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4 ème consultation : premières applications des exercices et difficultés de motivation.

Mlle A se présente avec un faciès plus triste. Elle est plus renfermée, soucieuse. Je l’ai fait venir en consultation sur l’hôpital Pasteur pour la première fois, pour des raisons pratiques, et elle s’est sentie très mal à l’aise en salle d’attente des consultations de psychiatrie générale, effrayée par certains patients qui l’ont fixée, ce qui a provoqué des obsessions de type « ils vont m’agresser ».

Ces derniers jours, au lycée, elle a dû travailler en groupe pour le travail de TPE de Terminale, avec deux camarades de classe qu’elle n’apprécie pas du tout, ce qui entraine beaucoup d’obsessions en leur présence et après les séances de travail, du type « elles vont me

faire du mal », ou simplement l’image mentale de ces filles, la mettant mal à l’aise voire l’angoissant. Les séances de travail se passent mal, elles ne sont pas d’accord, se disputent et le devoir n’avance pas, ce qui stresse Mlle L. Elle décrit la présence beaucoup plus envahissante qu’habituellement de rituels tels qu’avancer/reculer ou se laver les mains. Elle constate également que les obsessions persistent de manière beaucoup plus fixe, alors que d’ordinaire, quand elle se concentre sur autre chose, l’obsession s’estompe.

Je demande à Mlle A de me récapituler ce qu’elle a retenu de la fiche de

psychoéducation. Elle a bien retenu les grands principes : « J’ai mon cortex préfrontal qui

me tape du marteau, et qui provoque mes symptômes. Il faut que je lui désobéisse pour tordre le coup à mon TOC ».

Nous passons en revue les exercices qu’elle a pu mettre en pratique, et dans le cas contraire, ce qui l’a empêchée de le faire :

- Le décalage : Les quelques fois où Mlle A a tenté d’appliquer cette technique, cela a très bien fonctionné : au bout des cinq minutes de décalage, elle ne ressentait déjà plus le besoin de ritualiser et n’avait pas besoin d’introduire une nouvelle séquence de décalage. Cependant, la plupart du temps, elle ne l’a pas appliqué, avec des cognitions défaitistes d’emblée : « Je n’étais pas bien, il y avait soit trop d’anxiété, soit trop de pensées, je sentais

que je ne pourrai pas attendre cinq minutes ». Je reprends donc les explications sur la technique du décalage, insistant sur le but des exercices : désautomatiser les ordres aberrants envoyés par la zone du cerveau hyperactivée par le TOC, en n’obéissant pas exactement à ce qu’ils demandent, en l’occurrence ici en ne répondant pas immédiatement à l’injonction du TOC. Ainsi, je lui précise que si cinq minutes lui semble insurmontables quand elle est très angoissée, l’exercice peut ne durer qu’une ou deux minutes, l’important étant de décaler, pas de tenir à tout prix une certaine durée. Mlle A me répond qu’elle a bien compris mais que dans ces moments-là, elle n’est pas motivée pour se lancer dans un exercice. Je lui rappelle donc l’efficacité attendue d’une diminution de plus de la moitié du temps passé à exécuter des rituels si elle applique cette technique.

- La provocation et le sabotage : Mlle A n’a pas essayé de le mettre en place, avec les mêmes cognitions fatalistes : « je me suis dis que ça ne marcherait pas ». Je réexplique donc l’intérêt de cette technique. Mlle A a du mal à voir l’intérêt de faire des pas sur le côté quand son cerveau lui dit d’avancer reculer. Je lui propose d’essayer pour constater par elle-même. J’essaie ensuite de chercher avec elle un autre exercice auquel elle adhèrerait peut-être mieux, incluant de la provocation et du sabotage.

