37. Semblablesà ces végétaux qui dans cer-tainescontréesnaissent sans culture, et qui, transportésdansd'autres climats, luttent con-tinuellement contre des agens qui leur sont nuisibles,les abeillespullulent dans certains lieux, et se conservent avec peine dans d'au-tres; delà, lanécessitédemodifierla culture selon les pays, par rapport à la saison qui règne habituellement. Kulle part les abeilles ne prospèrentmieux quelà,oùlaterre
humec-téependantla nuit pard'abondantes rosées
,
se couvre de fleurs presque toute l'année; où
un
ciel,toujours pur enété, ne laisseque rarementprécipiterdespluies,qui, inondantlescampagnes, surprennentcesinsectesdans leursexcursionsetenfontautantdevictimes.
Leshiversde
peu
deduréeleur évitentlaplus62 ART DE CULTIVERLES ABEILLES.
grande partie des fléaux qui détruisent tant d'essaims, l'espoirde nosruchers.
38.
En
France,l'incertitudedessaisonsrend à jamais inconstante la récolte des produits desabeilles;un
hivermou
etun
étépluvieux perdrontun
rucher, tandis qu'un hiver sec suivid'unétéqui n'aurade pluiesque
pourvivifier lanature, serontles plus favorablesà ces insectes. Ce sont là des circonstances au-dessusde la puissance
humaine;
on ne peutque
rarementenmodifierles effets; maisilen estd'autresoùlesbonssoins d'uncultivateur et laconnaissance parfaitedecequipeut être pourou
contre les abeilles, sont d'unetelle nécessitéque l'on peut,pour
ainsidire, en doublerles produits.Nous sommes
loin sans doute de croire que nous avons poussél'artde cultiver les abeilles jusqu'à son dernier périodede perfection,nous croyonsau con-traire qu'il estencore susceptible de modifi-cations;mais
du
moins,nous donneronstout ceque notre expérienceapu
nous faire ac-quérir.Quoique
notre climat, en France, soit en généralpeu
propiceàlaculturedeces insectes;cependant ily aencorecertains cantons qui fournissent des quantités considérablesdemiel
ART DE CULTIVERLES ABEILLES. 65 et de cire. Le Languedoc, le Daupkiné_, le
Gâtinais et la Bretagne en fournissent
beau-coup
, maisbiendifférensdansleurs qualités qui participent toujours des végétaux sur les-quelslesabeilleslesontrecueillis. Lemeilleur miel vient de Narbonneet de ses environs, parceque
desplantesodoriférantes mellifères ycroissent enabondance; aprèslui,ceuxdu
Gâtinais sontpréférés, etbieninférieurssont ceux de Bretagne. Le miel des environs de Pariséquivaut à celui
du
Gâtinais, mai? lescampagnesn'étantpas cultivéesde manièreà être aussiavantageusesauxabeilles,ces insectes s'ymultiplientmoins.
09. Celui quicultivelesabeilles aquatre cho-sesprincipalesenvue:1."une abondanterécolte enmiel etencire; 2."
une
quantité d'essaims proportionnée à son rucher; 3.° la qualitédu
mieletdelacire;l\.°enfinlaconservation deson rucher.4o. Lorsqu'on veut cultiver les abeilles
pour
en tirerun
véritable profit, il faut se rapprocher autant que possible d'un en-droitoù
la naturedu
paysmême
, soit de procurer des végétauxfleurisune
grande par-tie de l'année, ce que l'on peut reconnaître parlesespèces déplantes quiycroissent,con-64 ART DE CULTIVERLES ABEILLES.
naissant l'époque deleur floraison.
Le
voisi-nagedesprairies,desforêts surtout,où
non-seulementdes arbres résineuxcroissent, mais encoreune
infinité delabiées,de légumineu-ses, demalvacécss deborraginées , de person-nées et tant d'autres plantes mellifères.La
proximité de l'eau est encore nécessaire aux abeilles; elles préfèrent les eaux stagnantes aux eaux courantes, d'ailleurs les ventsles précipitentquelquefois dansles grands fleu-ves oùelles périssent. Dans les mares, elles trouvent toujoursun
brin d'herbepour
se sauver. Après avoir examiné les dispositions naturellesd'un canton, on peut déjàprévoir ce qu'onpeutespérerdesruches (a).(a) Quelques auteurs proposent de planter pour les abeilles,encherchanttoutefoisdes végétaux quiseraient nécessairespourl'économie domestique. Outre que cela ne pourrait pas être employépar tous les cultivateurs d'abeilles,nous nepensonspas qu'on puissetrouveren sommetotale beaucoupd'avantage àessayer de changer lanature des productions d'un pays;ilvautmieux,comme nousleconseillons, cultiver les abeilles dans ceux qui leurproduisent naturellement de quoi récoller, et les transporter plutôtelles-mêmes, en certainstems,dans d'autresendroits, lorsque leur canton ne pourrait plus rienleurfournir;onlesramèneraitensuite.Cette opéra-tion
, qui se pratique en diverses contrées, s'appelle meneretramenerlesabeillesdupâturage.
