Nous avons vu que les transactions de paiement s’inscrivaient éventuellement dans une relation plus globale. De par leur implémentation des dimensions techniques de la transaction de paiement elle-même, les divers instruments permettent, ou non de satisfaire ces besoins plus vastes. D’autre part, de par l’équation économique sur laquelle chaque instrument repose (qui paye les frais de
traitement, combien, qui porte le risque,…), ces instruments semblent naturels ou non à utiliser (e.g.
paiement des frais par le marchand et non le payeur) dans chaque contexte.
De par la multiplicité de tous ces éléments, les cas d’usage possibles sont très nombreux. Nous allons essayer de regrouper ces cas d’usage dans des catégories un peu plus génériques pour pouvoir apprécier les grands domaines d’utilisation qu’adresse chaque type d’instrument.
i Les dimensions définissant les types de transactions
Nous pouvons ainsi distinguer les trois grandes dimensions suivantes pour catégoriser les différents types de transaction :
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La proximité lors de la transaction face-à-face ou distant
La contrepartie au particulier (commerçant, administration, autre particulier) lors de la transaction
Le montant de la transaction a La proximité
Liées à la proximité on retrouve beaucoup de caractéristiques spécifiques d’usage. Dans le cas d’une transaction en face-à-face la relation est soit éphémère, soit s’inscrit dans une relation régulière, dans ce deuxième cas une identification formelle est moins nécessaire, la résolution de l’échange est généralement immédiate, …
D’autre part, une relation en face-à-face modifie les contextes de fraudes, si les montants peuvent être élevés pour une transaction, il n’est pas possible d’observer des fraudes sur de petits montants, mais en très grands nombres comme dans le cas distant qui repose aujourd’hui majoritairement sur des moyens informatiques.
b La contrepartie
Nous étudions dans ce livre blanc l’impact du mobile sur le paiement de détail fait par des
particuliers. Ceux-ci peuvent faire ces paiements dans leurs relations avec des acteurs différents : soit des particuliers comme eux, soit des entreprises commerciales, soit des administrations. La variété des relations possibles entre particuliers est bien sûr très large, mais on retrouve une certaine uniformité dans le type d’instrument de paiement qui fait sens dans ce contexte. De même, les entreprises commerciales, que nous nommerons souvent par le label commerçant, offre de nombreux biens ou services très variés, néanmoins, là encore on peut observer des normes
communes en matière d’instrument de paiement. Enfin, nous avons identifié une troisième catégorie de contrepartie, avec un mode de relation qui lui est propre, l’administration, qu’elle soit locale ou nationale, de gestion ou fiscale, là encore les modes d’interaction sont assez homogènes.
Il existe bien sûr d’autres acteurs avec lesquels les particuliers peuvent engager des transactions de paiement, comme les associations, mais nous pouvons en général rapprocher ces cas particuliers des trois catégories que nous avons établie, comme une relation entre particuliers pour un paiement à une association de moyenne taille, ou avec une entreprise commerciale pour les plus grandes d’entre elles.
c Les montants
Il peut paraître étonnant d’utiliser le montant pour caractériser a priori une transaction de paiement, celui-ci n’est normalement qu’un paramètre particulier échangé dans les termes de la transaction. En fait, les différents niveaux (petit, moyen ou gros montant) permettent en fait de distinguer des caractéristiques de contexte et d’usage bien différentes. D’une part, le montant permet de séparer l’impact des coûts fixes, généralement bien plus important en proportion pour un petit montant que pour un gros. Ensuite, ces montants sont aussi très révélateurs du type d’échange qui a lieu, et donc des particularités en termes de fraudes et de risque qui y sont associées.
Pour donner des ordres de grandeurs à ces catégories, on peut estimer que les paiements inférieurs à une dizaine d’euros sont dans la catégorie des petits montants. Les paiements compris entre une
2011 Financial Breakthroughs - Ver-2011-09-05 - Document sous licence CC-BY-NC-ND Page 22 dizaine d’euro et trois mille euros (la limite en France d’utilisation des espèces) sont considérés comme des montants moyens (même si cette catégorie devrait être quelque peu limitée dans le cas d’échange entre particuliers). Enfin, les paiements d’un montant supérieur à trois mille euros seront considérés a priori comme de gros montants.
Comme indiqué précédemment, dans le cas d’un paiement en ligne, on peut rajouter la catégorie des micro-paiements, de quelques centimes d’euros. Même si cette catégorie n’a pas encore trouvé de vrai cas d’usage pour voir exploser son nombre de transactions, beaucoup d’attention y est portée pour les nombreuses potentialités que les échanges sur le Web laissent présager.
d Les types pertinents
En appliquant une combinaison directe des différents cas de figure, on obtiendrait 18 catégories (2 proximité x 3 types de contreparties x 3 niveaux de montants). En fait, certaines combinaisons n’ont pas forcément de sens. En particulier, dans un échange avec l’administration la distinction face-à-face ou distant n’est pas vraiment pertinente. De même pour le montant qui n’est pas discriminant, mais plutôt la nature occasionnelle (amendes, demande de documents officiels,..) ou prévisible (paiements d’impôts,..).
