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1° Définition

Selon les critères diagnostiques du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, quatrième édition -DSM-IV- (American Psychiatric Association, 1994), le trouble dépressif majeur, épisode isolé se caractérise par:

o La présence d’un épisode dépressif majeur.

o L’épisode dépressif majeur n’est pas mieux expliqué par un trouble

schizo-affectif et n’est pas surajouté à une schizophrénie, un trouble schizophréniforme, un trouble délirant ou un trouble psychotique non spécifié.

o Il n’y a jamais eu d’épisode maniaque, mixte ou hypomaniaque.

L’épisode dépressif majeur se définit par:

o Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant

une même période d’une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une perte d’intérêt ou du plaisir.

(1)Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous

les jours, signalée par le sujet (p. ex. se sent triste ou vide) ou observée par les autres (p. ex. pleure).

(2)Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque

toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).

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(3)Perte ou gain de poids significatif en l’absence de régime (p. ex.

modification du poids corporel en un mois excédant 5%), ou diminution ou augmentation de l’appétit presque tous les jours.

(4)Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours.

(5)Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constat

par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur).

(6)Fatigue ou perte d’énergie presque tous les jours.

(7)Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée

(qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d’être malade).

(8)Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision

presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres).

(9)Pensées de mort récurrentes (pas seulement une peur de mourir), idées

suicidaires récurrentes sans plan précis, ou tentative de suicide, ou plan précis pour se suicider.

o Les symptômes ne répondent pas aux critères d’épisode mixte.

o Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une

altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

o Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiologiques directs

d’une substance (p. ex. une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale (p. ex. hypothyroïdie).

o Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, c.à.d. après la

mort d’un être cher, les symptômes persistent pendant plus de deux mois ou s’accompagnent d’une altération marquée du fonctionnement, de

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préoccupations morbides de dévalorisation, d’idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d’un ralentissement psychomoteur.

2° Epidémiologie

Cette pathologie affecte approximativement entre 2 et 15% de la population adulte (Tsuno et al., 2005; Moussavi et al., 2007). Le risque de récidives après 1, 2 ou 3 épisodes de dépression est de 50, 70 et 90%, respectivement (American Psychiatric Association, 1994; Tsuno et al., 2005). Elle est deux fois plus fréquente chez les adolescentes et les femmes que chez les adolescents et les hommes avec une incidence maximale entre 25 et 44 ans et qui est plus faible après 65 ans (American Psychiatric Association, 1994; Eaton et al., 2007).

Sans traitement, la dépression a tendance à devenir récurrente avec des

épisodes de plus en plus sévères, et/ou chronique avec une période de rémission entre les épisodes devenant de plus en plus courte (American Psychiatric Association, 1994; Tsuno et al., 2005; Moussavi et al., 2007). En plus, chaque nouvel épisode dépressif ou rechute augmentent le risque de chronicité et de résistance aux traitements (Tsuno et al., 2005). Jusque 15% des sujets présentant un TDM sévère meurent par suicide (American Psychiatric Association, 1994).

Elle constitue, avec le temps, une invalidité conséquente qui représente presque 12% du nombre total des années vécues en incapacité au niveau mondial. Il est attendu qu’en 2020, la dépression devienne la seconde cause de maladie ‘fardeau’, impliquant les conséquences directes et indirectes de la maladie, après les pathologies cardiaques (Moussavi et al., 2007).

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3° Physiopathologie

Les mécanismes physiologiques impliqués dans le développement et le maintien du trouble dépressif majeur sont encore mal connus actuellement.

Les changements morphologiques et fonctionnels de l’activité cérébrale fréquemment rapportés (Manji et al., 2003; Campbell et al., 2004; Anand et al, 2005; Tsuno et al., 2005; Khundakar et al., 2009) ainsi que les taux anormaux de sérotonine (Dhaenen, 2001; Jans et al., 2007; Ruhé et al., 2007), acétylcholine (Leong and Brown, 1987; Scarr, 2009), dopamine (Nutt, 2006; Ruhé et al., 2007) et noradrénaline (Delgado and Moreno, 2000; Nutt, 2006; Ruhé et al., 2007) semblent être induits par une diminution de la neuroplasticité cérébrale associée à des anomalies de la neurogenèse et de certains facteurs neurotrophiques comme le BDNF (brain-derived neurotrophic factor) (Fossati et al., 2004; Brunoni et al., 2008).

