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Q UELQUES REPERES

Après ces quelques exemples, il nous semble important d’élargir le champ de la réflexion et d’introduire rapidement les traditions scientifiques aussi bien qu’artistiques sur lesquelles ce travail se fonde. Cela nous permettra de légitimer a priori le choix d’une démarche en partie artistique pour s’intéresser « scientifiquement » à des questions de représentation. Par ailleurs, nous croyons utile de préciser dès maintenant le statut que nous souhaitons accorder aux connaissances qui pourront être produites et transmises par la création de systèmes de représentation.

I.2.1. EPISTEMOLOGIES POSITIVISTES ET CONSTRUCTIVISTES

« (l’épistémologie peut se définir) en première approximation comme l’étude de la constitution des connaissances valables. »

J. Piaget

Nous n’avons pas l’intention de nous engager dans un débat épistémologique, forcément polémique. Cependant, dans la mesure où notre problématique centrale concerne la construction de représentations sensibles de certains aspects de la réalité, il nous semble opportun de préciser la valeur que nous attribuons à ce type de représentations, en nous positionnant par rapport aux deux principaux courants épistémologiques actuels, dont il est utile de rappeler les hypothèses et méthodologies.

L’épistémologie positiviste, dont on peut faire remonter l’origine à Platon, et surtout à Descartes, se base sur les hypothèses « ontologique » et « déterministe » [Le Moigne 1999]. La première postule que la Réalité existe de manière permanente, indépendante et antérieure à d’éventuels observateurs qui voudraient la connaître et la décrire [Marx et Engels 1968]. L’hypothèse déterministe postule quant à elle que cette Réalité obéit à une détermination interne qui se traduit par un causalisme, chaque effet étant le produit d’une cause antérieure. L’objet de la science est ainsi de découvrir les lois qui gouvernent la Réalité et son évolution grâce aux principes de la « modélisation analytique » et de la « raison suffisante ». Le premier de ces principes appelle à la décomposition des « difficultés (…) en autant de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre » (Descartes). Le principe de raison suffisante indique pour sa part que « rien n’arrive jamais sans qu’il y ait une cause ou du moins une raison déterminante » (Leibniz).

L’épistémologie constructiviste se démarque assez largement de la conception positiviste, se fondant sur les hypothèses « phénoménologique » et « téléologique ».

La première hypothèse pose que « le réel connaissable est un réel en activité qu’expérimente le sujet, et que ce sujet se construit, par des représentations symboliques (…), cette connaissance de son expérience du réel » [Le Moigne 1999].

Autrement dit, indépendamment de l’existence ou non d’une réalité indépendante de l’observateur, l’hypothèse phénoménologique souligne l’impossibilité pour le sujet de connaître cette réalité autrement que par l’intermédiaire de représentations qu’il s’en construit. A partir du moment où la connaissance résulte d’une construction, donc d’une interprétation, il est inévitable que cette interprétation s’effectue en rapport avec une intentionnalité ou une finalité, autrement dit un but, de la part du sujet connaissant.

C’est ce qu’exprime l’hypothèse téléologique. Sur la base de ces hypothèses, l’objet de la science n’est plus de découvrir les lois qui gouvernent le monde réel, mais plutôt de construire des modèles qui rendent compte de son évolution. C’est l’objet notamment de la modélisation systémique [Durand 1998], qui étudie les systèmes dans leur globalité, et s’intéresse pour ce faire à leurs propriétés fonctionnelles plus qu’à leur composition [Simon 1991]. Enfin, au principe de raison suffisante correspond, pour l’épistémologie constructiviste, le principe « d’action intelligente » qui indique que la raison humaine, en réponse à la perception d’un écart entre les comportements et les buts du sujet, est parfois capable d’inventer des réponses sous forme « d’actions intelligentes » [Le Moigne 1999], en vue de réduire cet écart. Autrement dit, sur la base de ses expériences antérieures, le sujet est capable d’élaborer des heuristiques lui permettant de choisir les actions adaptées pour atteindre son but, ou en tout cas s’en rapprocher.