Exposition en imagination aux pensées obsédantes et provocation en réalisant des actions en présence des obsessions : Un exercice intéressant dans le cadre de son TOC serait de s’exposer à ses obsessions, tout d’abord tranquillement assise sur son canapé en se les répétant pendant plusieurs minutes et les exagérant (par exemple : « Que cette fille continue à

m’embêter pour le reste de ma vie, qu’elle m’agresse, qu’elle me frappe, qu’elle me torture »),

puis qu’elle s’expose à ses obsessions volontairement en réalisant une action « qui ne doit normalement pas être salie par une obsession », par exemple s’habiller le matin. Je lui propose donc pour chaque vêtement enfilé d’essayer de maintenir cette pensée désagréable dans son esprit. L’occasion des vacances scolaires me semble être opportune à la mise en

place de cet exercice tranquillement. Je propose à Mlle A de faire un premier exercice d’exposition en imagination à ses obsessions dans le bureau de consultation. Elle n’est pas très favorable au début, et pense que ça ne servira à rien. Je lui fais remarquer que les exercices d’exposition en imagination étant un peu particuliers à mettre en pratique les premières fois, si on ne commence pas par le faire en séance, elle ne le fera certainement pas seule chez elle. Elle accepte finalement. Je lui propose de s’exposer aux dernières obsessions qu’elle a présentées ce jour en salle d’attente. Nous commençons par effectuer un exercice de respiration abdominale. Puis je lui demande de visualiser l’un des patients qui lui a fait peur et de se répéter « il va m’agresser ». Après quelques secondes elle me dit que ça ne fonctionne pas, qu’elle ne se sent pas du tout anxieuse. Nous poursuivons l’exercice une minute, je la guide avec ma voix pour l’aider à garder l’obsession à l’esprit. Elle me dit alors qu’elle ne se sent pas très bien et qu’elle veut arrêter, sinon elle craint que l’obsession ne persiste plusieurs heures. Je lui schématise le principe de l’habituation en TCC et lui précise que si nous devons prendre tout le reste de la séance pour obtenir ce phénomène d’habituation et faire diminuer l’anxiété, nous le ferons et que ça ne sera pas du temps perdu. Nous poursuivons alors plusieurs minutes puis elle me dit que « c’est passé », qu’elle n’est plus anxieuse. Je lui conseille donc d’essayer de refaire cet exercice quotidiennement chez elle, puis qu’ensuite, nous essaierons de mettre en pratique l’exposition pendant qu’elle s’habille lors de la période des vacances.

- La contamination totale : Mlle A a tenté d’appliquer, une seule fois, avec l’aide de sa mère, l’exercice de contamination totale. Elle a caressé son chien avec son livre de maths, puis sa mère a touché ses affaires et le chien puis a tout touché dans la maison. Ce jour là, Mlle A ne s’est pas sentie anxieuse, et n’a pas ressenti le besoin de ritualiser. Il est difficile de différencier s’il s’agissait d’un « bon jour », où le TOC ne se serait de toute façon peu manifesté, ou si c’est l’exercice qui a été efficace, par l’impossibilité matérielle de protéger la maison de la contamination par les affaires du lycée. Je lui conseille d’essayer de répéter cet exercice quotidiennement, d’autant plus qu’il n’a pas été contraignant ni difficile à réaliser.

- La nomination et le laisser-couler est en revanche la technique la plus utilisée par Mlle A. Lorsque des obsessions sont présentes, elle se répète que ça n’est que « le bruit de fond de son TOC», et cela lui permet de faire diminuer l’anxiété associée et de rendre les obsessions un peu moins envahissantes.

Bilan de la séance : Mlle A a donc mis en pratique les techniques de la nomination, et

occasionnellement du décalage et de la contamination totale. Je lui demande donc d’essayer d’utiliser ces techniques plus régulièrement, le but de la prise en charge étant de remplacer peu à peu les séquences comportementales pathologiques automatisées par son TOC (les boucles cortico-sous-cortico-corticales) par de nouveaux comportements « décidés » par le cortex « sain », qui eux, n’entraineront pas anxiété, doute et obsession.

Je lui demande également de répéter l’exercice d’exposition en imagination, afin de préparer de futurs exercices de provocation. Je rappelle également les exercices de sabotage dont nous avons discuté.