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1° Définition

L’insomnie, souvent rapportée comme un symptôme, peut être le problème principal de certains patients, qu’elle soit associée ou non à d’autres conditions pathologiques. Lorsque l’insomnie n’est pas causée par un autre problème comme un trouble anxieux, un trouble dépressif majeur, un syndrome douloureux, une allergie, le syndrome des jambes sans repos…, elle est alors définie par le DSM-IV comme primaire (American Psychiatric Association, 1994).

La classification internationale (ICSD-R) ne définit pas l’insomnie primaire en tant que telle mais décrit 3 types d’insomnies différents: l’insomnie psychophysiologique, l’insomnie subjective ou de mauvaise perception et l’insomnie idiopathique (American Sleep Disorders Association, 2005). Ces sous-types d’insomnies peuvent être regroupés sous le label d’insomnie primaire défini par le DSM-IV (American Psychiatric Association, 1994).

La définition de l’insomnie primaire selon le DSM-IV est la suivante

(American Psychiatric Association, 1994):

o La plainte essentielle est une difficulté d’endormissement ou de maintien du

sommeil, ou un sommeil non réparateur, ceci pendant au moins un mois.

o La perturbation du sommeil (ou la fatigue diurne associée) est à l’origine

d’une souffrance marquée ou d’une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d’autres domaines importants.

o La perturbation du sommeil ne survient pas exclusivement au cours d’une

narcolepsie, d’un trouble du sommeil lié à la respiration, d’un trouble du sommeil lié au rythme circadien ou d’une parasomnie.

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o La perturbation ne survient pas exclusivement au cours d’un autre trouble

mental (p. ex., un trouble dépressif majeur, une anxiété généralisée, un delirium).

o La perturbation n’est pas liée aux effets physiologiques directs d’une

substance (p. ex., une substance donnant lieu à un abus, un médicament) ou d’une affection médicale générale.

La durée de la pathologie peut aider le clinicien dans l’évaluation de la plainte, de la souffrance induite par la pathologie, et le choix thérapeutique. L’ICSD-R définit

les termes d’aigu, subaigu et chronique pour des plaintes ayant respectivement une

durée inférieure à un mois, comprise entre un et six mois, et plus de six mois (American Sleep Disorders Association, 2005). Néanmoins, de nombreux auteurs utilisent le terme chronique pour des insomnies dont la durée est supérieure à un mois

(Silber, 2005; Becker, 2006; Summers et al. 2006).

2° Epidémiologie

L’insomnie chronique (> 1 mois) touche approximativement 10 à 18% de la population (Becker, 2006; Silber, 2005) mais la forme primaire qui n’est induite par aucun autre trouble somatique, psychiatrique, ou prise de substance ne représente que 10 à 15 % de toutes les insomnies chroniques (Becker, 2006).

Les autres insomnies chroniques (et donc secondaires) sont essentiellement induites par des troubles psychiatriques (30 à 50%) comme le trouble dépressif majeur ou le trouble anxieux généralisé (Becker, 2006), ou associées au syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil, au syndrome des jambes sans repos, à un syndrome douloureux ou toute autre pathologie chronique (cancers, maladies pulmonaires

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chroniques, neuromusculaires, neurodégénératives…) (Sateia and Nowell, 2004; Garcia, 2008; Ferri et al., 2009; Roth, 2009; Sharafkhaneh et al., 2009).

L’insomnie primaire touche deux fois plus les femmes et est plus importante chez les membres de la famille de premier degré que dans la population générale (Bastien and Morin, 2000). Les plaintes d’insomnie sont dépendantes de l’âge et leur prévalence augmente chez les adultes d’âge moyen et plus âgés. Les difficultés d’endormissement sont plus fréquentes chez les adultes jeunes alors que la perturbation de la continuité du sommeil et la perception d’un mauvais sommeil sont plus fréquemment décrites chez la personne âgée (Blois et al., 1983; Mellinger et al., 1985; Ohayon and Caulet, 1996; Avidan, 2003; Garcia, 2008).

3° Physiopathologie

L’origine de l’insomnie est souvent multi-factorielle impliquant des facteurs psychologiques, biologiques et d’apprentissage. Une prédisposition endogène semble néanmoins nécessaire pour développer et perpétuer ce trouble.

Dans l’insomnie primaire chronique, plusieurs auteurs ont suggéré un niveau de base de l’éveil supérieur à la normale ou un échec de la régulation négative de l’éveil durant la nuit qui conduirait à un état d’hyperéveil ou hypervigilance (Bonnet and Arand, 1997b; Pigeon et al., 2006). Le système ‘activateur’ est composé de neurones situés dans la formation réticulée qui projettent leurs fibres sur le thalamus et le cortex cérébral. Les neurones situés dans le thalamus qui présentent une activité rythmique oscillatoire et une hyperpolarisation de leur membrane induisent le sommeil, alors qu’une réduction de leur polarisation induit le blocage brutal de l’activité rythmique

avec une désynchronisation de l’activité neuronale et provoque ainsi l’éveil (Steriade,

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Les neurones cholinergiques, GABAergiques mais aussi les neurotransmetteurs tels que l’adénosine, la noradrénaline, la sérotonine, l’orexine ou les hypocrétines pourraient être impliqués dans la régulation des états de veille et de sommeil (Steriade, 2006; Jones, 2008).

