• Aucun résultat trouvé

Des travaux occidentaux sur la question des pratiques médiatiques

L’étude des pratiques médiatiques des communautés indigènes consiste à appréhender l’usage des dispositifs techniques de communication. La relation que des usagers entretiennent avec des artefacts peut être analysée suivant diverses perspectives théoriques. Les usagers, la technique, les communautés d’usagers, les perspectives sociopolitiques de l’usage, sont autant de points qu’il est nécessaire d’aborder et de comprendre afin de pouvoir appréhender la notion de communication communautaire. Ainsi, il me faut revenir aux fondements des caractéristiques de la relation médiatisée. Pour ce faire, dans un premier temps, je commencerai ce chapitre en rappelant que contrairement à ce que les paradigmes historiques déterministes postulaient, la relation homme-technique n’est pas hiérarchisée, mais qu’elle évolue dans le cadre d’une co-construction. Il sera ainsi question des usages sociaux des artefacts communicationnels en prenant en compte sa dimension technique. Je me focaliserai ensuite sur la notion de communauté telle qu’entendue dans les différentes approches théoriques en SIC, afin d’acquérir les clés qui permettront d’appréhender les pratiques médiatiques collectives. Enfin, je m’attacherai aux perspectives qui soulignent l’importance de la notion de pouvoir dans le processus d’appropriation de dispositifs communicationnels.

Médias et usagers. Une relation dialectique 1.1.

Je poserai ici les bases théoriques qui se sont intéressées à l’analyse des pratiques médiatiques. Ces dernières supposent la rencontre entre des agents humains et non humains. En partant des approches déterministes, je montrerai que cette relation ne peut être envisagée que dans le cadre d’une double médiation non hiérarchique. Il paraît aujourd’hui évident pour les chercheurs en Sciences de l’information et de la communication, que les approches déterministes ne sont plus mobilisables pour appréhender les pratiques médiatiques. Pourtant, nombres de travaux tombent encore dans cet écueil. En effet, il demeure une tendance à considérer que les changements proviennent de l’impact inéluctable de la technologie sur la société, ou l’inverse. D’ailleurs, cela est d’autant plus vrai lorsqu’il s’agit d’analyses portant sur les pratiques de communautés indigènes. Ainsi, il me semble important de commencer par ce point pour palier à des présupposés tacites. Dans un deuxième temps, à partir des apports

27 français de la sociologie des usages des TIC, je donnerai toute sa place à l’acteur, à l’usager dans sa relation à la technique. L’autonomie, le bricolage, les objectifs au travers de l’usage, seront ainsi autant d’éléments pris en compte. Ces approches seront, par la suite, complétées par les travaux s’intéressant au statut de la technique dans cette relation homme/objet communicationnel.

1.1.1. Des paradigmes historiques déterministes

Compte tenu du décalage existant entre l’ancrage socioculturel traditionnel des communautés indigènes et l’hyper-modernité que représentent les dispositifs techniques de communication, il serait aisé d’entrevoir une confrontation entre deux réalités opposées. En effet, le risque est d’engager de manière inconsciente les présupposés véhiculés par ces termes. Ainsi, il n’est pas rare de rencontrer, encore actuellement, des travaux considérer cette relation comme un choc des civilisations ou des cultures, et par conséquent de tomber dans une approche déterministe des pratiques médiatiques des communautés indigènes. Il semble donc nécessaire de revenir maintenant sur ces perspectives afin d’en critiquer les fondements.

