• Aucun résultat trouvé

Un lien avec le sanctuaire gaulois de Thézy-Glimont ?

La base du mémoire reposant essentiellement sur ce site fouillé entre 2012 et 2013 par le Service d’Archéologie Préventive d’Amiens métropole, nous nous sommes demandés pourquoi le sanctuaire gaulois a été installé au bord de la vallée de l’Avre, et en quoi la présence de la vallée a joué quant à la vie du sanctuaire. L’hypothèse de base était la présence des marais sous-jacent et de la culture possible d’aulne, poussant particulièrement bien dans des environnements humides, mais surtout de leurs rejets pour la création d’artéfacts tels des paniers, claies et nasses (Le Béchennec Y. et al., 2016). Cette thèse est appuyée par la toponymie locale, le lieu-dit de la fouille se dénommant « Les Vergnes » qui correspondrait à une levée de terre retenant l’eau pour la culture d’aulne (Lachivers M., 1997). Cette interprétation vaut ainsi autant pour les peuples protohistoriques qu’historiques. Il sera d’ailleurs intéressant de comprendre les relations entre cette vallée et les ensembles médiévaux comme avec la motte castrale et la maladrerie à Boves ou le château de Thézy- Glimont.

Le reste de l’écologie d’un marais est aussi à prendre en compte. En effet, il faudra penser à une tourbière bien moins développée que de nos jours. Le paysage ressemblait ainsi à un ensemble marécageux, dont l’écologie lignifiée était bien moins développée au vu d’une dégradation climatique à environ 250 avant J.-C. qui a des répercutions jusqu’au IIe siècle de notre ère (fig. 67). Ce climat plus froid favorise l’accumulation organique au sein de la tourbière, permettant aux populations celtes d’observer la ressource directement sous leurs yeux et d’éventuellement l’utiliser pour l’entretien et l’allumage du feu. Toutefois, aucune attestation archéologique n’a été établie quant à cette utilisation de la tourbe pour le chauffage et il est fort peu probable qu’il y ait une découverte dans ce sens au vu de la mauvaise conservation de la tourbe une fois sorti

de la tourbière. Il sera peut-être possible dans le futur d’établir la nature du combustible grâce aux restes de cendre retrouvés en contexte archéologique. Toutefois certaines mentions antiques font états de l’utilisation de la tourbe comme combustible chez les chauques11 (Pline l’ancien, 77).

L’emplacement du sanctuaire ne semble pas être le fait du hasard, que ce soit pour la période gauloise ou impériale. Il se situe au surplomb de la confluence entre la Luce et l’Avre, zone on ne peut plus stratégique et commerciale. La proximité de la rivière simplifiant largement la ressource en eau est aussi une ressource non négligeable de nourriture par la pêche. Notons toutefois que durant la fouille du site, peu de restes ichtyofauniques ont été retrouvés (Le Béchennec Y., et al., 2016). Il est toutefois possible, au vu de la mauvaise conservation des arrêtes qu’elles aient totalement disparu au fil du temps. Simplement l’hypothèse de la pêche ne peut être affirmée à l’heure actuelle des trouvailles archéozoologiques.

Le climat plus froid qu’aujourd’hui impactait aussi les cours d’eau, augmentant le débit et la puissance des crues des rivières. Il faut imaginer une Avre plus importante et plus capricieuse que de nos jours. De ce fait, l’affluent de la Somme aurait pu avoir un véritable impact sur la vie des populations au sein de la vallée. Du faible savoir historique et archéologique sur les croyances et cultes celtes, nous pouvons penser que le sanctuaire a été implanté à la confluence de deux rivières pour ces raisons. Simplement, cette thèse ne pourra être justifiée par des faits tangibles.

Nous avons déjà abordé l’intérêt d’un pont ou d’un passage à gué au sein d’une rivière. Il est possible que l’emplacement du sanctuaire, se trouvait près d’un franchissement du cours d’eau, amenant obligatoirement un passage des voyageurs et commerçant par le sanctuaire, la traversée d’une rivière ne pouvant s’effectuer qu’à des points bien précis d’un cours d’eau. Les aménagements de l’époque impériale (Le Béchennec Y. et al.,

11 Pline l’ancien, Livre XVI, chapitre 1-4 : « […] ils façonnent à la main de la boue, qu’ils sèchent au vent plutôt qu’au soleil, et c’est avec cette tourbe qu’ils cuisent leurs aliments et réchauffent leurs entrailles glacées par le nord «. L’ensemble de l’histoire naturelle est disponible numériquement ici : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k2820810/f1.image

2016) pourraient attester de cet axe de communication important.

De retour sur les ressources locales, nous avons trouvé sous la tourbe une argile grise, très plastique qui semblerait être de la kaolinite d’excellente qualité. Nous pouvons assurer la présence d’au moins 50% d’argile pure. Cependant nos moyens de différenciation granulométrique étant assez rudimentaires, nous pensons que la kaolinite contient bien plus d’argile. Il a été retrouvé une très grande quantité de céramique sur le site de fouille. L’étude réalisée se focalisant plus sur la typologie que sur la composition et les provenances des argiles (Le Béchennec Y. et al., 2016), il est possible que les gaulois et surtout les gallo-romains aient extrait cette argile pour fabriquer de la vaisselle, nous pensons assez fine, copiant des fabrications plus ou moins régionales. Des comparaisons de composition sont en cours d’analyse à l’école de LaSalle à Beauvais. Pour exemple, sur la qualité de l’argile, il est encore utilisé de nos jours la kaolinite pour la fabrication de faïence et de porcelaine.