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CHAPITRE 1 : ETUDE BIBLIOGRAPHIQUE DES INTERACTIONS ENTRE

IV- 1 Comportement en eau pure

« Il est considéré, pour la dégradation chimique des bétons de type CEM I en milieu saturé, que l’évolution minéralogique du système cimentaire est gouvernée par la dissolution de la portlandite et des C-S-H » [GAL 06].

IV-1-1- Les évolutions minéralogiques

Dans le cas des eaux pures ou des eaux douces, le phénomène majeur contrôlant l’évolution chimique du matériau cimentaire est la lixiviation. Ce mécanisme dépend d’une part de la chimie du solide et d’autre part de sa porosité. Le contact avec une eau pure crée un déséquilibre chimique dû au gradient de concentration entre la surface et le cœur du matériau. La chimie locale du solide tente de s’adapter à cette perturbation. Pour corriger le gradient de concentration, le matériau fait diffuser à travers sa porosité de la matière. Cette migration de matière crée des déséquilibres chimiques locaux entraînant des processus de dissolution/précipitation.

Les travaux d’Adenot [ADE 92a], portant sur le comportement des matériaux cimentaires destinés au stockage des déchets radioactifs, permettent justement d’identifier les mécanismes d’attaque par une solution pure à pH = 7 à 20°C. Les essais mis en œuvre consistent à lixivier des éprouvettes de pâtes de ciment par de l’eau continuellement déminéralisée.

Remarquons que, les essais sur pâtes de ciment sont une simplification des essais sur béton. Le transport dans le béton se concentre dans la matrice cimentaire, beaucoup plus perméable et diffusante que les agrégats. Travailler sur pâtes de ciment est donc représentatif des mécanismes que subirait un béton placé dans les mêmes conditions dans la mesure où les agrégats ne sont pas réactifs, tout en s’affranchissant des difficultés post

expérimentales pour la caractérisation du solide. Le processus de dégradation reste totalement piloté par la pâte de ciment hydratée.

Deux options expérimentales sont réalisées. La première consiste à maintenir une solution pure tout au long de l’expérimentation en imposant la circulation permanente de la solution agressive à travers une résine échangeuse d’ions et des renouvellements réguliers. De plus, afin d’éviter la présence de carbonates dans la solution et donc la carbonatation du matériau cimentaire, un bullage continu d’azote est mis en place dans la solution.

La seconde option expérimentale consiste à maintenir l’agressivité de la solution par ajout d’acide (pas de résines échangeuses d’ions) [REV 92]. Cet ajout d’acide permettait de suivre en continu la quantité d’ions hydroxydes lixiviés. A partir d’une certaine quantité d’ajout d’acide, la solution est renouvelée et les concentrations en calcium dans le lixiviat sont mesurées. Il est à noter que dans les deux options, la perte de masse du matériau est également suivie en continu par pesée hydrostatique. La perturbation consiste en la dissolution des hydrates de la pâte de ciment, dans le matériau sous la forme de fronts de dissolution (figure 1-8).

Figure 1-8 : représentation schématique de la dégradation d’une pâte de ciment soumise à la lixiviation par une eau pure à pH = 7 [ADE 92a] [ADE 92b]

A conditions de dégradation constantes, l’ordre de solubilisation des hydrates est le suivant : portlandite, C-S-H, AFm, ettringite. Il est à noter que la décalcification des C-S-H se fait de façon progressive.

Les concentrations en calcium et en silicium en solution imposent l’évolution de la nature des phases en équilibre dans le système CaO-SiO2-H2O (figure 1-5). Pour des concentrations en

calcium proches de 22 mmol/kg, l’assemblage minéralogique à l’équilibre est portlandite-C- S-H (SII) ou C-S-H-γ. A partir du moment où la concentration en calcium est inférieure à 22 mmol/kg, la portlandite n’est plus à l’équilibre et est dissoute. En réduisant la concentration en calcium dans la solution, des C-S-H successifs se forment et se dissolvent, réduisant progressivement le rapport CaO/SiO2 dans leur structure jusqu’à atteindre le stade de la

silice amorphe.