Le déterminisme technique représente le premier piège dans la mesure où il est très répandu dans les discours médiatiques ainsi que dans les premières études d’usage, mais également dans certains travaux scientifiques actuels. Ce paradigme, dont Marshall McLuhan (voir Tremblay, 2007) et Jacques Ellul sont les représentants, considère que les changements socio-historiques résultent d’impacts exercés par les objets techniques sur les individus, la société ou la culture (voir Breton et Proulx, 2006). Autrement dit, les techniques auraient le pouvoir de transformer radicalement la société – les communautés indigènes dans ce cas précis. Les tenants de l’approche déterministe technique se divisent en deux catégories : les optimistes et les pessimistes. Les premiers considèrent que les TIC, en tant qu’espace sans distance physique, permettraient de résoudre les contraintes de temps et d’espace, de gommer les inégalités territoriales, et de solutionner les problèmes économiques, politiques, ou encore socioculturels. Face à eux, les pessimistes redoutent les problèmes socioculturels que peuvent engendrés l’usage des TIC : augmentation de la communication narcissique, enfermement des individus dans leur sphère privée, dépendance existentielle aux moyens de communication, perte des valeurs culturelles, etc. Madeleine Akrich schématise cette posture « technologiste » à partir d’une métaphore balistique qui suppose :

28 « l’existence séparée d’un projectile, la technologie, et d’un milieu, la société ; la trajectoire du projectile résulte du jeu combiné de l’énergie du mobile et la résistance du milieu dans lequel il est propulsé : il peut être rapidement arrêté par la présence d’obstacles de grande inertie, comme la résistance au changement, les forces sociales etc., ou bien poursuivre très loin sa route en bousculant ce qui se trouve sur son passage, et créant ainsi les fameux impacts qui peuvent être jugés positifs ou négatifs selon les cas. » (Akrich, 2006 : 109).

Cette image rappelle que les médias ne sont pas de simples moyens pour diffuser des messages. En effet, ils exercent une action bien réelle sur la société dans la mesure où ils peuvent contraindre ou faciliter l’action humaine. Néanmoins, et à l’instar de Francis Jauréguiberry et Serge Proulx, je considère qu’aucun artefact technologique ne peut littéralement bouleverser les principaux traits de la reproduction sociale (Jauréguiberry et Proulx, 2011 : 23). Par conséquent, cette posture ne peut être jugée autrement que simpliste, dans la mesure où cela reviendrait à nier le contexte social, la rationalité, la culture, l’identité, les systèmes de valeur et l’activité des communautés indigènes, en considérant ces dernières comme totalement soumises à la « toute puissante » technologie.

À l’opposé de cette approche, on pourrait imaginer que les caractéristiques de l’interaction, entre technique et société, sont déterminées par le contexte socio-culturel des communautés indigènes. Cette explication est celle envisagée par le déterminisme social que Proulx définit en ces termes :

« L’explication du changement exclusivement à un certain état des rapports de forces entre acteurs sociaux au moment historique précis de l’invention technique ou de la découverte scientifique » (Proulx, 2006 : 253).

Cette posture permet de prendre en compte le caractère éminemment social de l’objet technique. En effet, l’objet technique est à l’origine un projet humain qui a pris corps suite à une transcription technique. Lors de la conception, les innovateurs prévoient les besoins auxquels l’artefact est censé répondre, et comment les utilisateurs vont en prendre possession. Cette prévision est inspirée par des facteurs appartenant à l’environnement dans lequel l’objet est créé, et est appelé à être employé. En outre, ce paradigme considère que les changements sociaux déterminent la construction des pratiques de communication. Il comporte l’erreur de réduire l’innovation technique à un contexte sociohistorique, culturel, politique ou économique, et de conclure à une certaine « neutralité » de la technique. Bien que les facteurs sociaux spécifiques soient non négligeables, la place de l’objet technique et son action sur la

29 société doivent être pris en compte, dans la mesure où l’adoption d’une technologie affecte les relations sociales ; de plus, l’activité et l’autonomie de l’usager sont limitées, entre autres, par les caractéristiques de l’artefact.

