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Q UELQUES SOLUTIONS PROPOSEES

Dans le document Du Jardin des Hasards aux Jardins de Données: (Page 108-115)

P OSITIONNEMENT DE LA DEMARCHE

IV.1. Q UELQUES SOLUTIONS PROPOSEES

Nous nous sommes momentanément éloignés des systèmes complexes pour explorer les questions liées à la construction, par le sujet, d’un modèle cognitif de ce qu’il voit. Il est temps maintenant d’y revenir pour examiner les solutions qui ont pu être proposées aux problèmes de représentation de ces systèmes, avant d’exposer les solutions que nous avons nous-mêmes développées.

IV.1.1. TYPOLOGIE DES REPRESENTATIONS DE SYSTEMES COMPLEXES

Comme nous l’avons souligné à la section II.3, la question de la représentation est essentielle aussi bien dans une perspective d’analyse et de conception de systèmes, que dans une perspective de contrôle et de commande. Cependant, la grande diversité des systèmes, et les différents niveaux de complexité qui les caractérisent, se traduisent par une grande diversité de moyens ou solutions de représentation.

L’analyse de ces solutions montre qu’elles sont fortement dépendantes du système, et plus particulièrement de la (des) forme(s) que prend la complexité dans ce système, mais également de la « culture » du domaine concerné et des objectifs associés à la représentation. Nous avons donc entrepris de faire un tour d’horizon rapide des méthodes utilisées dans différents contextes afin d’en extraire les éléments les plus importants et aussi de pointer les insuffisances et les carences de ces méthodes pour aborder et prendre en charge la complexité de certains systèmes. Pour ce faire, nous avons choisi de classer les systèmes complexes selon les deux axes qui nous semblaient les plus pertinents et les plus discriminants vis à vis de la représentation visuelle (voir Tableau IV.1) : d’une part la problématique adoptée pour l’utilisation de l’interface (analyse/conception ou contrôle/commande) ; d’autre part la nature du système (systèmes physiques et techniques, ou systèmes sociaux et système d’information).

De même que toute classification, celle-ci est à la fois partielle et partiale. Partielle, elle ne prétend pas rendre compte de tous les systèmes possibles. Elle s’accommode mal, en outre, de cas intermédiaires entre les types qu’elle distingue. Partiale, elle se fonde sur le choix de deux critères parmi d’autres (pourquoi seulement deux, pourquoi ceux-là ?) pour expliquer la difficulté plus ou moins grande liée à la représentation des systèmes complexes. Il ne s’agit donc pas d’établir une classification exhaustive et

définitive des systèmes complexes, mais seulement de faciliter l’analyse de ce qui rend système dans l’un ou l’autre cas. Le deuxième axe reprend quant à lui, en la modifiant légèrement, la classification des systèmes complexes établie par M. Bunge (voir figure II.2), et sa distinction entre systèmes vivants et non vivants. Les systèmes artificiels, bien que conçus par des systèmes vivants (l’homme en l’occurrence), sont considérés du point du vue des interfaces comme de simples systèmes mécaniques, et nous les avons donc placés du côté des systèmes non vivants. Cette distinction entre systèmes techniques et systèmes sociaux nous semble importante car, s’il est relativement facile d’identifier de manière automatique les dysfonctionnements techniques d’un système industriel (une variable qui sort de son domaine de fonctionnement normal par exemple), cela est impossible dès que le fonctionnement du système dépend de l’intervention d’opérateurs humains dont le comportement est au moins en partie imprévisible. Cette imprévisibilité tient en particulier à ce que H. Simon nomme la rationalité limitée [Simon 1991], qui implique que les décisions prises ne correspondent pas nécessairement à un choix optimal.

Problématique

Nature Analyse / Conception Contrôle / Commande Physique / Tableau IV.1 – Classification de quelques systèmes complexes en fonction de la problématique d’interface et de la nature du système.