La portlandite joue un rôle de tampon chimique vis-à-vis des agressions extérieures. Les silicates et les aluminates ne sont pas dissous tant que la totalité de la portlandite n’est pas lixiviée. La solution du matériau cimentaire, jusque là en équilibre avec la portlandite, se rééquilibre ensuite avec un nouvel assemblage minéralogique : C-S-H, AFm, AFt. Au fur et à mesure de la poursuite de la perturbation, le rapport CaO/SiO2 des C-S-H diminue

progressivement, accompagné dans un premier temps par la dissolution des AFm. Cette dissolution des AFm, dans le cas du monosulfoaluminate de calcium hydraté, libère du calcium, mais également de l’aluminium et des sulfates. Ce mécanisme peut générer, sans apport de sulfates externes au matériau, la précipitation d’ettringite ou de phases AFm secondaires dans la zone de dissolution de la portlandite [FAU 97].

La poursuite de la lixiviation entraîne la dissolution de l’ettringite. Le système est alors en équilibre avec des C-S-H (faible C/S) puis, au stade final, les C-S-H sont totalement décalcifiés ; le système est alors en équilibre avec la silice amorphe.

En plongeant dans une eau déminéralisée des pâtes de ciment fabriquées à partir de C3S,

Faucon montre l’évolution du rapport Ca/Si dans le solide avec la progression de la zone dégradée [FAU 97].

Les fronts de dissolution évoluent linéairement en fonction de la racine carrée du temps, confirmant ainsi que la cinétique de décalcification est contrôlée par des phénomènes diffusifs [ADE 92a].

Une étude sur mortiers dégradés réalisée par Bourdette [BOU 94] ne montre pas d’influence de la présence des granulats sur la zonation de la perturbation, par rapport aux travaux sur pâtes d’Adenot et al, validant ainsi le modèle élaboré par ces derniers.

IV-1-2- L’influence de la température

L’impact de la température sur la lixiviation des matériaux cimentaires est étudié par Peycelon et al. [PEY 06]. Les essais, très proches de ceux d’Adenot, consistaient à plonger une pâte de ciment (type CEM I) dans une solution à différentes températures : 25°C, 50°C et 85°C. Notre intérêt vis-à-vis de cette étude se porte surtout sur les essais à 25°C et 50°C (températures étudiées dans cette thèse). L’augmentation de la température accélère les processus de dégradation du solide. Pourtant la solubilité de la portlandite diminue quand la température augmente et devrait donc ralentir la dégradation, or ce n’est pas le cas. Cela s’explique par le fait que la dégradation est pilotée par la diffusion. Lorsque la température augmente, le coefficient de diffusion augmente. La viscosité de l’eau diminue avec l’augmentation de la température et le coefficient de diffusion croît selon la loi de Stockes- Einstein.

µ

r kT D Π = 6 Eq. 1-5 Avec : - k = la constante de Boltzmann (1,3806.10-23 J.K-1) - T = la température (en Kelvin)

- r = le rayon de la molécule diffusante supposée sphérique - µ = la viscosité du fluide

En augmentant la température et en diminuant la viscosité du fluide (de l’eau dans ce cas précis), le coefficient de diffusion augmente.

Les épaisseurs concernées par la lixiviation selon les températures utilisées sont regroupées dans le tableau 1-7.

Tableau 1-7 : données expérimentales sur l’évolution de la lixiviation de pâtes de ciment CEM I plongées en eau pure à 25°C, 50°C et 85 °C [PEY 06 ].

Températures (°C) Temps expérimentaux (jours) Epaisseurs lixiviées (mm) Vitesses des perturbations (mm/racine carrée de jours) 25 85 1,8 0,19 88 2,85 50 109 2,96 0,3 62 4,47 72 5,2 85 134 5,95 0,56

La vitesse d’altération d’une pâte de ciment CEM I lixiviée par de l’eau pure est 1,6 fois plus importante à 50°C qu’à 25°C.

Pour résumer, une pâte de ciment Portland plongée en eau pure subit une dissolution de ses hydrates, principalement la portlandite et les C-S-H (réduction du rapport C/S) et également de l’ettringite et des AFm. La perturbation se caractérise sous forme de plusieurs fronts de dissolution correspondant à de nouveaux équilibres minéralogiques. La décalcification génère un lessivage des ions Ca2+ et OH- vers le milieu extérieur et également des alcalins. Ce mécanisme est contrôlé par la diffusion et est thermo-dépendant malgré la solubilité rétrograde de la portlandite. L’impact sur la microstructure est fort, car les dissolutions successives génèrent une ouverture de porosité qui accroît le coefficient de diffusion et donc la dégradation. Cette thématique est largement étudiée et permet aujourd’hui d’avoir des points de repère sur les évolutions des perturbations avec le temps. Ceux-ci pourront être comparés aux essais réalisés dans le cadre de ce travail de recherche.

IV-2- Comportement en eaux carbonatées

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