4° Complications

Les complications induites par l’insomnie chronique sont nombreuses et parfois fatales à long terme: troubles cognitifs (diminution de l’attention et la concentration, altération de la mémoire à court terme), troubles psychomoteurs (réflexes diminués, altération de la coordination motrice), troubles psychologiques (dysphorie, augmentation de l’anxiété et des soucis notamment par rapport au sommeil), plaintes physiques de fatigue, somnolence et parfois d’endormissement, plaintes physiques non-spécifiques (céphalées, plaintes musculaires ou gastro-intestinales). Des complications indirectes peuvent également être mises en évidence: diminution des performances professionnelles, accidents de roulage parfois mortels, altérations sociales et de la vie familiale (Sateia and Nowell, 2004; Silber, 2005; Roth et al., 2007, 2009).

L’insomnie chronique continue durant un an augmenterait de 40 fois les chances de développer un trouble dépressif majeur (Becker, 2006). D’autres études à long terme démontrent que le risque de développer un trouble psychiatrique (TDM, trouble anxieux ou abus à une substance) est de 2 à 5 fois supérieur à la même population contrôle sans trouble du sommeil (Sateia et Nowell, 2004; Becker, 2006).

Les complications cérébro- et cardiovasculaires de l’insomnie sont actuel-lement largement démontrées et l’insomnie peut être considérée comme un facteur indépendant pour les maladies cardiaques coronaires et infarctus du myocarde. Le risque de développer un accident vasculaire cérébral ischémique ou une pathologie

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coronaire est respectivement doublé ou multiplié par 1,5 à 3,9 par rapport à une population contrôle (Scharwtz et al., 1999; Sateia and Nowell, 2004; Elwood et al., 2006).

L’insomnie chronique est aussi associée à d’autres maladies chroniques comme le diabète, ou l’arthrite (Sateia and Nowell, 2004).

5° Traitements

Les traitements de l’insomnie primaire chronique comprennent une éventuelle aide médicamenteuse et surtout, une prise en charge cognitivo-comportementale dont le but est d’expliquer le processus de l’insomnie, surtout si celle-ci est de type psychophysiologique, et de mettre en place une meilleure hygiène de veille et de sommeil (Sateia and Nowell, 2004; Silber, 2005; Summers et al., 2006).

La prescription médicamenteuse

Elle reste un second choix ou une aide ponctuelle sauf dans le cas de l’insomnie idiopathique pour laquelle les traitements médicamenteux sont peu efficaces. Le choix médicamenteux se porte sur des benzodiazépines ou benzodiazépines-like à temps de

demi-vie (t1/2) court, ou, de préférence, à t1/2 intermédiaire (Sateia and Nowell, 2004;

Silber, 2005; Summers et al., 2006).

Le traitement par mélatonine reste controversé mais les formes à libération prolongées récemment commercialisées ou d’autres agonistes mélatoninergiques comme l’agomélatine semblent prometteuses (Hardeland, 2009; Ferguson et al., 2010).

Les prescriptions de neuroleptiques s’avèrent restreintes étant donné les nombreux effets secondaires mais l’absence de dépendance pourrait paraître un avantage (Itil et al., 1963; Labatte and Douglas, 2000; Demartinis and Winokur, 2007; Cohrs, 2008; Wine et al., 2009).

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Certains antidépresseurs comme la trazodone ou la mirtazapine s’avèrent des traitements tout-à-fait acceptables pour le traitement de l’insomnie chronique grâce à l’absence de dépendance et le peu d’effets secondaires qu’ils induisent mais nécessitent encore la réalisation d’études complémentaires (Schittecatte et al., 2002; Winokur et al., 2003; Mendelson, 2005; Demartinis and Winokur, 2007; Zavesicka et al., 2008; Holshoe, 2009).

6° Description du sommeil au cours de l’insomnie primaire chronique

L’insomnie chronique est caractérisée par une diminution de l’efficience de

sommeil qui est inférieure à 85% et par une latence d’endormissement allongée, supérieure à trente minutes (Merica et al., 1998; Silber, 2005). Les patients souffrant d’insomnie peuvent également présenter une augmentation de l’éveil intra-sommeil, une diminution de temps total de sommeil, une diminution de la durée du sommeil lent profond, une augmentation du stade 1 ou plus de changements de stades. Les durées des épisodes de SNP et SP peuvent également être diminuées, expliquant un temps

total de sommeil diminué (Reynolds et al., 1984; Hauri and Fisher, 1986; Merica et al.,

1998).

La puissance de la bande bêta, qui est un indicateur de l’éveil cortical, est augmentée chez les patients insomniaques (Merica et al., 1998).

La variabilité du rythme cardiaque au décours d’une insomnie primaire chronique

Chez les sujets jeunes déprimés en sommeil, l’activité parasympathique est augmentée durant le sommeil récupérateur subséquent (Holmes et al. 2002).

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Par contre, l’analyse spectrale de la VRC révèle une augmentation de l’activité sympathique et une diminution de l’influence vagale durant la journée chez des sujets en bonne santé en déficience aiguë de sommeil (Zhong et al., 2005) et dans tous les stades de sommeil chez des patients insomniaques comparés aux contrôles (Bonnet and Arand, 1998).

Dans l’insomnie fatale familiale, qui est la plus proche du modèle d’insomnie primaire chronique, les patients présentent une activation exacerbée du système sympathique cardiovasculaire (Benarroch and Stotz-Potter, 1998; Cortelli et al., 1999) alors que le système parasympathique est préservé (Benarroch and Stotz-Potter, 1998).

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