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Trusts anglo-américains et de droit civil entre vifs

constituant ; une relation s’installe ensuite entre le trustee et les bénéficiaires. Les trusts de droit civil du modèle contractuel sont constitués par un accord entre le constituant et le fiduciaire ; les bénéficiaires (ou les fidéicommissaires en Argentine)50 sont parties au contrat, de façon synallagmatique ou des tiers bénéficiaires d’une stipulation pour autrui. Dans les deux modèles de trusts, le constituant transfère au fiduciaire le droit de propriété des biens mis en trust. Les deux modèles de trusts ont donc des éléments relevant du droit des obligations et du droit des biens.

80. Les éléments du droit des obligations du modèle contractuel des trusts de droit civil ont comme source le contrat conclu entre le constituant et le fiduciaire. De ce fait, en tant que partie au contrat, le constituant est présent pendant la vie du trust, tout au long de la durée du contrat. En revanche, la constitution d’un trust du modèle anglo-américain de propriété est habituellement le résultat d’une disposition unilatérale à titre gracieux du constituant aux trustees, au profit des bénéficiaires. Cet acte unilatéral de déclaration est créateur d’obligations équitables à la charge du trustee.

81. En principe, de même que le droit d’un donateur s’arrête après la donation, les droits du constituant d’un trust du modèle anglo-américain s’arrêtent là. Une fois le trust valablement créé, une relation bipartite voit le jour : seuls les bénéficiaires – et non le constituant – peuvent la faire valoir. Le devoir des trustees est de rendre les bénéficiaires – et non le constituant – heureux.51 La relation ininterrompue entre le trustee et les bénéficiaires constitue le fondement du trust anglo-américain.52

50 Le « fidéicommissaire » est la personne qui a le droit de recevoir les biens à la fin du fidéicommis et le bénéficiaire est

celui qui reçoit les revenus du fidéicommis tout au long de la vie du trust de droit civil, sans recevoir à la fin le capital. Le droit français sur la fiducie ou anglo-américain sur les trusts ne font pas la différence terminologique entre le bénéficiaire qui reçoit les biens à la fin du fidéicommis et celui qui reçoit seul les revenus.

51 D. J. HAYTON, The Law of Trusts, 4e éd., Sweet & Maxwell, 2003, p. 4. 52 D. J. HAYTON, ibid., p. 5.

82. Néanmoins, les pouvoirs du constituant, des trustees et les droits des bénéficiaires ont changé dans d’autres juridictions du modèle anglo-américain des trusts de propriété, en s’éloignant ainsi du trust anglais traditionnel. A titre d’exemple, les trusts américains révocables « inter-vivos » permettent au constituant de révoquer ou de modifier les conditions du trust pendant la vie de celui-ci, tout en bénéficiant des revenus produits par le trust comme unique bénéficiaire. De plus, le constituant peut laisser ce qui reste des biens en trust à sa mort à de nouveaux bénéficiaires. Il reste présent, avec certains pouvoirs, pendant la durée du trust et peut disposer des biens du trust après sa mort.

83. De même, les lois sur les trusts de certaines juridictions, telles que les Iles Cook, donnent aujourd’hui des droits excessifs aux constituants, en concentrant sur eux tous les pouvoirs et en créant un déséquilibre dans la relation tripartite constituant-trustee-bénéficiaire, qui s’écarte considérablement de standards du trust anglais traditionnel. Les éléments de nature obligationnelle de ce modèle ont évolué, dans ces juridictions, vers une sorte de « relation contractuelle » entre le constituant et le trustee, qui ressemble à celle stipulée entre le constituant et le fiduciaire dans les trusts du modèle contractuel de droit civil.

84. Il convient d’étudier, d’une part, les éléments du droit des obligations dans les deux modèles de trusts (Section 1), en particulier, les relations contractuelles entre le constituant, le fiduciaire et les bénéficiaires dans les trusts de droit civil et les relations entre le trustee et les bénéficiaires, dans les trusts du modèle anglo- américain de propriété. Nous analyserons, d’autre part, les éléments du droit de propriété des trusts anglo-américains et de droit civil (Section 2), c’est-à-dire, le dédoublement de la propriété dans les trusts anglo-américains et la notion de propriété fiduciaire temporaire dans les trusts du modèle contractuel de droit civil.