En conséquence, l’un des points fondateurs de mon approche consiste à considérer que les pratiques médiatiques ne sont pas issues d’une influence unilatérale des objets techniques sur les communautés ou l’inverse, mais bien d’une interaction, d’une construction, co-médiation ou d’une interrelation entre des acteurs humains et des non-humains. À travers ces termes, je souhaite montrer que pour évoquer la relation homme-technique, il faut analyser l’action dynamique que les artefacts communicationnels ont sur les communautés ainsi que l’action que ces dernières ont sur les objets techniques. Cette approche n’est pas celle du « ni-ni », mais bien celle d’une réciprocité due à l’enchevêtrement de la techni-nique et du social, tel un « tissu sans couture ». Josiane Jouët introduit en ce sens le concept de médiation

sociotechnique ou de double médiation :

« Cette dernière est à la fois technique car l'outil utilisé structure la pratique, mais la médiation est aussi sociale car les mobiles, les formes d'usage et le sens accordé à la pratique se ressourcent dans le corps social. » (Jouët, 1993 : 101).

Cette posture permet de se prémunir des approches spéculatives et déterministes, et ainsi de s’intéresser aux enchevêtrements subtils des usages de la technique dans les pratiques sociales des individus dans leur contexte organisationnel, socio-historique, cognitif et politique.

1.1.2. Le rôle et la place des usagers

Considérer le rôle des communicants indigènes dans leurs choix et leurs usages des technologies de communication m’a amené à considérer les apports de la sociologie des usages des technologies d’information et de communication (TIC). Ce courant a influencé ma recherche dans la mesure où à partir d’une coproduction empirique et théorique, ils cherchent à décrire ce que font réellement les usagers avec les objets communicationnels. À travers une posture constructiviste, ces travaux mettent en valeur l’autonomie de l’individu et sa subjectivité dans l’appropriation des objets techniques.

Contrairement à ce que son appellation laisse supposer, il ne s’agit pas d’une sous discipline de la sociologie mais plutôt d’une perspective ou d’un intérêt pour un type de

30 problème (voir Chambat, 1994). Josiane Jouët dresse, dans son article « Retour critique de la sociologie des usages », une généalogie de ce courant de recherche. À l’opposé des recherches anglo-saxonnes tournées vers l’étude des médias, la sociologie des usages s’est consacrée, dès le départ dans les années 1980, à l’étude des TIC, en particulier les réseaux télématiques (imbrication des ordinateurs et des télécommunications), en se distinguant du modèle de la diffusion des médias (Jouët, 2000 : 491). La particularité de ce courant réside dans sa perspective critique qui met au jour le rôle actif de l’individu dans l’usage des objets de communication. En effet, la sociologie des usages considère que l’appropriation sociale des techniques est une source possible d’émancipation sociale et politique. Elle redonne ainsi de l’importance à la question du but et de l’objectif de l’usager à travers l’usage de l’artefact communicationnel. Par conséquent, appréhender les pratiques des communautés indigènes ne revient pas uniquement à s’intéresser à ce que les acteurs font avec les objets communicationnels, mais également pourquoi ils le font. Autrement dit, il s’agit de connaître le sens qu’ils donnent à leurs actions.

En mettant l’accent sur la dimension sociale de l’usage ainsi que sur les buts recherchés par les utilisateurs à travers l’usage, la sociologie des usages des TIC exprime sa filiation avec les apports de Michel de Certeau. Dans son livre L’invention du quotidien. Arts

de faire (volume1), ce dernier analyse les pratiques culturelles des gens ordinaires. Bien que

n’ayant jamais travaillé sur les objets techniques, ses travaux sont très largement cités (voir Proulx, 1994). Les sociologues des usages se sont particulièrement intéressés à ses recherches sur la diversité des usages et sur les tactiques employées par les usagers pour détourner les programmes d’action inscrits dans les dispositifs. Michel De Certeau a largement contribué à l’analyse de cette « autre production », aux « manières de faire », c’est-à-dire, aux usages créatifs et innovants. L’usage y est analysé comme une « poïétique »3 :

« A une production rationalisée, expansionniste autant que centralisée, bruyante et spectaculaire, correspond une autre production, qualifiée de « consommation » : celle-ci est rusée, elle est dispersée, mais elle s’insinue partout, silencieuse et quasi invisible, puisqu’elle ne se signale pas avec des produits propres mais en manières d’employer les produits imposés par un ordre économique dominant » (De Certeau, 1990 : 42)