IV.1.2. ANALYSE-CONCEPTION / SYSTEMES PHYSIQUES ET TECHNIQUES

Cette catégorie recouvre notamment les exemples de simulation de phénomènes physiques ou chimiques, pour lesquels on cherche à obtenir, par la visualisation, une meilleure compréhension des mécanismes impliqués. La forme que prend la visualisation dépend alors de la méthode de simulation utilisée. Un automate cellulaire, un système dynamique ou un système multi-agent ne pourront pas être représentés sous une forme identique, même s’ils modélisent le même phénomène (voir la figure IV.4 pour un exemple dans le cas d’un système biologique de proies et de prédateurs).

Le cas le plus simple est celui des automates cellulaires, qui sont eux-mêmes des images puisqu’ils correspondent à une grille de cellules, chaque cellule pouvant être associée à une couleur particulière. Aucun effort de visualisation n’est donc nécessaire, sauf peut-être pour choisir les couleurs utilisées. Les systèmes dynamiques correspondent à une autre méthode de simulation, par laquelle le système est modélisé par un vecteur de n variables d’état qui évolue au cours du temps. La visualisation concerne alors la représentation d’un espace à n dimensions en fonction du temps [Löffelmann et Gröller 1998 ; Wegenkittl et al. 1997], ce qui devient notoirement compliqué dès que l’on dépasse trois dimensions. En outre, le lien entre l’évolution d’un vecteur de variables d’états et l’évolution d’un système risque d’être particulièrement difficile à effectuer. Enfin, la simulation multi-agent modélise les phénomènes en les décomposant en un ensemble d’éléments dont elle reproduit les comportements et les interactions par l’intermédiaire d’autant d’agents. Il y a donc un isomorphisme naturel entre le phénomène étudié et son modèle, ce qui rend la visualisation elle aussi naturelle [Servat et al. 1998]. Le travail de visualisation peut consister, dans certains cas, à rendre visible l’état interne des agents pour rendre perceptible l’émergence de structures globales, des lignes de force dans un tas de sable par exemple [Breton et al. 1999].

Dans cette catégorie rentrent également les programmes informatiques parallèles ou distribués. Il s’agit cette fois de mettre au point des programmes composés d’un ensemble de processus qui interagissent les uns avec les autres dans la réalisation d’une tâche donnée. En plus de vérifier la bonne exécution de chaque processus, il est donc nécessaire de s’assurer de la bonne interaction des processus les uns avec les autres. Le moyen le plus utilisé pour ce faire consiste à dérouler l’historique des différents processus en explicitant les appels entre processus (voir figure IV.1).

IV.1.3. CONTROLE-COMMANDE / SYSTEMES PHYSIQUES ET TECHNIQUES

Cette catégorie concerne principalement les systèmes industriels complexes (usine, avion, etc.), dont il faut contrôler le fonctionnement, ou, plus exactement, dont il faut prévenir les dysfonctionnements. Il s’agit essentiellement pour l’opérateur de maintenir un certain nombre de variables dans leurs intervalles de fonctionnement respectifs.

Pour ce faire, on propose donc à l’opérateur de suivre individuellement les valeurs de ces variables par des histogrammes, des cadrans, des compteurs, des courbes, etc., ou de contrôler les relations entre ces variables par des affichages synoptiques (voir figure IV.2) qui fournissent à l’opérateur une représentation graphique proche de la représentation physique et concrète du procédé ou d’une partie de celui-ci [Kolski 1997]. Cela implique naturellement que ce procédé ait une structure connue à l’avance et qui n’évolue pas au cours du temps.

figure IV.1 – Visualisation de processus distribués [Hart et al. 1997].

figure IV.2 – Affichages synoptiques pour des systèmes industriels complexes (d’après [Kolski 1997]).

De nouvelles techniques d’affichage se développent qui visent à la représentation sous forme synthétique d’un ensemble de données afin de détecter aisément une anomalie sur l’une de ces données. C’est le cas par exemple des méthodes d’affichage

« étoile » [Coekin 1968], MDD (Mass-Data-Display) [Zinser 1993], ou encore des visages de Chernoff [Chernoff 1973] et leurs versions dérivées (figure IV.3).