D’autre part, nous avons rajouté le type de transaction « paiement en ligne ». Le micro-paiement (de l’ordre de quelques centimes) n’a effectivement de sens que dans ce contexte. Dans la relation face-à-face, les coûts réels d’opération pour traiter un tel paiement rendraient déficitaire une telle mise en place. Nous avons d’autre part fusionné dans le cas en ligne les montants considérés par ailleurs comme petits (inférieurs à une dizaine d’euros) et ceux considérés comme moyens. Ceci est peut-être dû à la fois au fait qu’il n’existe pas de cas d’usage bien distincts entre ces deux niveaux, et surtout pas d’instruments spécifiques qui supporteraient différemment ces cas d’usage.
Au total, nous nous retrouvons avec 14 types de transactions différents que nous allons analyser maintenant.
2011 Financial Breakthroughs - Ver-2011-09-05 - Document sous licence CC-BY-NC-ND Page 23 Proximité Contrepartie Montants Exemples de cas d’usage
Le Point de Vente (PV) petits montants
Face-à-face Marchand Petits Achat boisson
Le PV montants moyens
Face-à-face Marchand Moyen Achat téléviseur
Le PV gros
Face-à-face Particulier Petits Partage de dépenses
P2P en face-à-face montants moyens
Face-à-face Particulier Moyens Paiement de dettes courantes
Achat de bien
P2P en face-à-face gros montants
Face-à-face Particulier Gros Vente biens durables (voiture, maison)
Administration petits montants
Indifférent Administration Petits Amende première ou deuxième classe
Paiement régies municipales
Administration gros et moyens montants
Indifférent Administration Gros et moyens
Impôts sur le revenu
Droits de succession
P2P à distance petits montants
Distant Particulier Petits Partage de dépenses
P2P à distance montants moyens
Distant Particulier Moyens Paiement de dettes passées
Cotisation association
Vente sur eBay
P2P à distance gros montants
Distant Particulier Gros Remittence
En ligne micro-montants
Distant Marchand Micro Consommation de contenu
En ligne petits et moyens montants
Distant Marchand Petits et
moyens
e-commerce et m-commerce traditionnel
En ligne gros montants
Distant Marchand Gros Achat de biens durables
Transactions financières Tableau 4 : catégories de transactions
ii Nature de chaque catégorie de transaction
Nous allons maintenant recenser les caractéristiques de chacune de ces 14 catégories en nous intéressant dans chaque cas à identifier la partie qui est a priori intéressée à conclure la transaction, et quel acteur est historiquement prêt à en supporter les coûts financiers.
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Banque Service des banques dans le cadre d’un compte courant
Varie Les frais sont répartis souvent suivant une
habitude établie, comme les frais au vendeur pour une maison
Marchand Marchand e-commerce et m-commerce traditionnel En ligne gros
montants
Achat de biens durables ou transactions financières Tableau 5.a : nature des différents types de transactions
iii Prévalence des différents instruments par catégorie de transaction
Nous allons recenser maintenant quels sont les instruments de paiement actuels qui sont utilisés majoritairement dans chacune des 14 catégories identifiées, en notant ceux-ci par +++, lorsqu’ils sont majoritairement utilisés, et + lorsqu’ils sont utilisés occasionnellement, ou pour quelques cas d’usage bien spécifiques.
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Espèces Chèques Cartes Virements
Le Point de Vente (PV)
Tableau 5.b : prévalence des instruments de paiement par type de transactions
Nous avons noté quelques remarques dans certaines des cases. Elles correspondent à des manques des instruments correspondants, qui pourraient donner lieu à des opportunités de développement, ou qui sont en train de se développer comme dans le cas de Square aux Etats Unis. Cette jeune startup a ainsi correctement identifié une possibilité d’utilisation de cartes entre particuliers (très petites entreprises en fait) et a fourni les moyens de brancher un lecteur de piste sur un iPhone pour permettre l’enregistrement de la transaction. Visa a ainsi récemment investit dans Square, validant encore plus l’opportunité que celle-ci avait révélée.
On peut voir que les Virements sont largement sous-utilisés. Dans certains cas, cela peut tenir au fait que un paiement par carte apporte un revenu à la banque émettrice, et que le virement viendrait cannibaliser ce revenu. Mais cela peut aussi être le signe que les banques ne poussent pas assez agressivement cet instrument pour diminuer l’utilisation de chèques qui leur coûtent plus cher en traitement (mais génère aussi des revenus dans les cas de non approvisionnement du compte).
2011 Financial Breakthroughs - Ver-2011-09-05 - Document sous licence CC-BY-NC-ND Page 26 A noter que pour les Virements, nous avons considéré les prélèvements de l’administration comme étant des virements. Bien que techniquement, les notions de virements et prélèvements soient bien distinctes, nous pensons qu’ici ces deux variantes peuvent être confondues.
A noter également que des instruments de paiements comme PayPal, qui ne sont pas traités dans ce livre blanc, encapsulent à la fois les instruments que sont la carte et le virement. Il est intéressant de noter qu’il est aujourd’hui admis que ce qui a permis à PayPal d’atteindre la taille qu’il a aujourd’hui, contrairement à tous ces semblables des années Internet qui ont disparu depuis, c’est l’opportunité d’avoir répondu au cas d’usage spécifique que représentait le paiement sur eBay. Ce cas d’usage correspond à la catégorie « P2P à distance montants moyens », où l’on voit que le Chèque, qui couvre beaucoup des cas d’usage de cette catégorie, n’étaient pas du tout adapté à ce cas d’usage spécifique.
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