3

31 De Certeau considère que les usagers ordinaires font preuve d’une résistance morale et politique face aux produits culturels des technocrates et des industries de la consommation. Par conséquent, prêter attention aux manières d’employer les technologies de communication, exige de relier l’analyse des usages à une perspective sociopolitique dans la mesure où l’usage peut-être une source d’émancipation sociale et politique. La prise en compte de cette négociation entre le respect et la compréhension des procédures techniques incontournables et les manières de faire singulières, permet d’observer des micros innovations dans le maniement des dispositifs. La plasticité des artefacts techniques, et tout particulièrement celle des technologies d’informatiques, donne à l’usager une marge de manœuvre assez grande pour utiliser de façon spécifique l’objet. Cette liberté technique confère à l’usager la possibilité de conduites personnelles et subjectives. En effet, les utilisateurs manient l’objet en fonction de leurs besoins et en ce sens, l’usage peut être considéré comme une forme d’accomplissement personnel.

Cette problématique de significations d’usages amène les sociologues des usages à introduire la perspective de « l’autonomie sociale » à travers l’usage, Josiane Jouët la définit ainsi :

« L’appropriation est un procès, elle est l’acte de se constituer un soi » (Jouët, 2000 : 502).

Cette approche des usages, en termes de construction identitaire, permet de prendre conscience de l’importance de la réalisation des besoins personnels à travers l’utilisation d’un objet. Mais, prêter attention aux détournements d’usages, ne reviendrait-il pas à entrevoir dans chaque usage, de manière consciente ou non, une résistance morale et politique? L’usage ordinaire ne peut-il pas, lui aussi, être une forme de résistance à une vision archaïque et déterministe des communautés indigènes ? En effet, si ces populations et les objets communicationnels représentent deux faces opposées – avec d’un côté la modernité et de l’autre la tradition – l’usage ordinaire ne permet-il pas de les réconcilier, et de fait de se prémunir contre une vision folklorique ? Par conséquent, il me semble qu’ « usage effectif » et « usage prescrit », pour reprendre la distinction effectuée par Jacques Perriault (1989), peuvent tous deux représenter une source d’émancipation sociale et politique, mais peut-être pas simplement envers les seules industries culturelles mais également envers la société qui a tendance à les figer dans un espace-temps circonscrit.

32 La notion d’ « usage » cristallise cette orientation critique qui considère que la manière d’employer ou d’utiliser un objet, un artefact, un dispositif technique peut être relativement autonome de la prescription d’usage envisagée par le concepteur de l’artefact. En effet, l’usage s’inscrit dans le tissu social, il a une épaisseur sociale dans la mesure où l’usager mobilise des ressources culturelles et subjectives. En mettant en évidence la dimension active de l’usager, la notion d’ « usage » se distingue de celle d’ « utilisation ». Cette dernière décrit l’interaction directe plus conjoncturelle et circonscrite du face-à-face entre l’individu et l’objet technique. En ce sens, Laurent Thévenot considère, dans Essai sur les objets usuels.

Propriétés, fonctions, usages que le terme « utilisation » sert à mettre en exergue

l’encadrement de l’action dans une action normale, c'est-à-dire celle prévue par le concepteur de l’objet, tandis que le terme « usage » désigne l’action hors de ce cadre. Dans une interview publiée sur le site Internet Actu, Dominique Cardon exprime clairement la distinction entre « usage » et « utilisation » :

« Alors que l’utilisation fait écho à la dimension fonctionnelle des outils conçus par les ingénieurs, la notion d’usage élargit la relation des personnes aux technologies en portant attention à la manière dont elles les investissent, les pratiquent, y projettent des besoins, des envies, des imaginaires et des références culturelles.» (Cardon, 2005).

L’approche de l’usage de Dominique Cardon est intéressante dans la mesure où elle est centrée sur les manières de faire et les significations de celles-ci.