Cet exposé est naturellement bien trop court pour exprimer la richesse de chacune des deux positions, exposé que nous avons par ailleurs essayer de rendre le plus neutre possible. Il n’aura cependant pas échappé au lecteur attentif que nous adoptons, pour notre part, une démarche qui s’apparente à la démarche constructiviste, bien que s’en démarquant sur certains points comme nous le verrons par la suite. Nous avons discuté, avec le macroscope et les mondes miroirs, de deux paradigmes de connaissance des systèmes complexes, mettant respectivement en avant la construction et l’action comme modes de connaissance privilégiés du monde réel. Le macroscope s’intéresse à l’acquisition de cette connaissance par la construction de modèles que l’on peut ensuite simuler ; les mondes miroirs s’y intéressent par l’action d’exploration d’un modèle. Il s’agit dans les deux cas de permettre à l’utilisateur de se construire une représentation mentale d’un phénomène

complexe à partir d’une représentation computationnelle. Dans les deux cas également, cette construction passe nécessairement par un troisième type de représentation, une représentation sensible. De même que les représentations computationnelle et cognitive que nous venons d’évoquer sont des constructions, de même cette représentation sensible, que l’on considère généralement comme donnée, nous pensons qu’il peut être également utile, voire nécessaire, de la construire. Comme nous le rappelle G. Bachelard, « rien n’est donné, tout est construit ».

A cet effet, il est sans doute enrichissant de s’intéresser à l’imagerie produite par la science pour rendre compte des concepts qu’elle manipule, mais également à l’art pictural, dans son soucis de produire des représentations sensibles de réalités parfois concrètes (portraits, paysages, natures-mortes, etc.), parfois abstraites et insaisissables (sentiments, émotions, atmosphères, etc.)

I.2.2. L’IMAGERIE SCIENTIFIQUE

L’imagerie scientifique, c’est-à-dire l’utilisation de moyens graphiques pour traduire les résultats d’investigations scientifiques sous une forme facilement compréhensible, est probablement aussi ancienne que la science elle-même. Nous proposons ici quelques repères de cette histoire, qui trouve aujourd’hui son apogée avec la visualisation scientifique, instituant cette imagerie en tant que champ de recherche autonome.

I.2.2.1. Quelques repères

Depuis l’Antiquité déjà, et jusqu’à la Renaissance, la tradition des Arts de la mémoire s’est attachée à développer des moyens de représentation permettant une mémorisation aisée de grandes quantités d’information [Codognet 1996]. Pour ce faire, l’idée est d’établir une correspondance entre la mémoire du sujet et une structure architecturale imaginaire, mais dont l’organisation générale est familière, et de disposer dans cet espace des images faisant référence aux choses à retenir. En parcourant mentalement l’architecture imaginaire, le sujet a alors la possibilité de se remémorer ces choses et leurs relations ou leur séquence.

Plus près de nous, l’apparition de l’imprimerie a favorisé, dès le début du XVIème siècle, la production et la distribution de livres illustrés, alors qu’une vision appliquée et

technique de la science se substituait à la vision théorique, voire idéologique, qui prévalait jusque-là. Les carnets de L. de Vinci [de Vinci 1987] ne constituent qu’un exemple parmi d’autres, que l’on peut relever dans des domaines divers : anatomie, architecture, mécanique, hydraulique, etc. Le but est cette fois-ci de produire des représentations pédagogiques par des diagrammes qui explicitent les principes de phénomènes naturels (écoulement de liquides, trajectoire de rayons lumineux, etc.), qui détaillent les aspects extérieurs de plantes et d’animaux ou les mécanismes internes de machines ou de corps humains, ou encore qui présentent le déroulement d’une expérience. Le scientifique a alors la responsabilité de traduire sous forme graphique le résultat de son travail, ce qui fait de lui, sinon un artiste, du moins un dessinateur.

Le développement de la photographie a porté un coup fatal aux talents graphiques des scientifiques (c’est maintenant aux artistes qu’il faut faire appel pour la réalisation de dessins scientifiques), mais pas à l’imagerie scientifique, bien au contraire. Couplée à des techniques d’imagerie toujours plus précises et plus puissantes, et dans un contexte de diffusion généralisée de l’information, l’image de science est devenue omniprésente dans notre civilisation occidentale, depuis l’image du fœtus dans le ventre de sa mère jusqu’aux images de la météorologie quotidienne. Enfin, avec le développement des techniques de simulation informatique, se produit un dernier glissement. A nouveau, c’est au scientifique lui-même qu’il revient de construire, par l’intermédiaire de l’ordinateur, les images de son travail. L’ordinateur produit en effet des flots de nombres, qui ne sont pas exploitables en tant que tels et qu’il est donc nécessaire de transformer en images. Cette question est elle-même devenue un champ de recherche autonome en 1986 [Pickover et Tewksbury 1994], celui de la visualisation du calcul scientifique (Visualization in Scientific Computing), dans lequel les artistes ont plus que jamais un rôle à jouer [Colonna 1994 ; Cox 1988 ; Wright 1994].

