• Aucun résultat trouvé

4.3 Etude mécanistique de la nucléation / croissance des nano-pores dans

4.3.7 Un mono-feuillet de h-BN plus fragile que prévu

Dans cette dernière section, nous allons exploiter la relation de proportionnalité entre la taille des nano-pores et d (gure 4.14b) an de mesurer une énergie de déplacement moyenne des atomes à la surface d'un trou dans le h-BN. Pour cela il nous faut d'abord calculer la section ecace d'éjection d'un atome (σ). Notre expérience de

microscopie électronique haute résolution illustre parfaitement pourquoi en physique nucléaire, la section ecace est une grandeur physique homogène à une surface, qui est reliée à la probabilité d'interaction d'une particule (ici un électron) pour une réaction donnée (ici l'éjection d'un atome). Quand des électrons irradient de façon homogène une zone d'un mono-feuillet de h-BN composée de n atomes répartis sur une surface S, la section ecace d'éjection est la surface ctive que devrait avoir les atomes pour reproduire la probabilité (P) qu'un électron éjecte un atome. C'est pour cela que :

P =

S (4.1)

Sur cette zone irradiée et à tout instant, P est aussi égale au nombre d'atome éjectés (N) divisé par le nombre d'électrons (Ne) qui ont irradiés la zone. Comme Ne/S correspond à la dose total cumulée (d), nous avons à chaque instant :

σ= N

n× d (4.2)

Cependant, notre étude est un peu plus compliquée, car nous avons vu que N n'est pas proportionnel à d. Comme σ est par dénition une constante il faut prendre en compte la variabilité du nombre atome irradié (n) qui n'est pas constant dans notre expérience. En eet, comme nous étudions l'éjection d'atome à la surface de nano-pores triangulaire en cours de croissance, on peut dénir N et n de la façon suivante : N = DBN × Airenanopore = DBN × 3 4 × Cmoy2 (4.3) n = DZZ× 3Cmoy (4.4) avec DBN la densité atomique de surface du h-BN, DZZ la densité d'atome le long d'un bord en conguration zig-zag dans le h-BN et Cmoy la taille moyenne des côtés du nano-pore triangulaire. Ainsi dans notre expérience, la section ecace d'éjection d'un atome au bord d'un nano-pores (σb) est dénie par :

σb = (

3 × DBN)

12 × DZZ ×Cmoy

d (4.5)

Comme nous avons vu que Cmoy est proportionnel à d, σb est bien une constante homogène à une surface. Avec DBN = 38 atomes / nm2, DZZ = 8 atomes / nm et le ratio (Cmoy/d)ayant été mesuré sur plusieurs nano-pores dans la section précédente (2,36 (± 1.3)10−8 nm3/électrons), nous calculons σb = 160 ± 88 barns, sachant que 1 barn correspond à 10−28 m2. Seitz et Koheler [128] ont été les premiers à démontrer la relation entre l'énergie de déplacement (Ed)d'un atome et sa section ecace d'éjection. Si l'énergie transférée par un électron incident est susante pour éjecter un atome du matériau, alors nous avons :

σd =  Zqe2 02m0c2 2 1 − β2 4πβ4  Tm Ed−1−β2ln Tm Ed +πZqe2β ¯hc  2  Tm Ed−ln  Tm Ed −2  (4.6)

où qe est la charge de l'électron, m0 est la masse de l'électron au repos, Z est le numéro atomique, ¯h est la constante de Planck réduite, c est la vitesse de la lumière,

β 0 est la permitivité dans l'espace libre et

Ed est l'énergie requise pour déplacer un atome du réseau. Tm, l'energie maximale transmise pendant un evenement de diusion, se manifeste pendant une collision frontale, La dénition relativiste de cette energie est donnée par :

Tm = (M + m2ME(E + 2m0c2)

0)2c2+ 2ME (4.7) où E est l'energie incidente de l'électron et M est la masse de l'atome.

