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Les IAM seraient responsables de 1% des hospitalisations de la population générale, ce taux augmentant avec l’âge (90,91). Elles concernent 27 à 63% des patients cancéreux (34,92–94). Elles regroupent toute modification de l’effet d’un médicament in vivo consécutive à l’administration concomitante ou successive d’un autre médicament (95,96). Elles surviennent suite à l’instauration du traitement, à son arrêt et/ou à un changement de posologie (96). Par extension, cette définition s’applique aux interactions avec des produits complémentaires, ces derniers contenant des principes actifs au même titre qu’un médicament. Sont à différencier les incompatibilités physico-chimiques, ou interactions galéniques, désignant les réactions chimiques et/ou physiques observées in vitro entre médicaments et/ou contenant-contenu, avant ou lors de leur administration au patient (97). Elles ne seront pas abordées.

Deux types d’interactions existent : les interactions pharmacocinétiques et les interactions pharmacodynamiques. Elles peuvent coexister, l’effet pharmacodynamique étant alors amplifié par une interaction pharmacocinétique (96).

3.1.1.

Interactions pharmacocinétiques

Elles sont décrites aux différentes étapes du devenir du médicament dans l’organisme, à savoir lors de son absorption, de sa distribution, de sa métabolisation et de son élimination (96,97). Les interactions pharmacocinétiques modifient la concentration plasmatique du médicament impacté par l’interaction, sans induire directement d’effet pharmacologique. Les médicaments per os sont les plus susceptibles de provoquer des IAM cliniquement significatives (98).

3.1.1.1.

Absorption digestive

La quantité absorbée et la vitesse d’absorption peuvent être impactées par une modification du pH gastrique ou du transit, la formation de complexes non résorbables ou encore par une interaction au niveau du CYP3A4 et de la glycoprotéine P (PgP) (96,97,99). Cette dernière correspond au gène ABCB1 (100) et au récepteur MDR1, ou ABC20. Elle est responsable de l’efflux des médicaments en dehors de certaines cellules, notamment lors de l’absorption, de la distribution et de l’élimination (96).

40 L’induction de la PgP diminue potentiellement l’absorption intestinale de médicaments substrats, et donc leurs concentrations plasmatiques, exposant à une perte d’efficacité. Son inhibition les augmente, majorant le risque d’effets indésirables (96). Mais les transporteurs sont rarement responsables d’IAM cliniquement significatives (98).

Si l’absorption est diminuée, le médicament perd potentiellement en efficacité et est largement éliminé dans les selles, augmentant l’imprégnation environnementale (96).

3.1.1.2.

Distribution

La forme libre du médicament, et donc l’effet thérapeutique, peut être augmentée par compétition de médicaments fortement liés aux protéines plasmatiques ou tissulaires (96). Mais les conséquences cliniques sont rarement significatives : la fraction libre est aussitôt diluée dans un volume considérable et captée par le foie pour être métabolisée, puis éliminée (96,101).

Des interactions avec les transporteurs, comme la PgP et l’OATP (organic anion transporting

polypeptide), sont aussi possibles, mais sans impact clinique significatif (98).

3.1.1.3.

Métabolisation

Les interactions relatives au métabolisme sont les plus fréquentes, les plus significatives et les plus étudiées (96,102).

Principalement hépatique, le métabolisme ne concerne pas tous les médicaments et aboutit le plus souvent à des métabolites moins actifs et plus rapidement éliminés. La phase I, de fonctionnalisation, regroupe des réactions d’oxydation, de réduction et d’hydrolyse. La phase II regroupe des réactions de conjugaison, la glucuronoconjugaison étant la plus observée (97).

Très fréquentes, les réactions d’oxydation s’appuient sur le système du CYP. Les CYP1A2, 2C8, 2C9, 2C19, 2D6 et 3A4 sont les plus impliqués dans le métabolisme des médicaments courants. Le CYP3A4 est le plus représenté et métabolise près de la moitié des médicaments, dont les inhibiteurs de tyrosine-kinase. Il est aussi présent au niveau intestinal (96,97,103).

L’induction des CYP diminue potentiellement les concentrations plasmatiques du médicament substrat, exposant à une perte d’efficacité. Elle s’installe en 10 à 15 jours, suite à l’augmentation aspécifique de l’activité et de la synthèse protéique des CYP. Elle est surtout visible avec les CYP2C et 3A. Elle s’estompe progressivement à l’arrêt du traitement (96,103).

A contrario, l’inhibition enzymatique des CYP augmente potentiellement les concentrations

plasmatiques du médicament substrat, majorant le risque d’effets indésirables, sauf s’ils sont dus à un métabolite. Elle est sélective d’un CYP. Elle apparaît instantanément par inactivation irréversible du CYP ou par compétition au niveau du site de fixation (96,103).

Pour une prodrogue, l’inverse est observé. Les effets inducteur et inhibiteur peuvent cohabiter pour une même molécule (103).

41 Pour avoir un impact cliniquement significatif, l’inducteur ou l’inhibiteur de CYP doit être pris de manière chronique, tandis que le médicament substrat doit être principalement métabolisé par le CYP touché et/ou avoir une marge thérapeutique étroite, à l’image des anticancéreux oraux (32,96,97,103). Si un seul CYP est concerné par l’interaction, l’impact clinique n’est pas toujours significatif, la plupart des médicaments étant métabolisés par plusieurs CYP (96,103).

3.1.1.4.

Elimination

L’excrétion rénale est la principale voie d’élimination. Elle peut varier selon le flux sanguin glomérulaire, le pH urinaire, modifiant la réabsorption tubulaire, ou encore suite à un phénomène de compétition au niveau des sites de transport du tube contourné distal, comme la PgP. Cette dernière augmente l’élimination rénale du médicament substrat (96,97).

3.1.2.

Interactions pharmacodynamiques

Elles modifient la rapidité, l’intensité, la durée et/ou la nature de l’effet pharmacologique recherché, sans modifier la concentration plasmatique des médicaments (96). Quand l’effet est renforcé, on parle de synergie ou de potentialisation, selon si le mécanisme des deux médicaments est identique ou différent. Quand l’effet est diminué, on parle d’antagonisme, pouvant être compétitif, fonctionnel et/ou physiologique (96).

Deux médicaments peuvent interagir - en se fixant sur un même récepteur, - en se fixant sur des récepteurs différents

- et/ou en modifiant l’équilibre ionique, la structure d’un organe ou en inhibant des systèmes de transports cellulaires par blocage synaptique (97).

L’étude de ces interactions repose sur l’évaluation du mécanisme d’action des différentes molécules et sur leurs propriétés pharmacodynamiques, y compris les mineures (96).

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