IV.1.4. ANALYSE-CONCEPTION / SYSTEMES DIDEES ET SYSTEMES SOCIAUX

Cette problématique d’analyse et de conception appliquée aux systèmes sociaux concerne avant tout la simulation de ces systèmes. De même que pour la simulation de systèmes physiques, la méthode de simulation choisie conditionne fortement le type de représentation qu’il sera possible de proposer (figure IV.4).

Par rapport aux automates cellulaires et aux systèmes dynamiques pour lesquels les solutions de représentation sont très limitées et contraintes, les simulations multi-agents autorisent l’utilisation d’un large éventail de méthodes de visualisation. Le plus

figure IV.3 – Techniques d’affichage synthétiques pour les systèmes industriels complexes. Situation normale (en haut) et anormale (en bas) pour :

la méthode MDD ; ➁ la méthode « étoile » ; les visages de Chernoff (d’après [Kolski 1997]).

figure IV.4 –Visualisation d’un système de proies et de prédateurs : ➀ automate cellulaire ; ➁ système dynamique ; ➂ système multi-agent.

➀ ➁ ➂

➀ ➁ ➂

simple, dans le cadre d’une simulation biologique, consiste évidemment à représenter les organismes vivants tels qu’ils apparaîtraient en réalité (voir figure IV.5).

Cela revient, pour un observateur, à avoir sur le système multi-agent le même regard que celui qu’il pourrait avoir sur un système naturel, observant les comportements individuels des agents du système d’un point de vue extérieur. L’intérêt d’une telle représentation est qu’elle permet de valider qualitativement les simulations effectuées en comparant l’aspect visuel de la simulation avec celui du système réel. En revanche, l’observateur n’a pas accès à l’état interne des agents et doit inférer, deviner les interactions entre les agents à partir de ses observations.

Plutôt que de se centrer sur les agents, d’autres méthodes de représentation adoptent une approche plus « sociologique », et abordent le problème d’un point de vue organisationnel en s’intéressant aux aspects structurels et dynamiques des organisations qui résultent des interactions entre les agents. Ces représentations prennent généralement la forme de graphes de relations figurant les interactions entre agents [Proton et al. 1997 ; Parunak 1996], offrant une vision plus globale des systèmes et de leur structure (voir figure IV.6).

figure IV.5 – Image d’écran du système MANTA [Drogoul 1993]. La représentation reproduit le plus fidèlement possible l’image de la fourmilière que le système modélise.

IV.1.5. CONTROLE-COMMANDE / SYSTEMES DIDEES ET SYSTEMES SOCIAUX

Cette dernière catégorie concerne la visualisation de systèmes sociaux, ou de systèmes d’idées, en vue de permettre à un observateur de se positionner par rapport au système qu’il observe, et donc d’agir sur ou dans ce système. Cela concerne principalement l’usage du Web. Le Web peut en effet être considéré comme un système d’idées en perpétuelle évolution, modelé par les personnes qui l’alimentent en information, qui modifient ou qui propagent cette information à la manière de mèmes [Dawkins 1989]. Un certain nombre de systèmes de visualisation essaient ainsi de rendre compte de manière continue de l’organisation de cette information en pages, en sites, en réseaux, et de son évolution [Chi et al. 1998 ; Terveen et Hill 1998]. Par ailleurs, le Web est un espace social au sein duquel les utilisateurs peuvent se rencontrer, échanger. Il est ainsi possible de visualiser en continu les « mouvements » des personnes visitant des sites [Minar et Donath 1999]. Le visiteur d’un site a alors la possibilité de voir où se trouvent les utilisateurs présents sur le même site, donc savoir où se trouvent les pages, sinon les plus intéressantes, du moins les plus visitées (figure IV.7).

figure IV.6 – Visualisation par graphe de relations d’un système modélisant une société de chasseurs et d’agriculteurs (d’après [Proton et al. 1997]).

figure IV.7 – Visualisation des utilisateurs visitant un site Web (d’après [Minar et Donath 1999].

Dans le document Du Jardin des Hasards aux Jardins de Données: (Page 108-115)