À travers cette revue des travaux associés à la sociologie des usages, c’est le rôle et les représentations des individus à travers leurs usages qui ont été réhabilités. J’ai mis en évidence les significations culturelles, sociales et politiques qui peuvent se détacher d’une analyse du maniement des objets. Aussi, je retiendrai de cette posture théorique, qu’il est indispensable de prendre en compte l’usage réel des artefacts communicationnels, le discours des usagers sur leurs modes de faire et les enjeux recherchés à travers ceux-ci. Ces travaux apparaissent cependant limités pour penser les pratiques médiatiques des communautés indigènes dans la mesure où ils ne s’intéressent que peu à l’environnement social, et surtout, qu’ils ne prêtent que peu d’attention aux usages dans un cadre collectif. Les rares travaux s’y attachant mettent davantage en exergue les conduites personnelles dans des sphères collectives, que les dynamiques et les enjeux de la communauté, en tant qu’entité. En outre, la technique n’est pas suffisamment envisagée comme un élément pouvant contraindre l’activité humaine. Cette critique va de pair avec une surévaluation des possibilités d’action de l’usager.

33 1.1.3. L’objet technique : un actant réhabilité

La sociologie des usages des TIC met en exergue le processus symbolique et subjectif des phases d’adoption et d’appropriation des objets techniques. La compréhension des modes d’utilisation, de l’intentionnalité, des dynamiques socio-politiques sont ainsi autant d’éléments à prendre en considération dans la compréhension des pratiques des objets communicationnels. Néanmoins, une question reste en suspens : quelle est la place de l’objet dans cette relation technique/société ? Pour y répondre, il y a lieu de rappeler ce qu’on entend par technique. Je commencerai par me tourner vers l’ethnologie des techniques qui s’est particulièrement intéressée à l’étude de l’activité matérielle des populations. Qu’est-ce que la technique ? À cette question, l’ethnologue, Pierre Lemonnier répond :

« Pour parler simple, tout ce qui concerne l’action de l’homme sur la matière relève de la technique, au moins tant qu’on invoque le sens commun et qu’on ne s’embarrasse pas d’équivalences « pensée-matière » ou « énergie-information », qui transformeraient rapidement cette formule à l’emporte-pièce en une définition de toute activité humaine… » (Lemonnier, 2010 : 50)

Cette perspective invite à considérer que la technique et l’activité humaine sont intimement liées. Cette approche découle des travaux de Marcel Mauss, qui le premier, invite à penser les choses matérielles comme des faits sociaux. La technique est entendue comme étant une manifestation du social, dans la mesure où elle conditionne, constitue ou habilite les activités humaines, et devient ainsi un des éléments fondateurs de la société. Marcel Mauss pose les bases de l’ethnographie des techniques en écrivant :

« Tout objet doit être étudié : 1° en lui-même ; 2° par rapport aux gens qui s'en servent ; 3° par rapport à la totalité du système observé »(Mauss, 1926, ed. 1967 : 31)

En considérant que l’objet ne doit pas simplement être étudié en lui-même, mais également en prenant en compte les enjeux « non-techniques » qui s’y affèrent, il introduit une distinction entre l’étude de l’artefact pur, et l’étude de la technique en prise avec le social. Afin de signifier cette approche, Marcel Mauss propose une distinction entre technique et technologie :

« Les techniques sont l’objet, considéré, avec ses pratiques instrumentales ou matérielles, alors que la technologie est le discours qui en traite, la discipline qui

34 leur est consacrée et qui sert à les décrire et à en rendre compte » (Mauss, 2012 : 19).

La technologie devient ainsi un « phénomène social total ». Dans la lignée de l’étude de l’activité matérielle en prise avec le corps (Mauss, 1936), André-Georges Haudricourt propose d’étudier les outils en liaison avec les gestes. Dans cette perspective ethnologique, la technique est l’artefact produit par l’humain, et la technologie est la science qui l’étudie. La technologie apparaît ainsi comme la science des activités humaines.

Cette approche comporte l’intérêt de relier l’objet au geste, les faits techniques au langage, la technique aux phénomènes sociaux ; elle invite à considérer de concert la vie matérielle et la vie sociale. Cette intime relation entre technique et société est également