Section 1. Eléments du droit des obligations dans les trusts anglo- américains et de droit civil

85. Les trusts de droit civil entre vifs sont constitués par contrat. Il se déduit de la qualification de contrat que la fiducie et le fidéicommis sont soumis au droit général des obligations. Les contrats de fiducie et de fidéicommis permettent

contractuellement au constituant, de transférer la propriété d’un ou plusieurs biens au fiduciaire, qui s’oblige à les gérer ou les aliéner suivant un but déterminé au profit d’une troisième personne bénéficiaire. En principe, sont parties au contrat le ou les constituants et le ou les fiduciaires ; lorsque le bénéficiaire n’est pas partie au contrat, les règles de la stipulation pour autrui s’appliquent.53

86. Un trust exprès du modèle anglo-américain de propriété donne naissance à une « obligation équitable ».54 Cette notion différencie le trust des autres formes d’obligations car l’obligation est « équitable par nature » et par conséquent son application peut être demandée devant un juge par une variété d’actions en justice « équitables », appropriées à chaque situation.55

87. L’obligation équitable oblige le trustee à gérer une propriété identifiée sur laquelle il a le « titre de propriété légale », au bénéfice des personnes dont il est redevable. L’obligation est constituée, soit au bénéfice des personnes qui ont des « droits de propriété équitable », dont le trustee peut faire partie, soit pour l’accomplissement d’un but déterminé non-charitable (purpose trusts).56 Ce trust à but déterminé peut être réclamé par quelqu’un qui en a le droit, comme stipulé dans les termes de l’acte de constitution du trust ou par opération de la loi.57

88. Pour constituer un trust du modèle anglo-américain de propriété, la propriété doit être transférée au trust en donnant le titre de propriété aux trustees. Ceux-ci ont des obligations fiduciaires et altruistes imposées par la loi. Ils ne peuvent pas profiter de leur position pour leur propre bénéfice et doivent éviter tout conflit d’intérêt ou tout dommage causé aux bénéficiaires.

89. Les trustees ont aussi des obligations « équitables » de gestion raisonnable de la propriété du trust, au profit des bénéficiaires, à but philanthropique ou à tout autre

53 A. DIPLOTTI, P. GUTIERREZ, N. MALUMIAN, Fideicomiso y Securitizacion. Analisis legal, fiscal y contable, 2e éd.,

La Ley, Buenos Aires, Argentine, 2006, p. 24.

54 P. PARKINSON, « Reconceptualising the Express Trust », Cambridge Law Journal, Vol. 61, 2002, p. 657-683.

55 E. H. BURN, G. J. VIRGO, Maudsley and Burn’s Trusts and Trustees. Cases and materials, 7e éd., Oxford University

Press, 2008, p. 8. Note en bas de page n° 19.

56 Ce trust n’est pas un trust de charité. La jurisprudence anglaise accepte les trusts testamentaires à but non charitable pour

l’entretien de tombes, d’animaux clairement identifiés, la célébration de messes et la promotion de la chasse au renard. Voir le chapitre consacré au Panama, le point II de la section 2, p. 294.

57 P. PARKINSON, ibid.; D. J. HAYTON, “Developing the Obligation Characteristic of the Trust”, Law Quarterly Review,

vol. 117, 2001, p. 96; J. H. LANGBEIN, “The Contractarian Basis of the Law of Trusts”, Yale Law Journal, vol. 105, 1995- 1996, p. 625.

but valable. L’essence d’un trust du modèle anglo-américain est l’obligation équitable concernant la propriété qui peut être exigée devant les tribunaux qui contrôleront les trustees.58 Le trust du modèle anglo-américain de propriété doit avoir des bénéficiaires qui peuvent recourir à la Cour pour réclamer leurs droits. Si les bénéficiaires n’ont pas de droits contre les trustees, il n’y a pas de trust.59

90. Si le modèle des trusts droit civil a choisi le contrat (I), le modèle des trusts de propriété anglo-américains a aussi une composante obligationnelle (II), qui se rattache, d’une certaine façon, au droit des obligations.

