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Triméthylation de l’histone H3K27 et ses régulateurs

B) L’épigénétique et la méthylation de H3K27

2- Triméthylation de l’histone H3K27 et ses régulateurs

a. La marque H3K27

Les di- et tri-méthylations de la lysine 27 de l’histone 3 (H3K27me2 et H3K27me3) sont

effectuées par le complexe polycomb PRC2 (polycomb repressive complex 2) comprenant une sous-unité catalytique EZH2, ou son homologue fonctionnel EZH1 et des protéines accessoires EDD (embryonic ectoderm development), SUZ12 (suppressor of zeste 12 homolog) et RbAp48 (Chen and Zhu, 2016; Ezponda and Licht, 2014) (Figure 21). Cette modification épigénétique dans les régions promotrices des gènes est associée à la répression génique (Ezponda and Licht, 2014). De plus, les protéines du complexe PRC2 sont co-localisées avec H3K27me3 sur les

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promoteurs de 10-15% de tous les gènes (Conway et al., 2015) afin de réguler la différenciation,

l’identité cellulaire, la plasticité des cellules souches et la prolifération (Baugé et al., 2014).

Figure 21 : Régulation transcriptionnelle de la méthylation de H3K27.

La répression trasncriptionnelle est régulée par le complexe répressif PRC2 incluant la sous -unité catalytique EZH1 ou EZH2. Le complexe PRC2, comprenant les protéines EED, SUZ12, Rbp48

et EZH2, catalyse la di- et tri-méthylation de H3K27 (d’après Baugé et al., 2014).

L'élimination des groupements di- et tri-méthyl de H3K27 est effectuée par deux histone déméthylases contenant un domaine catalytique JmjC (jumonji) : UTX (ubiquitously transcribed tetratricopeptide repeat, X chromosome ou KMD6A) et JMJD3 (jumonji

domain-containing protein3 ou KDM6B) (Figure 22). Ces protéines sont impliquées dans l’activité

transcriptionnelle, la différenciation des cellules souches embryonnaires et le contrôle de la

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Figure 22 : Les histone déméthylases UTX et JMJD3 régulent l’activité transcriptionnelle.

UTX et JMJD3 interagissent avec les protéines MLL, RbBP5 et WDR5. L’élimination des groupements méthyl de H3K27me3 conduit à une chromatine transcriptionnellement active (d’après Yoo and Hennighausen, 2012).

La méthyltransférase EZH2

La protéine EZH2, sous-unité catalytique du complexe PRC2, comporte un domaine SET c-terminal présentant une fonction méthyltransférase sur les lysines des histones (Tan et al.,

2014). Son activité n’est possible qu’après interaction avec les autres protéines du complexe

PRC2 : EDD, SUZ12 et RbAp48 (Baugé et al., 2014; Ezponda and Licht, 2014). EZH2 est

exprimé dans les cellules souches embryonnaires et est essentiel pour l’induction de la

pluripotence. De plus, il régule l’expression de gènes tissus-spécifiques impliqués dans la

différenciation cellulaire. EZH2 est également impliqué dans la différenciation des cellules souches embryonnaires et adultes vers plusieurs types cellulaires (adipogenèse, ostéogenèse,

neurogenèse…). Enfin, il joue un rôle dans le système immunitaire lors du développement des

lymphocytes T et B (Baugé et al., 2014).

L’activation d’EZH2, par surexpression ou par mutation, est impliquée dans le processus de

tumorigenèse. En effet, EZH2 est surexprimé dans de nombreux types de cancer tels que le cancer de la prostate, du sein ou de la vessie (Tan et al., 2014; Crea et al., 2012). Son expression est associée à un mauvais pronostic, à la formation de métastases, à la chimiorésistance et à

l’agressivité de la tumeur.

En 2010, le séquençage du génome des cancers a permis l’identification de mutations

hétérozygotes dans le domaine SET d’EZH2, au niveau de la tyrosine 641 (Y641N, F, S ou H),

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retrouvées dans 7% des lymphomes folliculaires et dans 22% des lymphomes diffus à grandes cellules B (GCB-DLBCL) et facilitent la conversion de la forme diméthylée vers la forme triméthylée de H3K27 (Ezponda and Licht, 2014; Tan et al., 2014; Majer et al., 2012; McCabe et al., 2012a).

EZH2 est un régulateur de la voie pRB/E2F qui contrôle le cycle cellulaire des cellules normales

et tumorales. En effet, EZH2 réprime l’expression de p16, p19 et p15, activant le complexe

cycline D/CDK4 ou 6 et favorisant ainsi la prolifération cellulaire (Baugé et al., 2014). De plus,

la diminution de l’expression d’E-cadhérine par EZH2 en triméthylant H3K27 est corrélée à la

progression tumorale, l’invasion et au stade avancé de la tumeur dans les cancers de la prostate,

gastrique et du sein. EZH2 réprime le facteur de transcription FOXC1 (forkhead box

transcription factor C1) induisant l’invasion des cellules cancéreuses du sein (Tan et al., 2014).

Ainsi, la surexpression d’EZH2 induit une augmentation de la prolifération des cellules

cancéreuses, la transition épithélio-mésenchymateuse, les métastases et la progression tumorale (Figure 23).

Bien qu’il ait un rôle dans la répression transcriptionnel, EZH2 peut également agir sur l’activation de gènes cibles de façon indépendante de son activité histone méthyltransférase

(Tan et al., 2014). En effet, dans les cancers du sein, il a été montré qu’EZH2 peut interagir

avec les récepteurs α- et β-caténines afin d’activer des gènes intervenant dans la voie de

signalisation Wnt et favoriser la prolifération des cellules tumorales (Shi et al., 2007). Une autre

étude a montré qu’EZH2 active l’expression de gènes cibles de NFB par interaction avec le

complexe RelA/RelB (Lee et al., 2011).