Section efficace des électrons (barn)

Energie de déplacement atomique (eV)

Figure 4.15: Courbe représentant l'évolution de la section ecace en fonction de l'energie de déplacement pour une tension accélératrice de 80 kV

A partir de ces deux dernières équations, la gure 4.15 montre comment Edvarie en fonction de σ dans le h-BN. Cette courbe montre que nos mesures expérimen-tales aboutissent à une énergie moyenne de déplacement des atomes au bord des nano-pores Edb = 5.8 eV. L'écart type sur la mesure de σb engendre une gamme d'énergie de déplacement allant de 4,4 eV à 8,6 eV. Plusieurs études théoriques ont été menées au cours des dix dernières années pour calculer l'énergie de déplace-ment des atomes de bore et d'azote dans un mono-feuillet de h-BN. [49, 124, 129] Cependant, des valeurs très diérentes ont été trouvées en fonction des méthodes de calcul. Par exemple, dans le h-BN sans défauts, Zobelli et al. ont trouvé des seuils de déplacement de 15 eV pour le bore et 14 eV pour l'azote en utilisant un modèle liaisons fortes [129], alors que Kotakoski et al. ont trouvé 19,4 eV pour le bore et 23,1 eV pour l'azote à travers une étude DFT et en exploitant un code de dynamique moléculaire (VASP code) [49]. Plus récemment, Kim et al. ont trouvé des valeurs intermédiaires de 18,5 eV pour le bore et 17,8 eV pour l'azote [124]. Tous ces résultats sont pour le moins contradictoires, puisque même l'atome le plus susceptible d'être arraché dans un mono-feuillet sans défauts dière d'une étude à

l'autre. A ce sujet, nos résultats expérimentaux, qui montrent que les mono-lacunes sont générées par l'éjection d'atomes de bore, conrment les calculs de Kotakoski at al. L'énergie de déplacement des atomes au bord d'un trou en conguration zig-zag terminé par des atomes d'azote a aussi été calculée par Kotakoski et al. et Kim et al. trouvant respectivement 8,58 eV et 12,5 eV pour le bore et 12,99 eV et 7,6 eV pour l'azote. Si ces deux études conrment que les atomes au bord des nano-pores sont plus sensibles au faisceau d'électron, on remarque surtout que nos mesures ex-périmentales sont inférieures à ces valeurs théoriques. Le mono-feuillet h-BN que nous avons étudié est donc plus fragile que prévu.

Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce résultat. Tout d'abord, il faut noter que nous mesurons une moyenne de l'énergie de déplace-ment du bore et de l'azote, ce qui est cohérent avec le mécanisme de croissance des nano-pores, puisque nos images hautes résolution et haute fréquence démontrent que les atomes sont éjectés par paire bore/azote. Par ailleurs, nous avons égale-ment montré que le mécanisme qui limite cinétiqueégale-ment l'expansion des trous est la formation d'une encoche sur un bord en zig-zag. L'énergie de déplacement de cette première paire d'atome est sans doute plus élevée que la valeur moyenne que nous avons mesurée, car cette dernière est abaissée par la très rapide éjection de tous les atomes de la couche entaillée qui suit systématiquement la formation de l'encoche. En d'autres termes, nos observations laissent penser que le processus de pelage d'une couche entaillée coute certainement moins d'énergie que la formation de l'encoche. Les calculs théoriques se focalisent sur l'éjection d'un atome de bore ou d'azote sur un bord en zig-zag parfait. Ils ne prennent donc pas en compte que les atomes sont arrachés par paire et surtout ils se concentrent sur la partie la plus énergivore du processus d'expansion des trous. Enn, on peut aussi envisager que des paramètres structuraux engendre une fragilité du mono-feuillet. Nous pou-vons rejeter l'hypothèse d'une dégradation chimique, car les atomes ou molécules qui pourraient catalyser ces réactions seraient visibles sur nos images. En revanche, un stress mécanique, la présence d'agrégats amorphes ou la croissance de plusieurs nano-pores sur une même zone sont des explications envisageables. Il serait perti-nent d'entreprendre des études similaires sur des échantillons obtenus par diérentes voies et paramètres de synthèse pour étudier les possibles eets de structure sur la croissance des nano-pores dans le h-BN.

Documents relatifs