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B) Traitements conventionnels

2- La chimiothérapie

La chimiothérapie est une méthode thérapeutique utilisée essentiellement contre le cancer et

fait appel à l’emploi de substances chimiques. Cette thérapie générale vise à détruire les cellules

cancéreuses ou à les empêcher de se multiplier. Généralement, une combinaison d’agents

chimiothérapeutiques est utilisée pour agir sur des cibles cellulaires différentes. Ces agents

anticancéreux peuvent être classés en fonction de leur mode d’action : les agents alkylants, tels

que le cisplatine, le melphalan et le cyclophosphamide, forment des liaisons covalentes avec

les nucléotides d’ADN et inhibent ainsi la réplication. Les agents anti-métabolites (5-FU,

gemcitabine, fludarabine…) bloquent une ou plusieurs voies de synthèse de l’ADN. Les

antibiotiques cytotoxiques (paclitaxel, docétaxel, vincristine…) inhibent la division cellulaire

en s’intercalant à l’ADN ou en générant des ROS. Et les inhibiteurs de topoisomérases, tels que

le topotécane ou la doxorubicine, perturbent la structure, la réplication et la transcription de

l’ADN. Dans ce travail, nous nous intéressons plus particulièrement à l’agent alkylant

cisplatine.

Le cisplatine, également appelé cis-diamminedichloroplatinum (II), est une petite molécule

dérivée de platine appartenant à une classe d’agents néoplasiques et a été décrit pour la première

fois en 1845 par le chimiste italien Michele Peyrone. Rosenberg, 120 ans plus tard, a démontré

le rôle antiprolifératif du cisplatine dans des cultures d’Escherichia Coli et par la suite dans des

xénogreffes de tumeurs solides et hématopoïétiques (Galluzzi et al., 2014; Shen et al., 2012).

Depuis la fin des années 1970, le cisplatine est l’un des plus puissants agents anti-tumoraux

connus et il est couramment employé en clinique contre de nombreux cancers (testicule, ovaire,

poumon, colon…). Il peut être utilisé comme thérapie adjuvente à la chirurgie, à l’irradiation ou à d’autres agents chimiothérapeutiques.

Mode d’action du cisplatine

Deux mécanismes sont responsables de l’entrée du cisplatine à l’intérieur du compartiment

cytoplasmique de la cellule. Le cisplatine diffuse passivement à travers la membrane plasmique mais, la majorité entre activement dans les cellules par des transporteurs de cuivre dont le principal est CTR1 (copper transporter 1). Cependant, le cisplatine est également expulsé à

l’extérieur de la cellule par d’autres transporteurs de cuivre tels qu’ATP7B (ATPase, Cu++

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de la membrane plasmique tels que MRP2 (multidrug resistance-associated protein 2) et ATP11B (ATPase, class VI, type 11B) (Galluzzi et al., 2014).

Le cisplatine est synthétisé sous forme inerte, cependant lorsqu’il pénètre dans la cellule, un ou

ses deux groupements cis-chloro est remplacé par une molécule d’eau et il devient alors très

électrophile. Cette hydratation se produit spontanément dans le cytoplasme du fait de la faible

concentration d’ion chlorure dans le cytoplasme par rapport au compartiment extracellulaire

(Galluzzi et al., 2014). Le cisplatine hydraté se lie avec une forte affinité à l’ADN mitochondrial

et nucléaire, et plus particulièrement sur les purines au niveau des sites N7 nucléophiles,

favorisant ainsi la génération de complexes ADN –ADN hétérotypiques et des adduits à l’ADN

tels que des réticulations intra-brins guanine-guanine ou adénine-guanine et des réticulations inter-brins (Roos and Kaina, 2013; Siddik, 2003) (Figure 7).

Si la quantité de lésions d’ADN est limitée, celles-ci peuvent être reconnues et éliminées par

plusieurs systèmes de réparation. En effet, le cisplatine induit la phosphorylation des kinases

AKT et ATM permettant un arrêt transitoire du cycle cellulaire en phase S et l’activation des

voies de réparation telles que la réparation par excision de nucléotides (NER), la réparation des bases mésappariées (MMR) et la recombinaison homologue (HR).

Figure 7 : Dommages à l’ADN induits par le cisplatine.

Le cisplatine induit différents types d’adduit à l’ADN pouvant avoir des conséquences différentes

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Cependant, si les lésions provoquées par le cisplatine sont irréparables, la cellule meurt majoritairement par apoptose en initiant la voie intrinsèque (mitochondriale) et/ou la voie

extrinsèque (récepteurs de mort). Néanmoins, des mécanismes additionnels à l’apoptose ont été

rapportés : la sénescence a été mis en évidence dans des hépatomes humains (Qu et al., 2013),

la nécrose dans des cellules de carcinome épidermoïde (Xu et al., 2014) et l’autophagie dans

des lignées cancéreuses de poumon (Cho et al., 2014).