ART DE CULTIVER LES ABEILLES. 65
4,1.Lesdispositions localesd'unpays,
quoi-que
bien favorables, doivent être secondées parlabonne
exposition des ruches que l'on veutexploiter;onappelle rucherlaplace qu'oc-cupentplusieurs ruches. Lechoix d'uneforme de ruche influe aussibeaucoupsurlaquantité des produits desabeilles; ainsiquelamanière delesexploiter, qui doit être laplus avanta-geuse pour lepropriétaireet lamoins désas-treuse pour elles. La rucheà l'airlibre que nous avons décrite, étant celle dont nous avonsfaitconnaître lasupériorité, sera natu-rellement celle sur laquelle nous baserons toutes nosopérations.42. Les ruches seront rangées sur deux
ou
troislignes parallèles, chacunerecouverte d'unsurtout, etassezéloignées l'unedel'autrepour
qu'on puisse facilement tourner autour.Toutes recevront le soleil levant, et seront tellement disposées qu'elles puissentrecevoir encorele soleilcouchant;autantquepossible,
elles devront être dans
un
jardin, la place qu'elles occuperont devra être sablée, afin quelapropreté y règnedans toute sonéten-due
, et qu'on puisse facilement aller et venir sans écraser les abeillesposées sur le sol.Chaque
ruche,placée surun
tablier élevé66 ART DE CULTIVERLES ABEILLES.
à
un
pieddu
niveaudu
sol, sera elle-même posée sur quatre petitssupports élevés d'un pouce et implantés sur le tablier. (Quatreforts clous rempliraient convenablement cet objet. ) Cette précaution est nécessaire
pour
permettre aux abeilles de circuler librement souslacase inférieuredeleurruche;on pourra soi-même aussi en expulser les insectes quis'y réfugieraient (a) ; ensuite cette élévation donnera plus de facilité
pour
lemaniement
(a)Non-seulementondoit se défierde touslesinsectes quis'établissentdanslesruclies,maisencoredesanimaux plus gros qui viennent auprèsd'elles,mangerles abeilles elles-mêmes,tels que les crapauds, la plupart des oi-seaux, etsur-toutles mésanges. Lesmulots, les rats
, lessouris, sont également à craindre;lesgrosses arai-gnées dévorent les abeillesqui se prennent dans leurs filets;onditaussiquelepapillonnommésphinxàiêlede mortleurcause de grands dommages; mais c'est surtout lepapillongris,oufausseteigne
,quiestredoutablepour
lesruchescloses:cet insecte pénètre dans ces ruches vers le soir; il dépose sesœufs sur les gâteaux : cesœufs éclosent,etleurs larves filentdes coques danslesquelles elles se retirent:ils sepropagentsi prodigieusement
,
qu'ilsenvahissent bientôt toute la ruche dans laquelle ilsparviennentà s'établir,et la détruisent entièrementen senourrissant de touslesproduits desabeilles (i4-3.°).
ART DECULTIVER LES ABEILLES. 6*i
de la ruche. Le surtout seraspacieux, bien confectionné; onévitera
conséquemment
que ses parois intérieures n'approchent de trop près lescasesde laruche, de crainte que les abeilles n'en prennent plus tardun
point d'appui pour leurs alvéoles; il fautau moins quatreà cinqpouces dedistancetout autour.43. Les ruches placées au second rang, ne devront pasêtredirectementderrièrecelles
du
premier;chaque ruchedelasecondelignefor-mera un
triangleavec lesdeuxdu
devant,de manière que l'entrée soit aussi libre. S'il y avaitun
troisièmerang,lesruches decelui-ci,
par exemple, formeraient
un
triangle avec cellesdu
second, et seraientabsolument vis-à-vis cellesdu
premier; maisla distance qui les en sépareraitserait assezgrandepour que celanesoitpasnuisible.44- Ces ruches devront être à l'abri des grands vents et solidement établies pour ré-sisteraux bourrasques dont onne peut tou-joursles préserver.Lelieudanslequel serale
rucher nedevra pas
manquer
d'eau,ilfaudrait enprocureraux abeilless'il n'yen avaitpas:un
baquet enfoncéen terre,rempli d'eauet couvert de mousse^ pourratrès-bien y sup-pléer. Il devra aussi exister quelques arbres68 ART DE CULTIVERLES ABEILLES.