I.2.2.2. La visualisation du calcul scientifique

“Visualization is a method of computing. It transforms the symbolic into the geometric, enabling researchers to observe their simulations and computations. Visualization offers a method for seeing the unseen. It enriches the process of scientific discovery and fosters profound and unexpected insights. In many fields it is already revolutionizing the way scientists do science.”10

B. McCormick, T DeFanti, M. Brown [McCormick et al. 1987]

L’ordinateur-macroscope [de Rosnay 1995] permet d’étudier le monde en le simulant, c’est-à-dire en le modélisant et en faisant « vivre » ce modèle par un calcul informatique. Le résultat du calcul, une immense suite de nombres, n’est accessible que pour l’ordinateur lui-même. Or, comme le rappelle R. Hamming, « le but du calcul [scientifique] est la compréhension, pas les nombres. »11. Pour rendre le calcul compréhensible, il est donc nécessaire de le rendre visible par une transformation

« appropriée », tout le problème étant précisément de trouver la bonne transformation.

Comme nous l’avons souligné à propos des mondes miroirs, rendre visible n’est pas suffisant ; encore faut-il que la représentation mette en évidence les aspects les plus importants du calcul, sachant qu’il est souvent difficile de savoir a priori quels aspects seront les plus importants.

Tout l’art de la visualisation consiste donc à trouver la transformation la meilleure entre les données générées par le calcul d’une part, et une image ou une suite d’images d’autre part, elles-mêmes générées par des matrices de nombres. « La visualisation est le processus de transformation d'information en une forme visuelle, permettant à un utilisateur d'observer l'information » [Gershon 1994]. Concrètement, les techniques de visualisation seront utilisées pour explorer ou exploiter un ensemble de données, pour appréhender de manière plus fine des concepts ou des processus, pour contrôler la qualité de simulations ou de mesures, ou encore comme moyen de communication et de collaboration. Pour ce faire, le but n'est pas d'obtenir des images qui soient belles ou réalistes mais des images qui soient porteuses de sens, c'est-à-dire dont l'analyse révèle le contenu informatif, en permettant de repérer certaines des données parmi l'ensemble, de les catégoriser en différents groupes, de les trier, de les associer à distance dans le temps, d'établir des corrélation entre elles, etc.

10 « La visualisation est une méthode de calcul. Elle transforme le symbolique en géométrique, permettant aux chercheurs d’observer leurs simulations et leurs calculs. La visualisation offre une méthode pour voir l’invisible. Elle enrichit le processus de la découverte scientifique et favorise des compréhensions profondes et imprévues. Dans de nombreux domaines, elle est déjà en train de révolutionner la pratique scientifique. » (traduction personnelle)

11 “The purpose of [scientific] computing is insight, not numbers”.

Dans cette recherche de la « bonne transformation », le scientifique, qui connaît le modèle, a besoin des ergonomes ou des artistes, qui connaissent les propriétés des images et de leur perception par un observateur ; non pour donner une forme esthétique au calcul, dans le but de renforcer son pouvoir de séduction (voir [Bajuk 1995] pour une discussion de ce sujet), mais plutôt pour renforcer son pouvoir de compréhension [Domik 1991]. Des images fractales par exemple, le grand public ne retient que leur aspect esthétique, voire artistique [Mandelbrot 1983]. Certains mathématiciens se défendent pourtant de faire de l’art, comme A. Douady : « ce n’est quand même pas ma faute si je travaille dans un pays où il fait beau ! » [Sicard 1995].