La dépression résulterait de l’incapacité à produire des réponses adaptatives adéquates aux stimuli environnementaux à cause d’altérations de la neuroplasticité: atrophie et perte récente des neurones (et leurs axones) et de la glie qui conduiraient à des changements structuraux et neurochimiques. Cette hypothèse récente basée sur l’imagerie par résonance magnétique fonctionnelle et l’histologie post-mortem intègre les connaissances antérieures impliquant les altérations des neurotransmetteurs et le dysfonctionnement de l’axe hypothalamo-hypophysaire (Klimek et al., 2002; Fossati et al., 2004; Perera et al., 2008; Khundakar et al., 2009).

Les changements structuraux de l’hippocampe, de l’amygdale, des noyaux de la base et du cortex préfrontal, mais surtout les changements de l’excitabilité cellulaire post-synaptique et la réorganisation des connexions neuronales pourraient expliquer certains symptômes de la dépression comme les troubles cognitifs, l’anxiété ou l’irritabilité (Klimek et al., 2002; Fossati et al., 2004).

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Cette altération de la neuroplasticité semble réversible comme cela a été montré par la stimulation de l’environnement social et physique qui pourrait peut-être favoriser la prolifération cellulaire (neurogenèse) permettant une amélioration thymique plus rapide (Perera et al., 2008; Johnston et al., 2009; Sale et al., 2009). La réversibilité du processus pathologique a également été mise en évidence par les traitements antidépresseurs ou par l’électroconvulsivothérapie qui favorisent la production de facteurs neurotrophiques dont probablement le BDNF (Taylor et al., 2008; Drago et al., 2009; Grønli et al., 2009; Fernandez et al., 2009; Castrén and Rantamäki, 2010), la défense neuronale au stress, et augmentent la prolifération et la survie des nouveau neurones (Fossati et al., 2004; Brunoni et al., 2008; Castrén and Rantamäki, 2010). Les traitements antidépresseurs pourraient avoir une action neuroprotectrice en stimulant la neurogenèse de l’hippocampe (Boldrini et al., 2009).

4° Complications

En plus du risque de suicide, des répercutions familiales, sociales et professionnelles, le TDM est impliqué dans l’apparition ou le maintien de nombreuses pathologies somatiques.

La dépression est associée à de nombreuses comorbidités comme l’arthrite, le diabète, les pathologies cérébro- ou cardiovasculaires, les maladies de Parkinson ou d’Alzheimer, le cancer, l’épilepsie… (Evans et al., 2005; Glassman, 2007; Moussavi et al., 2007).

Néanmoins, il est actuellement prouvé qu’en comparaison aux sujets sains, les patients souffrant d’un TDM présentent des risques accrus de développer des maladies coronaires, cardiaques ischémiques, des accidents vasculaires cérébraux et des décès cardiaques (Evans et al., 2005; Glassman, 2007). Après un infarctus du myocarde, le risque de décès dans les six mois est quatre fois supérieur à celui des sujets contrôles

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ne souffrant pas de dépression. Les patients souffrant d’un TDM après une hémorragie cérébrale ou n’importe quel autre accident cérébro-vasculaire récupèrent plus difficilement et présentent un taux de mortalité 3 à 4 fois supérieur à celui des patients non dépressifs. (Evans et al., 2005).

La dépression est actuellement considérée comme un facteur de risque indépendant pour le diabète de type 2 et est associée à la mauvaise compliance des traitements oraux hypoglycémiants, au mauvais contrôle de la glycémie, à la progression et au début précoce des complications micro- et macrovasculaires. (Evans et al., 2005).

5° Traitements

Les traitements du trouble dépressif majeur comprennent les traitements médicamenteux, l’électroconvulsivothérapie (ECT) et les psychothérapies, sans oublier l’ensemble des autres activités qui permettent au patient une réinsertion sociale plus rapide comme l’exercice physique ou l’ergothérapie.

