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Les travaux de Zintchenko et de Smirnov, la mémoire et l’activité

1- LA CONSCIENCE DE LA SITUATION

2.2 L A M EMOIRE O PERATIONNELLE

2.2.1 Les travaux de Zintchenko et de Smirnov, la mémoire et l’activité

Le titre de l’article de Smirnov (1966) la mémoire et l’activité reflète très bien l’une des préoccupations des recherches soviétiques en psychologie, des années 1940-70, orientées

vers l’analyse du travail des opérateurs dans l’industrie. Dans cet article, comme le rappelle Zintchenko (1966, p7), Smirnov expose ses expérimentations et ses conclusions sur la

dépendance de la mémoire à l’égard de l’activité de l’homme. Ces études partent du postulat

de base de cette branche de la psychologie soviétique pour laquelle l’action et la connaissance sont étroitement liées. L’homme prend connaissance du monde qui l’entoure en agissant sur

lui, en le transformant (Smirnov, 1966, p47). Par ailleurs, d’après des expérimentations

menées par Zintchenko (1939; 1945), Smirnov insiste sur la subordination de la

mémorisation spontanée à l’objectif et au caractère de l’activité pendant laquelle elle se réalise, à la place qu’elle occupe dans la structure de cette activité et à la fonction qu’elle remplit, en particulier selon qu’elle est le but de l’action ou seulement un moyen de la réaliser (p52). Petit à petit les questions de ces chercheurs ont glissé de l’acquisition des

connaissances au cours de l’activité à la dépendance de la mémoire et de l’activité. C’est alors que Zintchenko (1966, p7) pose clairement le concept de mémoire opérationnelle dont la

fonction consiste justement à servir les besoins concrets de l’activité. Auparavant, le terme de

mémoire opérationnelle était utilisé en cybernétique afin de le distinguer de la mémoire permanente. Par la suite, Zintchenko a estimé que ces deux termes, mémoire permanente et mémoire opérationnelle, étaient valables dans le domaine de la psychologie humaine. Par conséquent, Zintchenko (1966) les distingue très clairement. Tout d’abord, il conçoit la mémoire permanente en tant que l’accumulation de l’expérience, la conservation de celle-ci et son emploi dans des activités ultérieures. Mais, il souligne que lors de n’importe quelle

activité on éprouve le besoin, non seulement de mettre à profit l’expérience acquise, mais de garder le souvenir de telles ou telles données de départ, de telles ou telles conditions de la tâche (dans le sens large du terme), à réaliser, de tels ou tels résultats intermédiaires ainsi que de l’ordre de succession des opérations à effectuer, etc… (1966 p9). Ainsi, il souligne la

nécessité de mémoriser temporairement un certain nombre d’informations utiles uniquement durant l’accomplissement de l’activité en cours. De plus, Zintchenko insiste également sur la nécessité pour l’opérateur d’oublier en temps voulu les renseignements dont il n’a plus besoin pour son activité. C’est pourquoi, cette mémoire ne peut selon lui se limiter à l’accumulation et à l’utilisation de l’expérience. Zintchenko cite comme exemple la recopie d’un texte.

Recopier un texte en se rappelant du « passage » que l’on lit tandis qu’on le couche sur le papier tout en fixant dans la mémoire le groupe de mots suivants, alors que le souvenir de ce qu’on a écrit reste encore indispensable un certain temps à la compréhension du sens (1966

En outre, Zintchenko distingue également la mémoire opérationnelle de la mémoire immédiate. Il définit la mémoire immédiate comme l’aptitude psycho-physiologique de

l’homme à garder le souvenir, à retenir sur le coup un matériel à peine assimilé (1966 p10).

En revanche la mémoire opérationnelle n’est concevable que strictement subordonnée aux

buts d’une activité donnée, que liée au contenu même de cette activité (1966 p10). De ce fait,

l’auteur précise que si ces deux mémoires sont transitoires, la brièveté de la mémoire opérationnelle est relative à l’activité qu’elle sert. Certes, la mémoire opérationnelle est brève par rapport à la mémoire permanente mais elle peut donc être longue par rapport à la mémoire immédiate. De ce fait, pour Zintchenko la mémoire opérationnelle accomplit une fonction spécifique, et possède un contenu particulier.

Au cours d’expérimentations Zintchenko chercha à élucider les particularités de la mémoire opérationnelle. Il a ainsi mis en évidence que la diminution des capacités de la mémoire opérationnelle lorsque la complexité de la tâche augmente. De plus, ses résultats ont également permis de constater des différences individuelles dans l’exécution de tâches mettant en œuvre la mémoire opérationnelle. Par exemple, il met en évidence que les procédés d’intégration des informations en mémoire opérationnelle sont très variables d’un sujet à l’autre. En effet, les sujets qui assemblent les informations en unités de mémoire ou

unités opérationnelles (ie : chunking) sont plus performants que ceux qui n’y parviennent pas.

Lors d’une expérimentation auprès d’écoliers, en situation de recopie de texte, Zintchenko met en évidence que les unités de la mémoire opérationnelle des élèves peuvent appartenir à trois niveaux différents. Les unités du niveau inférieur se limitent aux lettres et aux syllabes, celles du niveau intermédiaire comprennent des mots, et enfin les unités opérationnelles du niveau supérieur absorbent des groupes de mots et des propositions. Par ailleurs, il analyse que les niveaux inférieurs et moyens n’assurent que très faiblement la justesse orthographique et sémantique du texte retranscrit. En mettant en place des séances d’entraînement pour les écoliers les plus en difficulté, Zintchenko mit en évidence que le passage à des unités opérationnelles du stage supérieur permettait de diminuer le nombre d’erreurs et d’augmenter la vitesse de copie. Graduellement, l’automatisation des opérations suscitait ainsi la

modification des procédés de la mémorisation opérationnelle, la formation d’unités de la mémoire d’un niveau plus élevé (p17). De ce fait, pour Zintchenko, la formation de ces unités

opérationnelles de niveau supérieur, d’une part, assure de meilleurs résultats et, d’autre part, est étroitement liée à l’expérience des sujets.