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I. 2 Etude des facteurs de biais possibles

II.3- Troisième hypothèse

Dans le cadre de l’intériorisation d’une imago maternelle destructrice, le passage à l’acte filicide s’inscrirait dans une dynamique de répétition intergénérationnelle.

Indicateur 1 :

Les femmes auteurs de filicide décrivent dans leur discours conscient leur mère en des termes négatifs et évoquent une relation avec elle de nature destructrice.

Madame H commence par qualifier sa mère comme une personne « très, très droite », « très maniaque on va dire… ». Elle s’interrompt alors pour reprendre « Aujourd’hui on est très complice, plus que quand j’étais enfant », et qualifie sa mère plus positivement. Nous pouvons supposer que le maintien d’une relation à sa mère après le passage à l’acte meurtrier de Madame H la conduit à adopter un discours plus positif à l’égard de sa mère. Dans quelles mesures pourrait-elle être critique envers sa propre mère sachant qu’elle-même est auteur du meurtre de son enfant ?

Toutefois, les liens décrits entre Madame H et sa mère laissent entrevoir une relation insécure, voir menaçante dans l’enfance. Le premier souvenir se réfère aux disputes, la mère de Madame H mettait des jouets à la poubelle, dévalorisait sa fille : « Quand tu seras grande ce sera pas une maison que tu auras, ce sera une écurie ». Il est intéressant de s’interroger sur l’évocation par Madame H du fait que sa mère fasse disparaître les jeux dans un sac poubelle pour obtenir l’ordre dans la maison. Dans quelles mesures pourrait-il exister un lien entre ces épisodes dans l’enfance et le passage à l’acte de Madame H ?

Madame H commence par évoquer la relation qu’elle entretenait avec sa mère par la négative : « Elle était pas méchante, elle me battait pas », puis évoque des soins techniques dénués d’affect : « Elle faisait son rôle de maman […] Elle veillait à ce qu’on prenne bien notre douche, qu’on soit propre, qu’on range notre chambre… Qu’on fasse nos devoirs aussi ». Et, à la question : « Est-ce que vous pensez que quand vous étiez enfant vous aviez le sentiment de pouvoir compter sur elle ? », Madame H répond : « Oui… Je pouvais compter sur elle… Mais [..]», laissant entrevoir son hésitation.

A l’âge adulte, Madame H évoque des visites quotidiennes de sa mère midi et soir, sans y associer d’affect. Au vu des violences conjugales que vivaient Madame H, nous pouvons nous demander dans quelles mesures les visites répétées de sa mère avaient une fonction protectrice ? Est-il possible qu’elle ait vu sa fille deux fois par jour sans percevoir qu’elle était victime de violences conjugales ? Si oui, existe-t-il un lien avec le fait qu’elle n’ait pas perçu que sa fille, enfant, avait subi un viol, malgré les changements manifestes : « Au niveau scolaire c’était l’échec… En CE1 et en CM1 j’ai redoublé » exprimés par Madame H ? Madame H apporte des éléments qui semblent démontrer le contraire : « Ma mère, je lui ai jamais dit mais maintenant je sais qu’elle devinait » dit-elle au sujet des violences conjugales. Cette proposition converge avec la position adoptée par la mère de Madame H au cours de l’épisode où les enfants avaient peint la voiture. En effet, la mère de Madame H participe à faire disparaître les enfants en les conduisant chez le père de Madame H. Ces éléments laissent entendre que la mère de Madame H savait que sa fille vivait des violences conjugales. Comment expliquer la position passive adoptée par la mère de Madame H ? Et, d’autre part, la mère de Madame H a-t-elle adopté la même attitude au sujet du viol subi par sa fille : savoir et ne pas intervenir ? Ainsi, dans quelles mesures la mère de Madame H peut-elle être considérée comme complice de ces violences subies ?

Indicateur 2 :

Les femmes auteurs de filicide représentent, dans le cadre du génosociogramme, une mésentente, voire des conflits avec leur mère.

Dans la réalisation du génosociogramme, Madame H ne projette ni mésentente, ni conflit avec sa mère.

Indicateur 3 :

Les femmes auteurs de filicide présentent des indices d’anxiété au Rorschach, notamment aux planches VII et IX (Clob, C’/C, référence au blanc, IA%, qualité de l’investissement objectal, caractère crû ou mal symbolisé des contenus projetés, degré de dévitalisation de ces contenus), sans possibilité de dégagement.