Les traitements médicamenteux

Ils se composent classiquement des inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS), des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (IRNA), des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine (IRNaS), des tricycliques et des inhibiteurs de la monoamine oxydase A (IMAO).

Le mécanisme général du fonctionnement des traitements antidépresseurs est l’augmentation des neurotransmetteurs dans la fente synaptique modifiant le nombre de récepteurs pré- et postsynaptiques, induisant l’activation des cascades de trans-duction du signal intracellulaire couplé aux récepteurs monoaminergiques (Stahl, 1984; Stahl and Grady, 2003; Fossati et al., 2004; López-Muñoz and Alamo, 2009).

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L’ électroconvulsivothérapie

Actuellement, l’explication physiologique du traitement par ECT est encore mal connue.

Les ECT amélioreraient rapidement l’état clinique du patient grâce à une libération massive et brutale de neurotransmetteurs, une modification possible de la

concentration des récepteurs pré- et post-synaptiques et avoir un effet neuroprotecteur

(Benkelfat, 1988; Newman et al., 1998; Taylor, 2008; Kato, 2009).

Les traitements psychothérapeutiques

D’orientation psychanalytique, cognitivo-comportementale, systémique ou autre, ils permettent au patient de réévaluer son niveau de fonctionnement personnel ou social, l’apprentissage de nouveaux comportements non-délétères et sembleraient favoriser de nouvelles connexions ou voies neuronales intracérébrales (Thase and Friedman, 1999; Fossati et al, 2004; Beauregard, 2009).

Les activités socialisantes

Souvent dites occupationnelles, elles permettent, non seulement d’améliorer la confiance en soi et de retravailler le processus motivationnel, mais elles facilitent aussi l’apprentissage, probablement par un effet neuroprotecteur décrit plus haut.

6° Description du sommeil associé au trouble dépressif majeur

Les patients dépressifs (50 à 90%) présentent classiquement des altérations de l’architecture du sommeil. Les modifications les plus fréquemment rapportées sont une augmentation de la latence d’endormissement, une augmentation des éveils nocturnes avec classiquement un éveil deux avant l’heure de lever habituelle pour les formes sévères de dépression, une augmentation du stade 1 de sommeil, une diminution du

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sommeil lent profond, une modification de la latence du sommeil paradoxal (raccourcie ou allongée), une altération du sommeil paradoxal, une diminution de l’efficience du sommeil (Jones et al., 1987; Kupfer et al., 1989; Armitage et al., 2000; Tsuno et al., 2005; Hubain et al., 2006).

Toutefois, toutes ces modifications ne sont pas systémiquement retrouvées chez tous les patients dépressifs (Kupfer et al., 1989; Armitage et al., 2000; Hubain et al., 2006; Tsuno et al., 2005) et seraient influencées par l’âge et le sexe (Armitage et al., 2000) ou la sévérité de la dépression (Hubain et al., 2006).

7° La variabilité du rythme cardiaque associé au trouble dépressif majeur

Les patients souffrant de trouble dépressif majeur et de pathologies cardiovasculaires présentent généralement une augmentation de l’influence sympathique cardiaque en comparaison aux sujets contrôles (Drago et al., 2007). Néanmoins, ces résultats ne sont pas systématiquement retrouvés dans la littérature (Gehi et al., 2005).

Les mêmes conclusions sont souvent portées pour les comparaisons entre patients dépressifs sans pathologie cardiaque et sujets sains contrôles (Bär et al., 2004; Gehi et al., 2005).

La plupart de ces analyses sont réalisées durant le jour ou durant 24h, au repos ou non, avec ou sans tests de provocation. Mais aucune ne mesure de l’interaction entre la variabilité du rythme cardiaque et le sommeil, alors que la majorité des accidents cardiovasculaires se déroulent en fin de nuit ou durant les premières heures du la journée (Muller et al., 1985, 1987; Somers et al., 1993; Lavery et al., 1997; Peled et al., 1999).

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