I. Choix du contrat des trusts de droit civil

91. L’origine du choix du contrat pour constituer des trusts du modèle contractuel, dans les systèmes de droit civil continental, remonte à l’ancien droit romain. La fiducie romaine est un contrat comprenant deux éléments caractéristiques : un élément réel ou matériel qui est le transfert de la propriété des biens, objets du contrat, et un élément personnel qui est l’obligation du fiduciaire de restituer les biens au constituant à la fin du « pactum fiduciae ». La « mancipatio fiduciae causa » est, à cette époque, un contrat par lequel la propriété est transmise de façon absolue. Ce contrat contient une clause de « pactum fiduciae » qui constitue l’obligation.60 92. Le Député Xavier de Roux, dans son rapport de Commission,61 donne à la fiducie française une origine romaine. « La fiducie est l’un des plus anciens contrats réels visant soit à la gestion d’un patrimoine (fiducie cum amico), soit à la garantie d’une créance (fiducie cum creditore). Si elle a évolué dans sa forme, ses principes sont fondamentalement restés inchangés ; il s’agit toujours, pour le titulaire de droits sur un patrimoine (le constituant), de consentir un transfert de tout ou partie de ses droits « vers le patrimoine d’un tiers »62 (le fiduciaire), au bénéfice d’une troisième

58 D. J. HAYTON, The Law of Trusts, op. cit., p. 99. David Hayton explique que dans des cas très rares, les tribunaux

pourront gérer eux-mêmes le trust.

59 Armitage v Nurse [1998] Ch. 241 at 253.

60 A. DIPLOTTI, P. GUTIERREZ, N. MALUMIAN, loc. cit., p. 6. Pour une étude détaillée de la « fiducia » romaine et de

son évolution en tant que contrat, voir Fr. BARRIERE, La Réception du trust au travers de la fiducie, Thèse Paris II, Litec, 2001, n° 19-54, p. 37-53.

61 Rapport n° 3655 de M. Xavier de Roux, loc. cit., p.7.

62 Pourtant, le transfert des droits en fiducie ne se fait pas « vers le patrimoine d’un tiers » mais vers un patrimoine

personne (le bénéficiaire). » Conformément à la tradition romano-germanique, la fiducie s’inscrit dans un cadre contractuel.63

93. Les rapporteurs de l’Assemblée Nationale française considèrent fondamentale l’affirmation selon laquelle la fiducie est établie par contrat. Elle place les fiducies de droit commun sous l’empire des garanties et des règles posées par le Code civil français. Il en résulte une meilleure protection des parties. L’échange de consentements ne trouve pas de meilleure traduction formelle. En outre, « le fait que

l’article 2012 du Code civil énonçant le caractère contractuel de la fiducie insiste sur le caractère exprès de cette dernière, c’est-à-dire sur la manifestation de la volonté des parties à travers un acte juridique, en dit long sur la nature intrinsèque de la relation fiduciaire. »

94. La genèse du fidéicommis contractuel en Amérique-latine est relaté dans une œuvre classique de l’éminent juriste panaméen Ricardo J. Alfaro intitulée « Le Fidéicommis, étude sur la nécessité d’introduire dans les législations des peuples latino-américains d’une institution nouvelle, similaire au trust du droit anglais ».64 A l’époque, l’auteur souhaite créer une institution comparable au trust anglo-américain dans le cadre des institutions déjà existantes dans un système de droit civil continental comme celui du Panama. Il se décide alors pour le terme de « fideicomiso » qu’il conçoit comme un mandat irrévocable et rédige dans ce sens un projet qui est devenu la loi n° 9 de Panama le 6 janvier 1925.

95. Mr. Alfaro explique plus tard qu’il n’est pas important de définir le trust comme « un mandat irrévocable » ou un autre « contrat ». Il reste donc ouvert à toutes les possibilités. Selon lui, l’important est de garder l’essentiel des éléments du trust, à savoir le transfert de propriété par le constituant au fiduciaire et l’obligation imposée au fiduciaire de gérer la propriété au profit des bénéficiaires de la manière et selon les circonstances que le constituant décide. Selon K. W. Ryan,65 dans la conception de Mr. Alfaro, l’institution de droit civil continental qui correspond le mieux à la figure du trust est la « fiducie romaine » car le fiduciaire devient l’unique

63 Rapport n° 3655, ibid. p. 9.

64 R. J. ALFARO, El Fideicomiso. Estudio sobre la necesidad y conveniencia de introducir en la legislación de los pueblos

propriétaire du patrimoine du trust suite au transfert opéré par le constituant. Le fiduciaire gère ce patrimoine avec l’obligation de se conformer aux intentions expresses du constituant.

