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CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES INTERACTIONS ENTRE

V- 1 Les travaux expérimentaux

Les travaux expérimentaux menés sur les interfaces matériaux cimentaires/matériaux argileux ont pour but d’essayer de reproduire les évolutions physico-chimiques telles qu’elles se produisent dans le milieu naturel. La quasi-totalité des études est effectuée dans le but de qualifier les mécanismes mis en jeu dans le cadre du stockage des déchets radioactifs dans les couches géologiques profondes.

L’argilite du Toarcien de Tournemire (Aveyron, France) est une argilite très proche de celle du site de Meuse Haute-Marne (Callovo-Oxfordien). Bonin [BON 98] réalise une étude très fine du site de Tournemire. La construction d’un tunnel à la fin du XIXème siècle permet aujourd’hui d’observer l’évolution d’une interface matériau cimentaire/matériau argileux vieille de plus de 100 ans [TIN 06] [DEV 08]. De nombreuses caractérisations sont réalisées sur les interfaces. Les échantillons sont récupérés par carottage. Deux types de matériaux cimentaires sont utilisés pour le soutènement du tunnel : un béton CEM II et de la chaux. Les conditions environnementales imposent une zone saturée et une zone insaturée. Dans cette dernière zone, les transformations minéralogiques sont très faibles. Seule la dissolution de pyrite et la précipitation de gypse sont enregistrées. En présence d’eau, les transformations sont importantes. Tinseau et al. [TIN 06] rapportent dans l’argilite la précipitation de gypse, la reprécipitation d’interstratifiés, ainsi que l’observation ponctuelle de zéolites-Na (observées morphologiquement en imagerie secondaire au MEB, composition analysée par EDS). Juste

au niveau de l’interface avec le matériau cimentaire CEM II, une précipitation importante de dolomite est observée, ainsi que la lixiviation de la chlorite et de la kaolinite dans le matériau argileux. Les premiers millimètres de l’argilite sont concernés par une précipitation de calcite. La recristallisation d’interstratifiés I/S est beaucoup plus intense pour les zones de contact avec le matériau CEM II plutôt qu’avec la chaux. Si le matériau argileux fait l’objet de caractérisations précises dans cette étude, cela n’est malheureusement pas le cas pour le béton ou la chaux. Peu de données minéralogiques sont fournies par les auteurs.

Avant de proposer un modèle permettant de reproduire les interactions béton/argile, Yamaguchi et al. [YAM 09] présentent également des résultats de caractérisations des interfaces argilite/béton du site de Tournemire. En plus des conclusions de Tinseau et al. [TIN 06], il semblerait que la nature des carbonates précipités à l’interface soit triple : aragonite, calcite et vatérite. Les auteurs précisent que la précipitation de ces minéraux est observée des deux côtés de l’interface, tout comme la précipitation de C-S-H et de l’ettringite. Au contraire des travaux de Tinseau, il n’y a pas de précipitation de zéolites, alors que les interfaces observées sont les mêmes.

Fernandez et al. [FER 06], en plus des essais de perturbation de la bentonite par des fluides alcalins, réalisent des essais aux interfaces entre la bentonite FEBEX et un mortier à base de ciment Portland (e/c = 0,45, hydraté 28 jours). La composition des hydrates du mortier est : C-S-H, portlandite, AFm et AFt. L’essai consiste à mettre en contact une pastille de bentonite de 2,2 cm de hauteur et 7 cm de diamètre, avec une pastille de mortier de 0,7 cm de hauteur et 5,5 cm de diamètre dans une cellule en téflon. Un flux de solution alcaline (NaOH 0,25 mol/L) est envoyé depuis la base supérieure du mortier. Le fluide traversant le composite est récupéré pour analyses (figure 1-24).

