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Trouver de l'aide au sein de l'entreprise

Dans le document violence R afa _ Marie-France Hirigoyen (Page 182-187)

Tant qu'on est encore en état de se battre, il faut chercher de l'aide d’abord au sein de l’entreprise. Trop souvent, les salariés ne réagissent que lorsqu'une procédure de licenciement est en cours. Cette recherche n’est pas toujours aisée car si la situation a pu se dégrader à ce point, c’est que le responsable hiérar- chique, même s'il n'est pas lui-même moteur du processus, m'a pas su réagir de façon efficace. Si ce soutien moral ne peut être obtenu dans le service, il peut être recherché dans d’autres services.

À chaque étape d’une recherche d'aide au sein de Pentre- prise, le salarié peut sortir du processus de harcèlement s’il a la possibilité de rencontrer un interlocuteur sachant écouter. Mais si le harcèlement s'est mis en place, c'est qu'il n’a pas eu cette chance.

Quand l’entreprise est de taille suffisante, il faut d’abord aller voir le DRH (directeur des ressources humaines). Malheureu-

sement, certains DRH ne sont que des « chefs du personnel »,

certes efficaces dans les techniques professionnelles de gestion, de calcul et de droit du travail, mais qui n’ont ni écoute ni temps à consacrer aux difficultés relationnelles des salariés. Dans une entreprise on demande à tout le monde d’avoir des résultats, y compris aux DRH. Parmi les tâches de ceux-ci, beaucoup peu- vent donner lieu à un résultat chiffré, mais ce qui a trait à l'écoute et l'accompagnement, aux « relations humaines » pro- prement dites, ne se chiffre pas et trouve parfois difficilement sa place dans leur emploi du temps. Il peut se faire également que cela ne les intéresse pas.

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Si le DRH r'a rien pu ou rien voulu faire, c'est le moment d'aller voir le médecin du travail. Celui-ci, dans un premier temps, peut aider la victime à mieux verbaliser son problème, puis, par ses constats au poste de travail et lors de la visite médi- cale, il peut permettre aux salariés et aux responsables de prendre conscience des conséquences graves de ces situations de violence psychologique. Ce travail de médiation n’est pos- sible que s’il occupe une position de confiance dans l’entreprise et qu’il connaît bien les protagonistes. La plupart du temps, le médecin du travail est contacté trop tard par un salarié psycho- logiquement déstabilisé et il ne peut que le protéger en lui conseillant une prise en charge médicale et un arrêt de travail.

La position du médecin du travail n’est pas facile car il émet aussi des avis d'aptitude qui peuvent être lourds de consé- quences pour le salarié. Beaucoup de salariés craignent égale- ment d'aller le voir car ils savent que celui-ci est un salarié comme eux et ils ne sont pas toujours sûrs de son indépendance d'esprit par rapport à l’entreprise qui les harcèle ou qui laisse faire le harcèlement.

Résister psychologiquement

Pour se défendre d’égal a égal, il faut étre en bon état psy- chologique. Nous avons vu que la premiére phase du harcéle- ment consiste à déstabiliser la victime. Il lui faudra donc consulter un psychiatre ou un psychothérapeute afin de retrou- ver l'énergie qui lui permettra de se défendre. Pour diminuer le stress et ses conséquences nocives pour la santé, la seule solu- tion est l'arrêt de travail. Mais beaucoup de victimes le refusent dans un premier temps, craignant d’aggraver le conflit. Si la personne est dépressive, une aide médicamenteuse, anxioly- tique et antidépressive est réellement nécessaire. La personne ne devra réintégrer son travail que lorsqu'elle sera complètement en état de se défendre. Cela peut conduire à un arrêt de travail relativement long (parfois plusieurs mois) qui éventuellement se transformera en CLD (congé maladie de longue durée). Les

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médecins psychiatres et les médecins-conseils de la Sécurité sociale se trouvent ainsi amenés à prendre en main la protection des victimes et à régler des problèmes professionnels, alors que les solutions devraient être juridiques.

Une victime craque. Son médecin la met en arrêt de travail pour dépression, ce qui arrange le harceleur et l'entreprise. Quand la victime annonce la fin de son arrêt maladie, la direction lui conseille de faire prolonger ce congé. Le médecin refuse, arguant que le problème étant sur le lieu de travail, il doit être réglé entre le salarié et l'entreprise. La victime reprend son travail et se fait reprocher de ne pas s'être fait soigner.

Une autre victime, harcelée depuis plusieurs mois par son patron, est mise en arrêt de travail pour dépression. À chaque tentative de reprise, elle rechute. Le patron devient tellement menaçant que la victime porte plainte. Pour éviter une condam- nation aux prud'hommes, le patron accepte de licencier son employée, mais il fait traîner les formalités. La victime, toujours en arrêt de travail, va mieux. Faut-il la laisser reprendre son travail en attendant que son licenciement soit effectif? Le méde- cin-conseil amené à statuer a décidé que non. Il a préféré proté- ger la victime en prolongeant son arrêt de travail jusqu'au licenciement.