L’analyse du protocole de Madame H révèle : - Une absence de clob aux planches VII et IX - 4 C’/ 2 C : dont une réponse C à la planche IX

- Une référence au blanc à l’enquête concernant la planche VII, révélant des carences affectives

- Un coefficient d’angoisse existentielle de 24%

[(1 Anat + 0 Sex + 3 Sang (dont une pVII) + 0 Hd)/ 17] x 100 = 24% - L’investissement objectal est de qualité moyenne

- Les contenus projetés sont le plus souvent mal symbolisés

- Le protocole de Madame H révèle des processus de dévitalisation intra et inter- planche

Concernant les planches maternelles :

- La réponse apportée par Madame H à la planche VII correspond à la projection d’une relation en des termes négatifs. La réponse perçue dans sa globalité au moment de la passation devient perçue dans le détail et au regard d’une sensibilité au blanc au moment de l’enquête. A ce moment, apparaît une référence pouvant laisser transparaître l’intériorisation d’une imago maternelle phallique. Cette planche est choisie dans les moins aimées par Madame H.

- A la planche IX, Madame H est sensible à la couleur traduisant sans doute l’angoisse que Madame H exprime au moment de justifier le choix de cette planche comme planche maternelle : « Parce que y’a les roches qui ont fait souffrir quand elle est partie… ». Il s’agirait de l’expression d’une angoisse d’abandon.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, le protocole de Madame H révèle la présence d’anxiété. Concernant, les planches maternelles nous pouvons souligner la présence de carences affectives et d’angoisses de séparation, d’abandon. Alors que nous pouvions nous interroger sur l’intériorisation d’une image maternelle au sujet de son père nous pouvons, à l’inverse, nous demander dans quelles mesures sa mère fait figure d’image paternelle dans le psychisme de Madame H.

Indicateur 4 :

Les femmes auteurs de filicide projettent des interactions sur un mode destructeur aux planches 5, 7GF et 9GF du TAT, et utilisent des termes négatifs pour décrire le personnage renvoyant à la mère, sans possibilité de dégagement.

Madame H n’utilise pas de termes négatifs pour décrire les personnages renvoyant à la figure maternelle. Nous pouvons noter, à la planche 5, la mise en scène d’une figure maternelle que Madame H envoie « voir ailleurs », pouvant traduire l’expression d’une pulsion agressive symbolisée à son égard ou au moins une mise à distance de la figure maternelle. A la planche 7 GF, Madame H met en scène une relation mère-fille où la fille rompt la relation. Enfin, à la planche 9 GF, Madame H projette l’existence d’une menace externe que constituerait la « tempête qui arrive » et face à laquelle : « Faut qu’elles se mettent à l’abri pour pas être prises au piège ».

Pour conclure, bien que cela ne soit pas exprimé clairement, le discours de Madame H laisse transparaître l’image d’une mère menaçante et envahissante, ce qui permet de valider

notre hypothèse au vu du premier indicateur choisi. Ce discours conscient est complété par la

projection d’une relation à sa mère caractérisée par un sentiment d’abandon et de carences affectives. Ces éléments permettent là encore de valider l’hypothèse au vu du troisième

indicateur envisagé. Enfin, le quatrième indicateur ne permet pas de valider l’hypothèse mais

souligne la mise à distance entretenue par Madame H vis-à-vis de sa mère, révélant sans doute un besoin inconscient de se protéger de celle-ci. Le deuxième indicateur infirme l’hypothèse

posée. Il est donc difficile de conclure au sujet de cette hypothèse dans la mesure où tous

les indicateurs ne sont pas convergents. Il me semble intéressant de souligner combien cette situation clinique interroge la question de l’intergénérationnel et de la maternité : Madame H

exprime : « Les personnes qui ont vu (sa fille décédée), c’est Benoît, moi, ma maman et mes deux grands-mères ». Aussi, notons que bien qu’il y ait tentative de meurtre sur son fils, dans ce passage à l’acte, c’est la fille de Madame H qui est décédée. Il semble probable qu’un lien existe entre ce passage à l’acte et les questions de la féminité/maternité dans cette famille, sans pouvoir malgré tout en définir la nature.

II.4 - Quatrième hypothèse.