Le « rôle » de l’artiste n’est donc pas de rendre beau mais de rendre intelligible. Dans certains cas, le simple fait de modifier la palette de couleurs utilisée pour l’affichage peut suffire à rendre visibles des phénomènes qui restaient jusqu’alors imperceptibles [Colonna 1994 ; Cox 1988]. Par sa connaissance des couleurs et de leurs contrastes, mais également par sa sensibilité et son intuition, l’artiste peut proposer des solutions de visualisation plus efficaces. De manière plus générale, la longue tradition des arts de la représentation dans la recherche de moyens sensibles pour « rendre visible » une réalité cachée, constitue une importante source d’inspiration pour la visualisation scientifique qui, elle aussi, cherche à rendre visible.

I.2.3. LES ARTS DE LA REPRESENTATION

« Dès l’enfance, les hommes ont, inscrites dans leur nature, à la fois une tendance à représenter (…) et une tendance à trouver du plaisir aux représentations. »

Aristote, Poïétique, 4b5

Par « arts de la représentation », il faut comprendre arts « dont les éléments sensibles ne sont pas seulement organisés en forme primaire, uniquement plastique, mais doivent être interprétés en plus comme voulant dire quelque chose d’autre » [Souriau 1990]. Nous faisons donc la différence entre représentatif et figuratif, une œuvre représentative pouvant prendre au choix une forme figurative, par laquelle les objets sont montrés picturalement « tels qu’ils sont » [Malévitch 1994], ou une forme non figurative, abstraite, « évoquant des éléments perceptifs, affectifs, intellectuels, isolés de leur objet originel et considérés à part » [Souriau 1990].

I.2.3.1. Quelques repères

Pour rendre une certaine réalité accessible à la compréhension, il est souvent utile de s’éloigner d’une reproduction parfaite de cette réalité. Les artistes ont parfaitement compris ce paradoxe apparent. Il a été abordé d’un point de vue philosophique par deux approches différentes, complémentaires plutôt qu’opposées : une conception

« scientifique » d’une part, prétendument objectif, incarné par Platon puis Hegel ; une conception subjectiviste d’autre part, qui admet la subjectivité du sujet, peintre ou spectateur, incarné par Aristote puis Kant (voir [Cauquelin 1998] ou [Lacoste 1998]

pour une présentation détaillée des principales approches philosophiques et théoriques de l’art).

Dans l’Antiquité, la pratique picturale est fondée par la mimêsis, c’est-à-dire l’imitation. Platon est très critique vis-à-vis de la reproduction de l’apparence de la réalité sensible, c’est-à-dire l’art du trompe-l’œil puisqu’il considère que ces apparences sont elles-mêmes trompeuses (c’est le célèbre mythe de la caverne12 [Platon 1966], voir aussi [Maturana et Varela 1994] pour une présentation actuelle de la question). Copier la réalité sensible, c’est donc s’éloigner encore un peu de la vérité, et il est important pour Platon de revenir à l’essence des choses, à l’Idée de la chose, autrement dit adopter une attitude « scientifique ». Ce qui doit être représenté n’est pas la chose mais son modèle « idéalisé ». A défaut de pouvoir atteindre ce modèle idéalisé, il est possible d’utiliser un modèle construit, ainsi que nous le montrent les mondes miroirs qui ne représentent pas directement le monde réel et peuvent seulement représenter de manière indirecte un modèle de ce monde. Il ne sert à rien de reproduire l’image des bâtiments d’un hôpital, on n’y gagne aucune compréhension quant à son fonctionnement interne. De même pour Hegel, l’art du trompe-l’œil est une

« occupation oiseuse et superflue, (…) un jeu présomptueux dont les résultats restent toujours inférieurs à la nature ». D’autant qu’à la conception immuable et éternelle du monde qui prévalait dans l’Antiquité s’est substituée une vision dialectique, traduisant selon Hegel, « le mouvement éternel de la lutte des contraires ». Le rôle de l’art étant de dévoiler le réel, celui de l’artiste devient de dévoiler non plus le produit mais la genèse, non plus la chose mais le processus. Ce qui fait dire au philosophe Novalis

12 Allégorie décrite par Platon dans [Platon 1966] pour convaincre du caractère trompeur des sens : des prisonniers sont maintenus dans une caverne, face à une paroi, par des chaînes qui leur interdisent de tourner la tête. La scène est éclairée par un feu qui se trouve derrière eux, et dont la lumière se projette sur le mur. Les prisonniers ne voient donc du monde que les ombres, projetées sur le mur, provenant de personnages qui passent entre eux et le feu. Ne voyant rien d’autre que ces ombres, ils les considèrent comme étant la réalité.

