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Différents types cellulaires

3,5 4× 104 t= 21 h t= 24 h t= 27 h t= 30 h t= 33 h t= 36 h t= 39 h (a) Temps t (h) Exp osan t α de l’a justemen t 10 15 20 25 30 35 40 45 50 1,75 1,8 1,85 1,9 1,95 2 (b)

Figure 3.30– Déplacements carrés moyens. (a) Exemples de courbes MSD(δt) à différents instants pour les trajectoires simulées sur un champ de vision. (b) Exposant α obtenu lors de l’ajustement MSD(δt) = Kδtα.

3.7 Différents types cellulaires

Les cellules HBEC utilisées ici sont très peu cohésives, se déplacent individuellement à la manière de kératinocytes au début de l’expérience, puis de manière plus corrélée plus tard. On peut légitimement se demander si les mêmes analyses que celles décrites dans ce chapitre, menées sur des tissus très cohésifs ou à l’inverse sur des fibroblastes, donneraient des résultats compatibles avec nos conclusions.

Ainsi, en analysant les champs de vitesse de populations MDCK très denses après la conflu-ence de l’ensemble du champ de vision et avant que les délaminations soient trop nombreuses et empêchent le calcul des champs de vitesse, on obtient les caractéristiques illustrées sur la figure 3.31. On observe uniquement une phase où la longueur de corrélation comme la vitesse quadratique décroissent de manière monotone, qualitativement comparable au second régime observé pour les cellules HBEC. Ces résultats, interprétés à la lumière du modèle présenté section 3.3.1, suggèrent que l’on se situe dans une phase où la friction effective ressentie par les cellules est dominée par les interactions cellule-cellule, ce qui est cohérent avec un type cellulaire très cohésif tel que les MDCK.

À l’opposé, si l’on s’intéresse plutôt à des cellules NIH/3T3, c’est-à-dire des fibroblastes qui témoignent de peu d’interactions entre cellules, on obtient les caractéristiques illustrées sur la figure 3.32. On observe une montée analogue à celle obtenue dans le cas des cellules HBEC. Cette montée est suivie par un plateau où ξvvdevient indépendante de vrms, ce que l’on peut interpréter à l’aide du modèle comme une situation où la friction reste dominée par les adhésions cellule-substrat, les cellules étant fibroblastiques, mais où les forces motiles deviennent corrélées en raison de la proximité des cellules. Les plateaux et les pentes obtenues pour ces caractéristiques sont différents selon les champs de vision, ce qui donne des caractéristiques moins unifiées que dans le cas des cellules HBEC. Cependant, le type cellulaire NIH/3T3 est connu pour développer un ordre nématique en se densifiant [176], ce qui rend ce système plus complexe et le fait peut-être sortir du cadre de notre modèle analytique. Les coefficients obtenus pour les différentes

pentes restent toutefois compatibles avec un exposant proche de −1 comme pour les cellules HBEC. Vitesse quadratique vrms (µm·h−1) Longueur de corrélation ξv v m) 4 10 17 26 30 40 50 60

Figure 3.31– Caractéristiques corrélation-vitesse pour des monocouches de MDCK surcon-fluentes. 8 champs de vision imagés avec δt = 15 min, une couleur par champ.

Vitesse quadratique vrms (µm·h−1) Longueur de corrélation ξvv m) 1 10 40 10 100 300 −1

Figure 3.32 – Caractéristiques corrélation-vitesse pour des monocouches de NIH/3T3. 10 champs de vision imagés avec δt = 5 min, une couleur par champ.

Ces deux lignées ne sont que quelques exemples de systèmes cellulaires que l’on peut étudier à l’aide de ce cadre de réflexion. Il serait intéressant de passer en revue une multitude de types cellulaires différents pour en tirer des allures communes et interpréter celles-ci à l’aide de notre modèle.

Conclusion

Au terme de cette étude, nous avons montré qu’un ralentissement se produit dans nos po-pulations de cellules. Simultanément, on observe que la longueur de corrélation du mouvement augmente, puis diminue à nouveau. D’autres indices rappellent les phénomènes vus dans les systèmes soumis à une transition de jamming, comme la présence d’hétérogénéités dynamiques et statiques dans le système.

On établit que le système ne subit pas une transition de phase classique entre liquide et solide. Il se change en système amorphe via une transition de jamming contrôlée non pas par la densité cellulaire dans le tissu mais par la vitesse quadratique vrms, analogue d’une température effective et mesure de l’activité du système. Ce contrôle se traduit par une relation très reproductible entre longueur de corrélation et vitesse.

Notre méthodologie complète, combinaison d’études expérimentales, d’analyses théoriques et de simulations, nous permet de mettre en évidence que le ralentissement du système est dû à la maturation des contacts entre les cellules et leur environnement, qui provoque un changement de nature de la friction effective qu’elles ressentent.

