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Faire intervenir la justice

Dans le document violence R afa _ Marie-France Hirigoyen (Page 187-190)

Le harcèlement moral

Il n'existe aucune loi dans l'arsenal juridique réprimant le harcèlement moral. Il est donc très difficile d'attaquer son employeur au pénal (tribunal correctionnel). De toute façon, cette démarche est toujours longue et pénible.

Pourtant, une résolution adoptée par l'Assemblée générale

des Nations unies en annexe de la Déclaration des principes fondamentaux de justice relatifs aux victimes de la criminalité et aux victimes d'abus de pouvoir définit les victimes d'abus de pouvoir comme suit : « On entend par “victimes” des personnes qui, individuellement ou collectivement, ont subi un préjudice,

notamment une atteinte à leur intégrité physique ou mentale, une souffrance morale, une perte matérielle, ou une atteinte grave à leurs droits fondamentaux, en raison d’actes ou d’omis- sions qui ne constituent pas encore une violation de la législa- tion pénale nationale, mais qui représentent des violations des normes internationalement reconnues en matière de droits de l'homme. »

En France, dans le Code du travail, aucune protection n'est prévue pour les victimes de harcèlement moral. On trouve seu- lement le terme vague d’« inconduite» en commentaire des articles de loi sur le pouvoir disciplinaire de l'employeur : « En principe, le type de comportement visé ici, relevant de la vie privée du salarié, ne justifie pas le prononcé d’un licenciement.

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Le harcélement moral

Mais il en va autrement quand les faits reprochés sont suscep- tibles de créer un trouble dans l'entreprise. Une attitude indé- cente réitérée d’un salarié à l'égard de ses collègues féminines justifie un licenciement pour faute grave. »

En Suède, le harcèlement moral dans l'entreprise est un

délit depuis 1993. Il est également reconnu en Allemagne, aux États-Unis, en Italie et en Australie. En Suisse, dans le cadre d’une entreprise privée, sont applicables la loi fédérale sur le tra- vail concernant les mesures d'hygiène et de protection de la santé, ainsi que l’article 328 du Code des obligations traitant de

la protection de la personnalité du travailleur ou de la tra- vailleuse : « L'employeur est tenu de prendre toutes les mesures nécessaires afin d'assurer et d'améliorer la protection de la santé et de garantir la santé physique et psychique des travailleurs.

[...] La lutte contre le harcèlement doit faire partie de ces mesures, puisque le harcèlement met en danger la santé phy- sique et psychique de la personne harcelée. »

Pourtant, lorsque l’agresseur est un patron qui utilise systé- matiquement des procédés pervers pour terroriser un membre de son personnel, à plus forte raison s’il y a eu violence phy- sique ou sexuelle, il faut l'arrêter en utilisant le droit. Ces agres- seurs, qui n’osent affronter directement leur employé, n’osent pas davantage affronter la justice. Ils ont peur et négocient alors un licenciement. En effet, les pervers redoutent les procés en justice qui pourraient révéler publiquement la malignité de leurs conduites. Ils cherchent d’abord à faire taire leurs victimes par l'intimidation et, si cela ne suffit pas, ils préfèrent négocier, se posant alors eux-mêmes en victimes d'un employé retors.

La perversion morale détient un tel pouvoir de nuisance qu'il est difficile de la contenir. Si les individus d’abord, les entreprises ensuite ne trouvent pas de solutions pour remettre des bornes de civilité et de respect d'autrui, un jour ou lautre, il faudra légiférer sur le harcèlement moral dans l'entreprise comme il a fallu le faire pour le harcèlement sexuel.

Il n'existe pas actuellement, à ma connaissance, d’associa- tion d'aide spécifique aux victimes de harcèlement qui pourrait les conseiller dans leurs démarches. Seule, l'AVET (Association

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Conseils pratiques dans l’entreprise

européenne contre les violences faites aux femmes au travail !) soutient sans distinction de sexe les personnes victimes de dis- criminations et de violences sexistes ou sexuelles sur leur lieu de travail.

Le harcèlement sexuel

Depuis 1992 le harcèlement sexuel est un délit pénal et une infraction au Code du travail. La loi interdit qu'un salarié soit sanctionné ou licencié pour avoir subi ou refusé des agisse- ments de harcèlement sexuel.

L'article 21 du Code du travail concernant le harcèlement sexuel n'envisage que le harcèlement avec abus de pouvoir:

«Aucun salarié ne peut être sanctionné ni licencié pour avoir subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement de lem- ployeur, de son représentant ou de toute autre personne qui, abusant de l'autorité que lui confèrent ses fonctions, a donné des ordres, proféré des menaces, imposé des contraintes ou exercé des pressions de toute nature sur ce salarié dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle à son profit ou au pro- fit d’un tiers. »

On le voit, le législateur n'interdit qu'une forme de harcèle- ment sexuel (le chantage), or cette forme de violence devrait être réprimée en soi et non par rapport au lien hiérarchique et aux menaces de licenciement.

En France, entamer une procédure est un véritable parcours du combattant, car les victimes rencontrent de nombreuses

résistances ou blocages. Le harcèlement, même sexuel, même avec des preuves, n’est pas pris en considération. Comme pour les agressions sexuelles il n’y a pas si longtemps, les résistances vont du refus d'enregistrer une plainte par les policiers ou les gendarmes (ils ne sont pas habitués) à la déqualification des faits par les magistrats. Ces dossiers sont souvent classés « sans suite ».

1. AVFT, BP 108, 75561 Paris Cedex 12. Tel. : 01 45 84 24 24.

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Le harcélement moral

Le problème du harcèlement sexuel se pose à l'échelle mon- diale. Au Japon, les plaintes pour harcèlement sexuel se multi- plient, d'autant que dans ce pays la coutume consiste, même pour les femmes cadres, à inviter les clients importants dans les bars, les restaurants de luxe, ou même dans les no pan clubs (bars où les serveuses ne portent rien sous leur minijupe). La nouvelle loi sur légalité des sexes sur le lieu de travail, qui entrera en vigueur en avril 1999, prévoit des dispositions contre ces pratiques. Au lieu de nous moquer des excès américains en matière de procès pour harcèlement sexuel, nous ferions mieux de mettre en place une politique de prévention, en imposant le respect de l'individu sur le lieu de travail.

Dans le document violence R afa _ Marie-France Hirigoyen (Page 187-190)