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Quelle est la nature de l’information dans les représentations mentales ?

1- LA CONSCIENCE DE LA SITUATION

2.3 R EPRESENTATION M ENTALE ET C ONSCIENCE DE LA S ITUATION

2.3.1 Quelle est la nature de l’information dans les représentations mentales ?

Un grand débat porte sur la nature du contenu des représentations mentales. Est-il verbal ou imagé ? En d’autres termes, l’information traitée par le sujet, est-elle codée de manière imagée ou de manière verbale ? Intuitivement, pour tout un chacun, l’idée que nous nous représentions le monde en image n’est pas irrecevable. Cependant, nous allons voir que le statut cognitif de l’image n’a pas été facilement admis par la communauté scientifique.

2.3.1.1 Fondements du débat

C’est le behaviorisme fut à l’origine du déclin de l’importance du concept d’image dans la psychologie scientifique. La raison de ce rejet était l’absence de preuve expérimentale. En effet, les images mentales n’étaient accessibles que par l’introspection qui n’était pas reconnue comme une méthode expérimentale. En revanche, le matériel recueilli par les expérimentateurs étant le plus souvent verbal, c’est donc cette forme de codage qui a été mis au premier rang. A partir des années 60, le développement de la psychologie cognitive redonne une place à l’image dans l’activité cognitive. Les travaux de Piaget et Inhelder (1963; 1966) ont alors marqué un tournant dans le statut accordé à l’imagerie mentale. Denis (1979, p34) souligne les deux points fondamentaux de ces travaux. L’image mentale n’est plus

conçue comme un simple prolongement de l’activité perceptive ou comme une forme résiduelle de la sensation, mais comme le produit d’une activité symbolique. De plus, le

caractère actif et constructif des processus d’imagerie est reconnu. L’image mentale est une

construction active opérée par l’individu. L’image mentale prend alors une fonction

symbolique comme le langage. Dès lors, ces formes de codes de l’information en mémoire de travail ont été défendues et comparées. Une solution a été apportée par Paivio (1986) qui s’inscrit dans la théorie du double codage. Pour cet auteur, les deux modes de représentations co-existent : un système de représentations imagées et un système de représentation verbale. La mise en œuvre des représentations imagées sera d’autant plus probable que le sujet traitera des informations concrètes. Cette forme de codage fait référence à des expériences perceptives passées. En revanche, le système de représentation verbale, qui fait référence au langage, sera plus utilisé dans des situations abstraites. La théorie du double codage postule

que les textes et les images sont traités et stockés séparément, mais qu’il existe des inter- relations entre le codage verbal et le codage imagé. En outre, un mot qui est abstrait (eg : liberté, justice) sera codé de manière verbale, alors qu’un mot concret (eg : oiseau, voiture) sera codé de manière visuelle. En d’autres termes, lorsque le matériel est imageable, des images mentales peuvent facilement être construites par les sujets. Afin d’asseoir le statut cognitif de l’image, de nombreuses recherches ont cherché à étudier de plus près les processus d’imagerie pour les comparés au processus de perception visuelle.

2.3.1.1 Exemple d’études de l’imagerie mentale

Le statut cognitif de l’imagerie mentale retrouvé, des recherches ont alors visé à comparer l’imagerie visuelle et la perception visuelle, les deux thèmes les plus connus sont la rotation mentale et le balayage d’image mentale.

Shepard et Metzler (1971) ont étudié la rotation mentale. Des paires de stimuli étaient présentés aux sujets qui devaient dire si les deux figures étaient identiques ou non (figure 10). Pour comparer ces deux figures, il est indispensable d’en faire tourner une mentalement. Pour les auteurs, ce processus est de nature analogue à une rotation d’objets dans la réalité.

Par ailleurs, Kosslyn et al (1978) ont réalisé des expérimentations sur le balayage d’images mentales. Ces auteurs présentaient à leur sujet la carte géographique d’une île fictive (figure 11). Après avoir demandé au sujet de bien mémoriser les objets représentés sur la carte (eg : lac, hutte, arbre) ainsi que leurs localisations, l’expérimentateur retirait la carte. Il était alors demandé au sujet de se représenter mentalement la

carte et de regarder mentalement l’un des éléments figurant sur la carte (eg : hutte). Puis, on leur indiquait un second objet (eg : arbre). Le sujet devait alors vérifier que ce second objet était présent sur la carte en imaginant un point qui se déplaçait en ligne droite du premier objet (eg : hutte) au second (eg : arbre). Lorsque le sujet avait, mentalement, atteint le second objet, il devait appuyer sur un bouton. De cette manière, Kosslyn