L’utilisation d’autres lignées de cellules permettent d’obtenir des caractéristiques corrélation-vitesse différentes, mais compatibles avec le modèle analytique. Il faudrait désormais mener ces calculs sur une variété encore plus grande de types cellulaires afin d’éventuellement pouvoir les classer en grandes familles. De manière plus générale, ces analyses pourraient même être appliquées à d’autres dispositifs actifs bidimensionnels pour en évaluer la versatilité et tenter de rapprocher certaines monocouches cellulaires de systèmes classiques mieux connus.

Par ailleurs, puisque l’évolution de la longueur de corrélation est due à un vieillissement du système qui influence la friction que ressentent les cellules, jouer sur cette dernière pourrait permettre de comprendre plus en détail le rôle joué par les jonctions et adhésions. Par exemple, il serait possible de refaire ces expériences sur des substrats dont la surface est différemment traitée en faisant par exemple varier la concentration de matrice extracellulaire pour observer les modifications de comportement.

Afin de mieux appréhender les éléments du modèle, il serait également possible de mener des mesures de force sur le système ou encore d’envisager des substrats de différentes rigidités. Enfin, il serait intéressant de vérifier si les conclusions tirées dans cette étude peuvent se transférer, et si oui avec quelles adaptations, au cas tridimensionnel.

Compétition pour l’espace entre types

normal et transformé

Sommaire

4.1 Étude préliminaire . . . 104 4.1.1 Caractérisation des types individuels . . . 104 4.1.2 Populations en co-culture . . . 104 4.1.3 Expériences de migration antagoniste . . . 106 4.2 Position et largeur des fronts . . . 107 4.2.1 Profils de front . . . 107 4.2.2 Quantification . . . 109 4.2.3 Dynamique des fronts . . . 111 4.3 Étude du champ de vitesse . . . 113

Dans ce chapitre quart, le lecteur trouvera le compte-rendu d’un travail plus prospectif qui a été mené durant cette thèse. Il s’agit du développement de techniques d’analyse pour l’étude systématique d’une situation de mise en compétition entre cellules normales et transformées. Nous avons utilisé pour ce travail des lignées de HEK-HT normales et transformées RasV12, respectivement fluorescentes GFP et mCherry (voir section 2.1.1) sur des substrats de verre nu. On donnera une étude succincte des deux types en co-culture, suivie d’une présentation des expériences de migration antagoniste utilisées ici, et enfin une description détaillée des techniques ayant été développées pour les analyser et des résultats obtenus.

Les expériences décrites ici ont pour partie été menées avec l’aide d’Isabelle Bonnet et de Sarah Moitrier, chercheuses dans l’équipe.

4.1 Étude préliminaire

4.1.1 Caractérisation des types individuels

Sophie Bagur, stagiaire dans l’équipe, a effectué des mesures d’absorbance effectuées sur des suspensions obtenues à partir de monocouches de cellules à divers pas de temps. Elles lui ont permis, en ajustant ses résultats par une fonction exponentielle, de quantifier les temps de division de chaque type. Elle a ainsi déterminé que ces derniers valaient respectivement environ 20 h pour le type normal et 17 h pour le type transformé RasV12.

Des expériences de migration nous ont également permis d’imager en contraste de phase les deux types en jeu. En se plaçant à distance du bord en migration, nous avons analysé par PIV l’intérieur (bulk) des deux tissus et calculé leur longueur de corrélation à la manière de Petitjean et al. [20]. On trouve des longueurs de corrélation ξvv de l’ordre de 15 à 30 µm pour les deux types, soit 1 à 2 rayons cellulaires, ce qui témoigne d’un mouvement peu collectif des cellules loin du bord en migration.

4.1.2 Populations en co-culture

Au contraire d’autres systèmes, la cohabitation entre cellules HEK-HT normales et transfor-mées ne semble pas donner lieu à une ségrégation d’envergure (cell sorting), y compris plusieurs jours après avoir été ensemencées de manière homogène (voir figure 4.1).

Pour confirmer cette observation de manière quantitative, on réalise des co-cultures de cellules HEK-HT à partir d’un mélange homogène à volume égal de suspension cellulaire pour les deux types. On suit en contraste de phase et en fluorescence l’évolution du système pendant plusieurs jours. Après un filtre passe-haut corrigeant un éclairage inhomogène, on seuille pour chaque type cellulaire les images de fluorescence avec la méthode de Li. On obtient des cartes binaires où la valeur 1 est donnée aux pixels où des cellules du type sont présentes, les autres pixels valant 0. On réduit la taille de nos cartes binaires tout en s’affranchissant des petits défauts via une approche à gros grains (coarse graining). On divise nos images en sous-fenêtres de taille 30 µm × 30 µm (soit environ la taille d’une cellule), et on attribue à chacune la valeur 0 ou 1 la plus présente. On obtient ainsi une nouvelle carte binaire ϕ(~r) où chaque pixel correspond en taille à une cellule.