96. Les juristes latino-américains, au début mexicains et panaméens, ont cherché la manière d’adapter le trust anglo-américain aux systèmes de droit civil continental en se référant aux travaux de Pierre Lepaulle et du juriste mexicain Pablo Macedo.66 Carlos Morales Guillén67 affirme que la régulation du fidéicommis bolivien s’est sans doute inspirée du fidéicommis mexicain, qui s’est certainement inspiré à son tour du trust anglo-américain. Le contrat a toujours été présent dans l’esprit des juristes latino-américains en raison des antécédents historiques romains ; l’acte unilatéral de volonté, créateur d’obligations, reste un sujet de controverse.68

97. La source du droit bolivien provient des lois mexicaines pour les institutions de crédit de 1924 et les règlements des « banques de fidéicommis » de 1926 au Mexique. Cette influence est évidente dans la loi générale des banques du 11 juillet 1928 en Bolivie qui est rédigée par la mission Kemmerer.69 Cette loi, à son chapitre 12, autorise et régule le fonctionnement des départements de fidéicommis dans les banques. Comme au Mexique, l’article 173 de cette loi prévoit que seules les banques autorisées peuvent exercer en tant que fiduciaires des fidéicommis.

98. L’auteur argentin Fernando J. Lopez de Zavalia affirme que le fidéicommis argentin n’est pas fondé sur le droit romain mais sur une adaptation de la figure du trust anglo-américain par les juristes latino-américains. Il explique que « le

fidéicommis introduit par la loi argentine n° 24.441 en 1995 est une institution

65 K. W. RYAN, “The Reception of the Trust”, International & Comparative Law Quarterly, Vol. 10, Issue 02, April 1961,

Cambridge University Press, 17 Janvier 2008, p. 274 à 278.

66 P. MACEDO, El Fideicomiso Mexicano, publié comme analyse de la traduction de P. LEPAULLE, Tratado Teorico

Practico des los Trusts : En el derecho interno, en derecho fiscal y en derecho internacional, Porrua, Mexico, 1975.

67 C. MORALES GUILLEN, Codigo de Comercio concordado y anotado, loc. cit., p. 1325.

68 Voir M. A. CARREGAL, Fideicomiso : Teoria y aplicacion a los negocios, 1e éd., Heliasta, Buenos Aires, 2008, p. 130-

132 ; Fr. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, Droit Civil. Les obligations, 10e éd., Dalloz, 2009, n° 52 et suiv., p. 62.

69 Dans la région andine de l’Amérique du Sud, les Banques Centrales ont été créées suivant les recommandations de M.

Edwin W. Kemmerer, professeur de l’Université de Princeton aux Etats-Unis d’Amérique, dans le cadre de son groupe de travail appelé « Mission Kemmerer », qui a prêté ses services pour les gouvernements de Colombie (1923), du Chili (1925), de l’Equateur (1926), de Bolivie (1927) et du Pérou (1931), pour reconstruire les systèmes monétaire, bancaire et fiscal dans ces pays. Ce même groupe a travaillé pour le gouvernement du Mexique et du Guatemala. « The foundation of the Central Bank of Bolivia (1929-1932) », Revista de Humanidades y Ciencias Sociales, (Santa Cruz de la Sierra), ISSN 1819-0545, vol.12, n° 1-2, June/Dec. 2006, p. 133-184.

nouvelle qui implique une adaptation du trust (anglo-américain) à un système comme

le nôtre de droit continental. »70

99. Les pays de droit civil adaptent la figure du trust anglo-américain pour créer les trusts du modèle contractuel de droit civil. L’adaptation la plus logique est à travers le contrat. Pourtant, par analogie aux trusts anglo-américains, le droit civil avait le choix de l’acte juridique unilatéral comme manifestation de la volonté émanant du constituant, qui entend créer certains effets de droit sans le secours d’aucune autre volonté. L’acte de disposition de transfert des biens au trust anglo- américain et la déclaration de volonté de constitution du créateur du trust sont deux actes unilatéraux distincts. L’acte unilatéral de volonté du constituant est le choix du modèle anglo-américain des trusts.