Figure 23 : EZH2 et processus tumoral.

La surexpression d’EZH2 est corrélée à la prolifération cellulaire, à la transition

épithélio-mésenchymateuse (TEM), à la migration et l’invasion cellulaire et à la chimiorésistance (E-cad :

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L'expression d'EZH2 est également contrôlée par l’hypoxie. En effet, en condition hypoxique,

l'expression d'EZH2 augmente et favorise ainsi la prolifération de cellules initiatrices de tumeur

mammaire. De plus, il a été mis en évidence que le VEGF augmente les niveaux d’expression

d’EZH2 dans les tumeurs vascularisées. EZH2, à son tour, contribue à l'angiogenèse tumorale

en inactivant le facteur anti-angiogénique, VASH1, par méthylation (Lu et al., 2010).

Enfin, EZH2 peut être associé aux phénomènes de chimiorésistance dans des cancers. En effet,

la diminution d’EZH2 induit une diminution de la résistance au cisplatine dans des xénogreffes

tumorales ovariennes (Hu et al., 2010).

Les déméthylases JMJD3 et UTX

Les déméthylases de H3K27me3, JMJD3 et UTX, ont été découvertes récemment (2007) et ont 84% de similarité de séquence dans le domaine JmjC. La déméthylase UTX échappe à

l’inactivation du chromosome X et est exprimé de façon ubiquitaire alors que JMJD3 s’exprime

lors d’une inflammation et des stimuli viraux et oncogéniques.

UTX est composé de 1401 acides aminés et contient, en plus du domaine catalytique de JmjC, 6 domaines de répétition tétratricopéptidique (TPR) pour interagir avec des protéines. JMJD3 se compose de 1679 acides aminés, mais ne contient que le domaine JmjC.

Les deux déméthylases régulent les gènes homéotiques HOX (Pedersen and Helin, 2010). De

plus, des études in vitro et in vivo ont montré que JMJD3 et UTX sont essentiels pour le

développement et la différenciation. JMJD3 contrôle H3K27me3 dans la trans-différenciation des macrophages en réponse à des stimulis inflammatoires. JMJD3 contribue à la différenciation cellulaire en activant des gènes impliqués dans la différenciation neuronale et épidermique et dans la cicatrisation. UTX favorise la myogenèse par activation des gènes

myogenin et creatine kinase.

JMJD3 et UTX ont des rôles opposés dans la reprogrammation des cellules somatiques et pluripotentes induites. UTX murin favorise la reprogrammation des cellules somatiques par interaction avec les facteurs de transcription Oct4 et Nanog. JMJD3 quant à lui, inhibe la

reprogrammation en régulant le locus Ink/Arf (Cdkn2a) et par ubiquitination de PHF20 via le

recrutement de l'ubiquitine ligase Trim26.

Ces deux histone déméthylases peuvent également avoir un rôle dans certaines tumeurs malignes. UTX est un suppresseur de tumeur et a été initialement caractérisé comme un

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répresseur de tumeurs induites par Notch et le rétinoblastome (RB) chez la drosophile et dans les cellules humaines (Lim et al., 2010; Pedersen and Helin, 2010) (Tableau V). UTX est muté dans un certain nombre de cancers dont la leucémie aiguë lymphoblastique (ALL), la leucémie myélomonocytaire chronique (CMML), l'adénocarcinome colorectal, le carcinome des cellules rénales, le myélome multiple et le cancer de la vessie (Arcipowski et al., 2016; Pedersen and

Helin, 2010). Les mutations somatiques « perte de fonction » d’UTX augmentent la

prolifération des cellules tumorales in vitro ainsi que la migration cellulaire et la croissance

tumorale in vivo (Ezponda and Licht, 2014; Mar et al., 2012; Jankowska et al., 2011; Pedersen

and Helin, 2010).

JMJD3 est un suppresseur de tumeur qui se lie et active le locus INK4A-ARF dans les fibroblastes diploïdes humains (Arcipowski et al., 2016; Lim et al., 2010; Pedersen and Helin, 2010) (Tableau V). Lorsque les cellules sont exposées au stress oncogénique, le locus devient déméthylé et actif, entraînant un arrêt du cycle cellulaire et la sénescence. L'expression de JMJD3 est réduite dans les cancers, tels que les carcinomes pulmonaires, hépatiques et les

tumeurs malignes hématologiques. Le gène JMJD3 est situé sur le chromosome 17 à proximité

immédiate du suppresseur de tumeur TP53, et les délétions ciblant les deux gènes se retrouvent généralement chez les cancers humains (Arcipowski et al., 2016; Lim et al., 2010; Pedersen and Helin, 2010).

Tableau V: Rôle des histone déméthylases UTX et JMJD3 dans les cancers (adapté de Lim et al.,

2010).

Activité enzymatique

Rôle

transcriptionnel Mécanisme d’action Rôle dans le cancer

UTX/KDM6A H3K27me2/3 Activation

Activation transcriptionnelle des protéines de liaison pRB contribuant à l'arrêt du cycle cellulaire Suppresseur de tumeur Diminution de la

régulation d’UTX dans

les cancers par mutations somatiques inactivatrices JMJD3/KDM6B H3K27me2/3 Activation Activation transcriptionnelle de la région INK4A/ARF induisant la sénescence Suppresseur de tumeur Fréquemment délété dans les cancers

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