évolution de leur trouble ont conduit les auteurs à formuler une nouvelle hypothèse, posant le comportement

comme un élément central du TOC. Parmi les observations cliniques en faveur de cette

nouvelle hypothèse :

- certains patients présentent des compulsions sans obsessions associées ;

- les obsessions apparaissent parfois secondairement aux compulsions dans l’évolution de la maladie ;

- Chez d’autres patients au contraire, la composante obsessionnelle initiale tend à se « perdre » avec le temps, et ils effectuent des séquences comportementales répétées sans scénario associé.

- Les patients ne disent pas que ce sont les obsessions qui provoquent les rituels, mais la possibilité que leur donne leur environnement de ritualiser. Pourtant ils n’ont pas éradiqué la probabilité du danger, mais dès que l’environnement empêche les rituels, leur cerveau ne crée plus d’obsession. (Exemple des patients avec rituels

principalement chez eux, alors que lorsqu’ils sont invités chez des amis, ils ne ressentent pas le besoin de laver et ne sont pas parasités par des obsessions).

- De plus, quand l’environnement les prive de la possibilité de ritualiser, ils ne décrivent pas d’anxiété, alors que dès que l’environnement redevient propice leur anxiété devient importante et les pousse à ritualiser au plus vite. (exemple des

enfants qui ont peu de TOC en classe mais beaucoup de TOC à la maison.)

- De nombreux patients reconnaissent l’absurdité de leurs pensées, mais sont anxieux et ritualisent quand même. L’anxiété et les rituels n’émanent donc pas de leurs obsessions.

- Certains patients décrivent qu’ils doutent sans anxiété. Il n’y aurait donc pas de lien de causalité entre doute et anxiété. Ces patients décrivent une contrainte de rituel sous le doute, ou d’autres plus rarement, indépendamment de tout doute et de toute anxiété, notamment dans les TOC de symétrie où la contrainte de ritualiser précède le doute : ce n’est donc pas le doute qui justifie le premier rituel. Les patients souffrant de TOC de symétrie nous montrent donc que le rituel semble être chez eux le moteur unique de la maladie (mais les études réalisées jusqu’à présent portent généralement sur les laveurs ou les vérificateurs).

Les différentes descriptions cliniques relatées par les patients amènent à considérer que le TOC est une maladie fondée sur la notion de contrainte. Le cerveau semble produire de la contrainte qui doit s’exprimer. Il y a une excitation d’origine cérébrale, soit due à une zone clairement excitée du cerveau, soit à une zone qui devrait inhiber et ne le fait plus. Cette dysfonction cérébrale entraînerait le phénomène de contrainte, si souvent décrit par les patients. Cette contrainte biologique va se canaliser dans des actes moteurs ou mentaux que sont les rituels. (Comme si le cerveau envoyait une sensation de soif pour contraindre la

personne à boire.) Pour pousser le patient à ritualiser, il faut une émotion désagréable, car aucun patient ne s’embêterait à « vidanger » une contrainte neurologique sans une pression émotionnelle : c’est l’anxiété. L’anxiété va donc motiver l’expression comportementale de cette contrainte, et permettre une réponse immédiate. Cette anxiété peu ou non s’accompagner d’une obsession, qui est un « moyen de pression intellectuel ». L’excitation du cerveau le conduit à fixer une pensée, et ne pas pouvoir l’abandonner tant que l’excitation n’est pas retombée. Cette excitation est tellement puissante qu’elle rivalise avec la réflexion rationnelle du patient.

Le conditionnement opérant relance l’excitation du cerveau à chaque fois que la personne est face à une situation qui a été ritualisée ou évitée, et l’obsession redevient alors envahissante et fixe, alors que le patient la considérait absurde quelques minutes auparavant.

Le doute semble suivre le même schéma et serait dépendant de l’excitation du cerveau. Le doute serait un désaccord entre les zones provoquant la contrainte biologique de contrôle d’une part, et l’intellect, représenté par les structures cérébrales fonctionnant normalement, et ne détectant pas objectivement de danger. Une fois les rituels terminés (quand l’excitation cérébrale est retombée), les patients ne doutent plus. On constate par ailleurs que le doute diminue à mesure que les patients progressent vers la guérison dans la prise en charge. Les modèles cognitifs classiques amèneraient à penser logiquement que le doute diminue grâce à la restructuration cognitive. Hors, des études montrent de bons résultats avec exposition sans restructuration cognitive (Nathan et Gorman, 1998).

Au total

: Le modèle neurocomportemental part du postulat que des zones du cerveau sont dysfonctionnelles, avec une implication de la sérotonine, comme fondement de tout le fonctionnement du TOC. Le rituel serait l’expression première de ce dysfonctionnement. Obsessions, anxiété, et doute n’en seraient que les conséquences. Il s’agit d’un modèle bidirectionnel, les rituels maintenant et renforçant l’ensemble des manifestations obsessionnelles et compulsives et donc les dysfonctions cérébrales. Le fonctionnement du TOC émanerait donc d’un dysfonctionnement de zones cérébrales, provoquant un besoin de contrôle se vidangeant dans des rituels.