Figure 10 : Exemple de paire de stimuli utilisés par Shepard et

Metzler 1971

Figure 11: Carte de l'île (Kosslyn et al 1978)

et al mesurent le temps nécessaire au déplacement mental. Les résultats de cette expérimentation ont mis en évidence qu’à mesure que la distance réelle (ie : sur la carte) entre les objets augmentent le temps de réponse des sujets augmente. Cette étude a permis de mettre en évidence que les sujets ont pu construire une représentation mentale de la carte qui a conservé les caractéristiques spatiales de cette dernière.

D’autres opérations sur les images mentales ont été étudié : la comparaison d’images mentales (Paivio, 1978) ou encore des tâches de pliage (Shepard & Feng, 1972). Toutes ont suggéré que nous disposons de capacités à former et traiter des représentations analogues aux stimuli qu’elles représentent. L’image est une forme de représentation qui résulte d’une

abstraction, sans toutefois que le degré atteint par cette abstraction fasse perdre à la représentation son isomorphisme structural à l’égard de la perception (Denis, 1989, p9). En

outre, pour Kosslyn (1980), les processus impliqués dans la perception visuelle et dans l’imagerie mentale sont les mêmes. Si tous les auteurs ne s’accordent pas sur cette identité, il est cependant indéniable que ces processus entretiennent une étroite parenté (Denis, 1989). Toutefois, Pylyshyn (1973) reproche de ne postuler que des modes de représentations imagés ou visuels, c’est-à-dire uniquement des représentations analogiques.

2.3.1.3 Une nouvelle controverse sur l’image mentale ?

Pour Pylyshyn, il est indispensable d’envisager un mode de représentation abstrait, inaccessible à la conscience du sujet. Pour l’auteur, ces représentations sont amodales, de nature conceptuelle et propositionnelle. Elles ne ressemblent pas à l’objet qu’elles représentent : leur structure n’est pas analogue à la structure de l’objet réel. De ce point de vue, d’une part, toutes les informations sont stockées d’une seule et même manière : les propositions, et d’autre part l’imagerie mentale n’est qu’un épiphénomène des propositions. Cette vision n’est pas incompatible avec le point de vue de Kosslyn (Fortin & Rousseau, 1993). En effet, pour Kosslyn, l’élaboration d’images mentales met en jeu deux structures mnésiques. Premièrement, une mémoire sémantique qui renvoie à la signification des objets et des événéments, cette mémoire contient des représentations propositionnelles. Et deuxièmement, une mémoire à court terme visuelle (ie : buffer). Le modèle de Kosslyn est computationnel. Le buffer serait une sorte d’écran permettant d’afficher l’image à partir de la représentation propositionnelle contenue en mémoire. Ainsi, selon ce modèle, il nous semble

que la nouvelle controverse introduite par Pylyshyn ne toucherait pas directement aux représentations mentales. En effet, selon nous, les propositions abstraites que défend Pylyshyn renvoient aux connaissances permanentes stockées en mémoire à long terme et non aux représentations mentales élaborées en mémoire opérationnelle. En ce qui concerne le débat autour de l’existence des images mentales nous suivons, le spécialiste français de la question, Michel Denis (1979) et pensons que le débat n’est toujours pas clos !

Cependant le point de vue de Pylyshyn introduit l’idée de représentations mentales à différents niveaux d’abstraction, ce qui nous semble intéressant. En effet, nous pouvons la rapprocher de l’idée selon laquelle les informations peuvent être traitées à un niveau symbolique (ie : conscients, à base de règles) ou un à niveau sub-symbolique (ie : automatisés et inconscients). L’articulation de ces deux niveaux renvoie également à la conception de contrôle cognitif définit par Hoc et Amalberti (1994). Cependant, les activités humaines étudiées ne sont plus comparables avec les tâches de laboratoire que nous venons de présenter. En effet, le champ d’investigation de Hoc et Amalberti (eg : contrôle de haut fourneau, pilotes d’avion, contrôleurs aériens) s’apparente plus à celui d’Ochanine qu’à celui de Paivio ou Kosslyn. En effet, le débat sur la nature du contenu des représentations mentales fait un peu perdre de vue l’aspect fonctionnelle de ces constructions cognitives. Le concept de représentation pour l’action permet de resituer le champ d’investigation des représentations mentales dans l’activité du sujet.