que le poète « comprend mieux la nature que l’homme de science » et à Rimbaud plus tard qu’il est le « suprême Savant ». Ce point de vue romantique est ainsi résumé par E. Cassirer : « c’est dans la création, non dans l’imitation, qu’on atteindra la “vérité” de la nature, car la nature elle-même, dans son sens le plus profond, n’est pas la totalité des créatures, mais la force créatrice d’où jaillit la forme et l’ordre de l’univers. » Point de vue que ne renieraient pas aujourd’hui les sciences de la complexité qui, plutôt que de décrire les phénomènes d’une manière globale par un ensemble de règles fixes, s’attachent à les re-créer, à les re-construire, en simulant la dynamique de chacune des créatures composant le phénomène.

Cette première attitude, qui se concrétise aujourd’hui par la représentation sensible de modèles construits de la réalité, est restée largement théorique dans l’histoire de l’art. De manière parallèle s’est donc développé, d’abord avec Aristote puis avec Kant, un subjectivisme qui s’intéresse de manière plus pratique à la production d’œuvres et à leur perception, et donc à la subjectivité qui y est associée. Aristote envisageait ainsi la mimêsis sous l’angle de la vraisemblance plutôt que sous celui de la vérité, ce qui l’amène à considérer favorablement d’éventuels écarts par rapport au modèle.

« Rendre l'imitation plus intelligible que la nature, en supprimant les détails » disait Stendhal. On peut ainsi rapprocher le Macroscope, qui filtre, amplifie, fait ressortir, d’un caricaturiste qui, en modifiant et réorganisant les éléments d’un visage, en fait mieux ressortir les caractères dominants et la structure. Autrement dit, l’artiste s’autorise à tricher, à mentir, à déformer, si cela peut lui permettre d’exprimer avec plus de force la véritable nature de la réalité représentée. « L’art est le mensonge qui nous fait réaliser la vérité » (P. Picasso). Enfin, l’attention se tourne, avec Kant, vers le spectateur et le jugement qu’il porte sur l’œuvre, forcément subjectif.

Cette vision annonce donc un glissement de la pratique artistique, d’une démarche de représentation du monde vers une démarche de communication avec le spectateur.

« L’art est une activité qui permet à l’homme d’agir sciemment sur ses semblables au moyen de certains signes extérieurs afin de faire naître en eux, ou de faire revivre, les sentiments qu’il a éprouvés » (L. N. Tolstoï). Plus qu’un instrument pour créer des représentations porteuses d’une hypothétique valeur de vérité, l’art devient donc un outil permettant à l’artiste de communiquer avec celui qui reçoit son œuvre. « Un tableau ne vit que par celui qui le regarde » (P. Picasso). Ce glissement, amorcé à la fin du XIXème siècle, se retrouve dans l’art du début du XXème siècle à travers différents mouvements [Souriau 1990] : l’impressionnisme qui vise à transmettre des impressions, une atmosphère lumineuse ; le cubisme qui cherche à exprimer l’essence

des choses en faisant appel aux capacités cognitives du spectateur, en « mêlant aux différentes sensations (…) suscitées par l’objet, le souvenir et sa connaissance intellectuelle » [Souriau 1990], annonçant en cela les recherches les plus récentes de la psychologie de la perception ; le futurisme qui s’intéresse à la vie de la matière et à ses propriétés de mouvement, d’énergie, de force, de continuité, exprimées par le principe du dynamisme plastique [Malévitch 1994]. La liste pourrait être encore longue et nous n’avons cité ici que les principaux mouvements.

des choses en faisant appel aux capacités cognitives du spectateur, en « mêlant aux différentes sensations (…) suscitées par l’objet, le souvenir et sa connaissance intellectuelle » [Souriau 1990], annonçant en cela les recherches les plus récentes de la psychologie de la perception ; le futurisme qui s’intéresse à la vie de la matière et à ses propriétés de mouvement, d’énergie, de force, de continuité, exprimées par le principe du dynamisme plastique [Malévitch 1994]. La liste pourrait être encore longue et nous n’avons cité ici que les principaux mouvements.