dansl'endroit
même du
rucher,non
de grands arbres, mais depetits, assezfacilesàpouvoir approcher de tous les côtés; les essaims se fixerontsurces arbres etseront faciles à re-cueillir.45. Cesdispositionssontordinairement à la portée de toutes les personnes qui veulent cultiver lesabeilles etsontabsolument néces-sairespour
un
rucher; maison peut changerlaforme decerucher,c'est-à-dire, qu'aulieu d'avoirdes ruchesisoléesles unesdes autres
,
onpourraitlesréunirdans
un même
corpsdelogis : onétablirait à ceteffet
un
grandchâssis enplanches,diviséparcasesqui auraient cha-cune vingtpouces surtous sens; chaquecase serait fermée sur le derrière parune
porte qu'on pourrait ouvriràvolonté; on pourrait demême
en établirune
par-devant, celle-ci serait échancréeà sabase d'uneouverturede deux pouces de longueur surun
de hauteur;cetteouverture quiservirait d'issue aux abeil-les devrait être
munie
au dehors d'un petit guichet à coulisse, qu'on pourrait rétrécir à volonté; une planche de trois pouces de lar-geurrégneraittoutlelong
du
châssis, à fleur detoutesles ouvertures, elleserviraitde pre-mier appui auxmouches
qui reviennent desARTDECULTIVER LES ABEILLES. 69 champs. Cette planchedevrait être
suffisam-ment
inclinée pour faciliterl'écoulement des eaux. Lesommet
de cetteconstructionserait aussi convenablement disposé pourlemême
objet. Ce rucherpourrait avoiràvolontédeux et
même
troisétages;chaque rucheserait po-sée dans une' casecomme
sur les tabliers des ruches isolées; c'est-à-dire, sur quatre petitssupports:touteslesplanches devrontêtre tellementjointeset lesportes bienfermées,quelalumière ne puisse pénétrer autrepart que par l'ouverture qui servirait de passage aux abeilles;on pourrait multiplier à volonté ces ouvertures,maislespetites fentes seraient désa-gréables encequeces insectes essayentenvain depasser par ces endroits. S'ils'en produisait accidentellement quelques-unes, onles bou-cheraitau
moyen
d'unlutfaitavec onzeparties de cirejauneetune detérébenthineordinaire, fondueset refroidiesensemble; onen malaxe-rait ensuiteune
portion, dont onseserviraitpour
boucheriesouverturesnuisibles.On
don-nerait à cerucherlamême
expositionque nous avons désignéepourl'autre; enété,ilresterait telque nous venonsdel'indiquer; enhiver, on pourraitlerecouvrirdepailleou depaillassons faitsàlahâte.Du
reste, ce projet est soumis7<J ARTDE CULTIVER LES ABEILLES.
à toutes les modifications qu'un cultivateur expérimenté pourrait concevoir; mais il est probable qu'en général cela aurait certains avantages[a).
46.
Quand
onaurachoisilelieu, etquel'on aurareconnucomment
ondoitorienterson ru-cher,on nedevra pas placer sansréflexionles rucheslesunesàcôtédesautres,carlepillage des abeillesentre ellesestune
chose bien fu-neste, et cela a ordinairement lieu par les fortes ruches sur les faibles. Il faudra,dans l'uncomme
dansl'autrerucher, placerles ru-ches dans l'ordre de leur force, c'est-à-dire mettre lesplus fortesd'unboutetsuccessive-ment
terminerparles plusfaibles; car, lors-qu'au contraireuneforte est contiguëàune
faible,ilestrareque celle-cinesoitpaspillée parl'autre.
47.
Ceux
qui ont déjà desruches et qui,
par hasard, n'auraient paseuégard à tout ce que nous venons d'indiquer, pourront en
(a)Cerucher devantêtre exposé en pleinsoleil,on devrase servirdebois très-serré etbien peint pour qu'il travaillemoins;nous pensonsensuite qu'il faudrait pein-dre différemment chaque case du rucher, afin queles abeillesaient plusdefacilité à retrouverleurs cases res-pectives(26).
ART DE CULTIVEELES ABEILLES. 7I
prendre note; mais lespersonnes qui, n'en ayant jamaiseu,désireraient cultiverles abeil-les, devront, aprèsavoir jette
un
coup-d'ceil surcequi précèdeet faitleurs dispositionsen conséquence, procéderal'acquisitionde quel-quesruches. Lesmois de septembre, octobre etnovembre
sontconvenablespourcet objet; ilfaudra,autantquepossible, acheterdes ru-chesde l'année, et qu'elles soientd'un poids (ycomprislesquatrecases)detrente à trente-cinqlivres:lesgâteaux,sinon blancs, devront être d'un jaune tendre; maisnon
pasnoirs.On
vérifiera si le poids que nous indiquons ne tient àaucun moyen
frauduleux; on s'en assurera par l'inspection des gâteaux dont lamajeure partie présentera, intérieurement ,
beaucoup
d'alvéoles bouchées.En
frappant légèrementsurlebord del'unedescases, on reconnaîtra,parun bourdonnement
lourdet prolongé, quelarucheestbien peuplée.A
la nuit close (un
beau clair de lune pourrait bien seconderl'opération), siles ru-ches qu'on achète sont placéessous des sur-touts,etqueladistance quel'on aità parcou-rir soit si peu grandequ'on puisseles trans-porter surun
brancard, ilsuffira de placer les ruches sur ce brancard, de les recouvrir-J2 ART DE CULTIVERLES ABEILLES.
deleurssurtoutsetden'ylaisserqu'uneseule ouverture par où l'air puisse serenouveler;
encore faudra-t-il y mettre
un
petit grillage pour que lesabeillesne puissentaucunement
sortir. Ces opérations doivent se faire