Étant donné que le jeu du harceleur consiste à faire de la provocation et à mettre l’autre en faute en suscitant sa colère ou son désarroi, la victime devra apprendre à résister. Dans une situation donnée, il est plus facile de se laisser aller à se sou- mettre plutôt que de résister et de risquer le conflit. Quoi qu'elles éprouvent, je conseille aux victimes de jouer l'indiffé-

rence, de garder le sourire et de répondre avec humour, mais sans en rajouter dans l'ironie. Elles doivent rester impertur- bables et ne jamais entrer dans le jeu de l'agressivité. Il leur faut laisser dire, ne pas s’énerver, tout en notant chaque agression

afin de préparer leur défense.

Pour limiter le risque de faute professionnelle, la victime devra être irréprochable. En effet, même si le harceleur n'est pas

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son supérieur hiérarchique, elle se trouve placée sous le feu des projecteurs. On l'observe afin de comprendre ce qui se passe. Le moindre retard, la moindre faute seront tenus pour des preuves de sa responsabilité dans le processus.

Il serait bon aussi qu'elle apprenne la méfiance en fermant ses tiroirs à clef, en emportant avec elle son agenda profession- nel ou un dossier important sur lequel elle travaille, même à l'heure du déjeuner. Bien sûr, les victimes y répugnent. Ce n’est le plus souvent que lorsque la situation n’est plus récupérable et qu'elles préparent un dossier pour les prud'hommes qu'elles y ont recours.

Afin de retrouver une certaine autonomie de pensée et un esprit critique, les victimes devront appliquer une nouvelle grille de communication, comme un filtre systématique, qui leur permette de réajuster la réalité au bon sens. Prendre les messages au pied de la lettre, au besoin en faisant préciser, et refuser d'entendre les sous-entendus.

Cela suppose que la personne harcelée soit capable de garder son sang-froid. Elle doit apprendre à ne pas réagir aux provocations de son agresseur. Ne pas être réactif est particu- lièrement difficile pour quelqu'un qui a été choisi pour son impulsivité. La victime doit sortir de ses schémas habituels, apprendre à se calmer, à attendre son heure. Il est important qu'elle garde au fond d'elle la conviction qu'elle est dans son

bon droit et que, tôt ou tard, elle réussira à se faire entendre.

Agir

Contrairement à ce que je conseille dans le domaine fami- lial, où il est essentiel pour sortir de l'emprise de cesser de se justifier, dans le domaine professionnel il faut être extrêmement rigoureux afin de contrer la communication perverse. Il faudra anticiper sur les agressions en s’assurant qu'il n'y a aucune ambiguité dans les consignes ou les ordres, en faisant lever les imprécisions et éclaircir les points douteux. Si des doutes sub- sistent, le salarié devra solliciter un entretien pour avoir des

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explications. En cas de refus, il ne faut pas hésiter à exiger cet entretien par lettre recommandée. Ces courriers pourront ser- vir de preuves du manque de dialogue en cas de conflit. Il vaut mieux passer pour anormalement méfiant, quitte à être qualifié de paranoïaque, que de se laisser mettre en faute. Il n’est pas mauvais que, par un renversement, la victime inquiète son agresseur en lui faisant savoir que, désormais, elle ne se laissera plus faire.

C'est habituellement lorsque la victime constate qu'aucune solution n'est proposée, et qu'elle craint un licenciement ou qu'elle envisage de donner sa démission, qu'elle se tourne vers les syndicats ou les représentants du personnel. Mais il faut savoir que quand une situation de harcèlement est communi- quée aux syndicats, cela devient un conflit ouvert. Leur inter- vention consiste alors à négocier un départ. Il est très difficile d'obtenir une médiation à ce niveau car les représentants du personnel ont beaucoup plus un rôle revendicatif qwun rôle d'écoute et de médiation.

Pour un entretien préalable au licenciement, la loi prévoit qu'on peut se faire accompagner par la personne de son choix.

Ce peut être un délégué syndical s’il y en a dans l'entreprise, ou bien un conseiller des salariés. Les conseillers des salariés sont des syndicalistes extérieurs à l'entreprise dont on trouve la liste dans les mairies et dans les préfectures, et qui vont défendre bénévolement les salariés dans les petites structures. Dans le harcèlement, il est important que l'accompagnateur soit quel- qu’un en qui on a toute confiance et dont on pense a priori qu'il

ne se laissera pas manipuler.

Démissionner serait accorder une victoire trop facile à l'agresseur. Si la victime doit partir, et à ce stade c’est sa sauve- garde, elle doit se battre pour que son départ se passe dans des conditions correctes.

S'il n'existe pas de motif réel de licenciement pour faute professionnelle constatée, l'employeur peut faire un licencie- ment pour incompatibilité d'humeur. Ce motif est peu utilisé car il doit être étayé par des faits très précis sous peine d’être rejeté devant un tribunal de prud'hommes, surtout si le salarié

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est depuis longtemps dans l’entreprise. Mais lorsqu'on a réussi à monter tout un service contre une personne et que tout le monde se plaint d'elle, ce motif peut être utilisé.

Si le harcèlement n’a pas été interrompu par l'employeur, il est peu probable que ce soit lui qui propose ensuite une tran- saction. Ce sera au salarié, aidé d’un syndicat ou d’un avocat, de le faire.

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