Mécanisme de résistance au cisplatine

L’objectif principal de la chimiothérapie anticancéreuse est d’induire la mort des cellules

tumorales. Bien que le cisplatine soit un puissant inducteur de l’apoptose, une résistance peut

être acquise à cause d’une exposition chronique au cisplatine ou se présenter comme un

phénomène intrinsèque. Les mécanismes de résistance résultent de changements intracellulaires

qui empêchent le cisplatine d’interagir avec l’ADN et qui empêchent les signaux d’endommagement de l’ADN d’activer l’apoptose. En général, la résistance est multifactorielle,

c’est-à-dire que plusieurs mécanismes se rencontrent simultanément au sein d’une même cellule

tumorale.

Figure 8 : Mécanisme moléculaire de résistance au cisplatine.

Cette résistance peut être causée par des mécanismes qui altérent les transporteurs du cisplatine (CDDP) en augmentant son efflux (MRP2 et ATP7B) et en diminuant de son afflux (CTR1) (effet pre-target). Elle est également augmentée par la présence de systèmes de réparation efficaces (effet on-target). La résistance au cisplatine peut être due à une déficience des systèmes

d’activation ou d’exécution de la mort cellulaire (effet post-target). Enfin, la délivrance des

signaux de survie peut compenser la cytotoxicité du cisplatine (effet off-target). (adapté de Galluzzi et al., 2014).

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L’effet pre-target : La résistance des cellules au cisplatine peut être causée par des altérations

réduisant la quantité de cisplatine dans le cytoplasme. Deux mécanismes sont impliqués : une

réduction de l’accumulation du cisplatine intracellulaire et une augmentation de la séquestration

du cisplatine par les glutathions et les métallothionines (Figure 8). En effet, des altérations du

niveau d’expression, de la localisation et/ou de la fonctionnalité subcellulaire des transporteurs

CTR1 et ATP7B ont été associées à la résistance au cisplatine dans des modèles pré-cliniques

et des patients atteints d’un cancer (Galluzzi et al., 2014). De plus, le transporteur MRP2,

responsable de l’efflux du cisplatine, est également impliqué dans la résistance au cisplatine.

Ce transporteur est surexprimé dans les cellules résistantes au cisplatine (Siddik, 2003).

L’effet on-target : La sensibilité des cellules cancéreuses aux effets cytotoxiques du cisplatine

est limitée par la présence de systèmes efficaces de réparation de l’ADN (Figure 8). Sachant

que les voies NER et MMR sont principalement utilisées pour réparer les lésions de l’ADN, la résistance au cisplatine est corrélée à une augmentation d’efficacité de ces voies. Au sein du

complexe NER, la résistance au cisplatine est associée une augmentation de l’expression

d’ERCC1 (excision repair crosscomplementing 1) (Siddik, 2003). Au sein de la voie de

réparation MMR, les gènes MSH2 (mutS homolog 2) et MLH1 (mutL homolog 1) sont

fréquemment mutés ou dérégulés dans un contexte de résistance au cisplatine (Galluzzi et al., 2014).

L’effet post-target : La résistance au cisplatine peut aussi résulter d’une altération des systèmes

permettant l’activation et l’exécution des signaux de mort cellulaire (Figure 8). En effet, une

corrélation entre le statut du gène p53 et la réponse au cisplatine a été mise en évidence dans

les cancers considérés comme sensibles au cisplatine ; les tumeurs germinales testiculaires,

dans lesquelles le statut de p53 est sauvage, sont relativement sensibles au cisplatine alors que

les tumeurs dont p53 est muté tels que les cancers de la vessie, de l’ovaire ou de la tête et du

cou ont un taux de réponse beaucoup plus faible (Siddik, 2003). De plus, des protéines anti-apoptotiques telles que la survivine et XIAP interviennent dans la résistance au cisplatine. Elles

influencent directement ou indirectement l’activité des caspases 3,8 et 9 en diminuant leur

activité dans les cellules résistantes. Enfin, la surexpression des protéines anti-apoptotiques de la famille Bcl-2 est corrélée à la résistance au cisplatine (Galluzzi et al., 2014).

L’effet off-target : La résistance au cisplatine peut également résulter d’altérations de voies de

signalisation indirectement induites par le cisplatine (Galluzzi et al., 2014) (Figure 8). Par

exemple, la surexpression d’ERBB2 (v-erb-b2 avian erythroblastic leukemia viral oncogene