100. La réglementation des actes juridiques unilatéraux se fait en droit civil au cas par cas et n’a pas permis d’élaborer une théorie générale propre à la matière.71 L’article 1370 du Code Civil français72 ne le mentionne pas. L’article 955 du Code Civil bolivien limite la promesse unilatérale à deux cas précis.73 Le régime juridique du contrat vient régulièrement aider l’acte juridique unilatéral. La théorie de l’engagement unilatéral reste moins élaborée que la théorie du contrat. Elle semble tout de même être le fondement de la constitution des sociétés unipersonnelles et de l’EIRL en France74 car la société est en principe un contrat,75 d’après la définition de l’article 1832 alinéa 1 du Code Civil français.76

101. La question est de savoir si en droit civil, une personne peut, par la seule opération de sa volonté, se rendre débitrice envers autrui. Certains auteurs77 proposent d’admettre l’acte unilatéral comme source générale d’obligations à côté du contrat. L’accord de volontés existe de toute façon au moment où le créancier accepte

70 F. J. LOPEZ DE ZAVALIA, Fideicomiso, Leasing, Letras hipotecarias, ejecucion hipotecaria, contratos de consumicion,

Zavalia, Buenos Aires, 1996, p. 8.

71 Fr. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUETTE, ibid., n° 50, p. 60. 72 Créé par Loi 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804.

73 Promesse de paiement et reconnaissance de dette et promesse publique de récompense. De façon maladroite, le législateur

bolivien s’est basé sur cet article pour justifier la constitution de patrimoines autonomes de titrisation par acte unilatéral de la société de gestion. Voir infra p. 436.

74 Voir infra p. 344.

75 M. GERMAIN, V. MAGNIER, Traité de droit des affaires : Les sociétés commerciales, Tome 2, 20e éd., L.G.D.J., 2011,

n° 1056-2, p. 4.

76 Modifié par Loi n°85-697 du 11 juillet 1985 - art. 1 JORF 12 juillet 1985 rectificatif JORF 13 juillet 1985.

77 R. SALEILLES, Étude sur la théorie générale de l'obligation d'après le premier projet de Code civil pour l'Empire

ou réclame l’exécution de l’engagement unilatéral. Si l’on subordonne la naissance de l’obligation à l’acceptation du créancier, le débiteur peut révoquer son engagement tant que le créancier n’a pas demandé l’exécution. L’auteur de la promesse désigne la personne qui est appelée à bénéficier de l’engagement unilatéral. Le créancier peut être provisoirement inconnu ; c’est le cas d’une stipulation pour autrui au bénéfice d’une personne indéterminée ou d’une personne future.

102. La fiducie et le fidéicommis font appel au contrat et à la stipulation pour autrui dans les relations avec les tiers bénéficiaires. La stipulation pour autrui est effectuée par contrat entre le constituant-stipulant et le fiduciaire-promettant. La théorie de l’engagement unilatéral est invoquée pour expliquer la stipulation pour autrui. Toutefois, cette dernière a fonctionnée dans le droit positif bien avant qu’on ait songé à la fonder sur la théorie de l’acte juridique unilatéral.78 Le promettant n’est pas lié envers le tiers par sa déclaration unilatérale mais par le contrat conclu avec le stipulant.

103. Le trust anglo-américain, né de l’acte unilatéral de disposition du constituant, engage le trustee dans une relation ou obligation fiduciaire au profit d’un bénéficiaire. Par analogie au contrat et à la stipulation pour autrui des trusts de droit civil, le trustee anglo-américain n’est pas lié envers les bénéficiaires par sa déclaration unilatérale mais par l’acte unilatéral du constituant, qu’il accepte et qui crée des relations avec lui, comparables en droit civil à celles d’un contrat conclu avec le constituant-(stipulant). C’est pourquoi le droit civil a transposé la structure du trust-anglo-américain au travers du contrat et de la stipulation pour autrui. De cette manière, il a contourné la théorie de l’acte juridique unilatéral.

104. Les trusts de droit civil argentin, bolivien et français partagent des éléments contractuels communs (A), par exemple, le choix de la stipulation pour autrui pour les bénéficiaires tiers au contrat. La relation contractuelle entre le constituant et le fiduciaire a aussi des conséquences en droit civil des trusts (B), en particulier

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