On calcule ensuite la longueur d’autocorrélation spatiale pour ϕ − hϕi~r, la soustraction de la valeur moyenne permettant d’obtenir une corrélation nulle à longue distance (voir figure 4.2). On obtient environ 30 µm pour le tissu normal et environ 20 µm pour le tissu transformé 4 jours après dépôt. Ces tailles sont à comparer à celles obtenues lorsque la co-culture est très peu

Figure 4.1– Image d’une co-culture de cellules HEK-HT normales (en vert) et transformées RasV12 (en rouge), t = 72,2 h après le dépôt des cellules en mélange homogène. On n’observe pas de phénomène de ségrégation macroscopique. Barre d’échelle : 300 µm.

Distance δr (µm) Fonction s Cϕ r) 0 50 100 150 200 250 300 350 400 0,2 0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2

Figure 4.2– Fonctions Cϕ(δr) d’autocorrélation radiale obtenues pour ϕ − hϕi~raux instants t= 12,2 h (cercles et pointillés) et t = 92,2 h (carrés et traits pleins) après ensemencement de la co-culture à basse densité. Les fonctions obtenues pour le tissu normal sont en vert, celles obtenues pour le tissu transformé RasV12 en rouge. On observe que les longueurs de corrélation correspondantes augmentent de manière très limitée.

dense et les cellules individuelles : environ 20 µm pour le tissu normal et 15 µm pour le tissu transformé. Ces tailles de domaines homogènes pour chaque lignée cellulaire après plusieurs jours sont toujours de l’ordre du rayon cellulaire (les cellules du type normal étant légèrement plus étalées que celles du type transformé) et correspondent en conséquence à des agrégats de quelques cellules au plus, sans doute imputables à la division. On a donc deux populations qui restent bien mélangées, à la manière de deux liquides miscibles.

Ranft et al., dans [121], ont cependant montré que cette situation n’excluait pas une com-pétition lorsque les deux types cellulaires sont mis face à face. On reproduit donc une géométrie dans laquelle les deux types de cellules sont initialement séparés pour être ensuite mis en contact.

4.1.3 Expériences de migration antagoniste

On étudie la compétition pour l’espace entre les deux types cellulaires en utilisant des chambres à deux compartiments séparés par une barrière en silicone de 400 µm de large (voir figure 2.1). On cultive les cellules à confluence dans les chambres avant de retirer ces dernières du substrat. Les deux populations de cellules peuvent alors migrer sur la surface ainsi libérée, à la manière d’une expérience de cicatrisation de blessure modèle (voir section 1.2.2).

On s’intéresse ici à la migration antagoniste des deux populations sur la surface libre qui les sépare. Comme l’illustrent la figure 4.3 et la vidéo en annexe A.2, on observe qu’une fois la séparation enlevée, les deux tissus entament leur migration l’une vers l’autre jusqu’à entrer en contact. Cette migration se fait de manière plus individuelle pour les cellules transformées RasV12

que pour les cellules normales, qui semblent plus cohésives et dont le front est visuellement moins rugueux. Certaines cellules transformées se détachent même temporairement de la monocouche pendant ce mouvement.

Les deux populations entrent alors en contact pour établir une interface autour de laquelle elles se mélangent de manière limitée. Cependant, le mouvement du système ne s’arrête pas là mais entre dans un nouveau régime : on observe ensuite que les cellules transformées continuent leur avancée alors que les cellules normales reculent.

Figure 4.3– Détail d’une expérience de migration antagoniste. Les cellules normales sont en vert, les cellules transformées RasV12 en rouge. Le temps t est mesuré depuis le retrait de la chambre. Barre d’échelle : 300 µm. La vidéo correspondant à cette expérience est disponible annexe A.2.

En imageant les deux populations au microscope confocal, on peut voir que les deux mono-couches sont d’une épaisseur comparable au niveau de l’interface après le contact (voir figure 4.4). On arrête les expériences vers t = 75 h. En effet, aux temps plus longs, le tissu de cellules HEK-HT RasV12 a tendance à former des structures tridimensionnelles qui dépeuplent le sub-strat, ce qui nous fait sortir du cadre d’étude (voir figure 4.5). Ce comportement est également observé pour ce type cellulaire en culture lorsque la densité devient trop importante.

Figure 4.4– Coupe confocale d’un des systèmes au niveau de l’interface à t = 51,6 h. Barres d’échelle : 25 µm.

Figure 4.5 – Image prise à t = 104 h où l’on voit apparaître des trous et des structures tridimensionnelles dans le tissu transformé RasV12. En conséquence, nos expériences sont arrêtées vers t = 75 h. Barre d’échelle : 300 µm.