Figure 1-24 : dispositif expérimental pour les essais en cellule mortier/bentonite sous gradient de pression d’une solution alcaline [FER 06]

Les temps expérimentaux sont de 1, 6 et 12 mois pour des températures d’essai de 25°C, 60°C et 120°C. Seuls les premiers millimètres autou r de l’interface mortier/bentonite sont perturbés à 25°C et 60°C. La perturbation est carac térisée par la précipitation de C-S-H et de brucite. A 120 °C, la dégradation dans la bentonite est plus importante : précipitation de tobermorite à l’interface, puis de saponite magnésienne jusqu’à 10 mm et d’analcime sur le reste de l’épaisseur. Cuevas et al. [CUE 06], en réalisant la synthèse des travaux du groupe de recherche sur la bentonite FEBEX dans des conditions alcalines, présente la précipitation d’analcime et de phases calciques autour de l’interface.

L’une des rares expérimentations menée jusqu’à ce jour sur l’évolution des matériaux cimentaires en contact avec un matériau argileux est réalisée par Read et al. [REA 01] dans le laboratoire expérimental HADES (Mol, Belgique) sur des périodes de 12 et 18 mois. Le

laboratoire est creusé dans la formation des argiles de Boom à 220 m de profondeur. Sept formulations de matériaux cimentaires sont testées : ciment portland ; ciment portland + cendres volantes ; ciment portland + laitiers ; résines échangeuses d’ions cimentées ; pâte de ciment alumineux ; déchets de réacteurs de recherche cimentés ; mortiers de remplissage de galerie (référence NIREX (UK)). Chaque échantillon est conservé pendant 28 jours à 20°C. Les cylindres fabriqués sont ensui te déposés dans les forages entre 4,5 et 5 m de distance par rapport au mur de la galerie.

Les essais sont réalisés à des températures de 25°C et 85°C. Une partie des échantillons est prélevée après 12 mois d’interaction et l’autre partie après 18 mois. Chaque prélèvement permet l’extraction d’une interface pâte de ciment/argile de Boom. Les échantillons à base de ciment Portland montrent une altération considérable après 12 mois d’interaction de même que l’argile à leur contact. A 85°C, des zonat ions bien définies apparaissent de chaque côté de l’interface sur 100 µm à 250 µm de profondeur (figure 1-25) :

- Zone I : argile non dégradée (quartz, illite, smectite, interstratifiés, chlorite, feldspath) - Zone II : argiles altérées, diminution des concentrations en Al, Si et Mg et

enrichissement en calcium.

- Zone III : ciment altéré, diminution de la concentration en calcium et enrichissement en Mg, S, Al et Si.

- Zone IV : pâte de ciment non altérée.

Des précipitations de gels silico-magnésien et alumino-magnésien sont identifiées dans le matériau cimentaire sur les dix premiers microns, ainsi que de l’hydrotalcite et de la sépiolite. Cette étude reste l’une des très rares à caractériser le matériau cimentaire en contact avec le matériau argileux.

Figure 1-25 : cartographie élémentaire de la distribution du calcium pour l’échantillon à base de ciment Portland et notation des zones identifiées [REA 01]

Les travaux expérimentaux sur les interfaces béton/argile sont peu nombreux. Comme elle vient d’être présentée, l’approche expérimentale principale de ces interactions est traitée sur le plan argile/fluides alcalins, tenant peu ou pas compte de l’évolution du matériau cimentaire. Seuls les travaux de Read amènent quelques informations sur la nature des mécanismes physico-chimiques contrôlant l’évolution du matériau cimentaire : décalcification, enrichissement en magnésium et en soufre dans la zone dégradée. Les quelques travaux menés sur les interfaces béton/argile se concentrent sur l’évolution du matériau argileux, considéré comme le matériau dégradé, mais aucune caractérisation n’est réalisée sur le matériau cimentaire considéré comme le matériau dégradant. L’état des connaissances sur l’évolution du matériau cimentaire en contact avec l’argilite est très incomplet et demande des études dédiées à l’identification des mécanismes mis en jeu.

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