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IV.2 Etude bibliographique sur la formation des pyrocarbones

IV.2.4. b) Les travaux effectués au LCTS

Les premiers résultats du LCTS sur les mécanismes de formation du pyrocarbone sont obtenus dans le cadre de la thèse de Dupel [52]. Il densifie par CVI pulsée des pores modèles de section rectangulaire, à partir des précurseurs CH4 et C3H8. Pour les faibles temps de séjour (ou durée de pulse), le pyrocarbone déposé est de type LL sur toute la longueur. Pour les temps de séjour plus longs, le pyrocarbone déposé est de type LR à l’entrée du pore, et l’on revient progressivement vers une texture LL en fond de pore. Pour Dupel et al. [53,54,55], ceci s’explique par l’existence de deux mécanismes de dépôt :

- I : lorsque la maturation de la phase gazeuse est peu avancée (faibles temps de séjour), ce sont les espèces légères (aliphatiques) qui conduisent au dépôt de pyrocarbone LL, - II : lorsque la maturation de la phase gazeuse est avancée (longs temps de séjour), ce sont les HAP qui, par condensation sur la surface, conduisent au dépôt de pyrocarbone LR.

Les mécanismes I et II pourraient se produire simultanément, et plus le mécanisme II est prédominant, plus la texture du pyrocarbone obtenu est anisotrope. Par contre, le mécanisme I implique des vitesses de dépôt plus faibles et une meilleure uniformité du dépôt.

Un peu plus tard, Féron a étudié la CVD/CVI du pyrocarbone à partir du précurseur propane (C3H8) [56]. Il a déterminé expérimentalement les vitesses de dépôt de pyrocarbone pour une large gamme de température et de temps séjour. Une des courbes correspondantes est donnée à la figure 10. En calculant les énergies d’activation apparentes associées à ces dépôts, Féron

et al. [57,58] en ont déduit l’existence de quatre domaines cinétiques (cf. fig. 11) :

- domaine 1 : les vitesses de dépôt sont très faibles mais augmentent en fonction du temps de séjour, le propane est en phase de décomposition,

- domaine 2 : La vitesse de dépôt se stabilise, le propane est entièrement décomposé. L’énergie d’activation apparente est de 175 kJ/mol.

- domaine 3 : La vitesse de dépôt augmente. L’énergie d’activation apparente varie entre 240 et 380 kJ/mol.

- domaine 4 : La vitesse de dépôt décroît. L’énergie d’activation apparente semble redescendre à 175 kJ/mol.

Figure 10 : Vitesse de dépôt en fonction du temps de séjour à P=2 kPa et T=1300 K [56]

Figure 11 : Diagramme isobare (P=2 kPa) donnant les limites des différents domaines cinétiques et les énergies d’activation apparentes (kJ/mol) [56]

Vitesse de dépôt (µg.min-1.cm-2)

Temps de séjour (s)

temps de séjour (s)

débit propane (sccm) pour T = 1000°C

900 950 1000 1050 1100 1150 0 1 2 3 4 5 température (°C) 5 7 10 15 25 50 100 178 38 0 36 0 30 0 27 0 240 174 170 175 1

2

3

4

2 kPa

Des préformes de petite taille ont été densifiées dans des conditions correspondant à ces différents domaines, et l’analyse du pyrocarbone déposé montre que (fig. 10) :

- le domaine 2 correspond à un dépôt de pyrocarbone LL, - à l’intérieur du domaine 3, le pyrocarbone transite vers un LR, - on revient à un pyrocarbone LL dans le domaine 4.

En se basant sur ces résultats, Féron et Langlais [56,58] proposent le modèle chimique suivant : 3 8 C H B C PyC LL PyC LR → → (4.3)

A l’intérieur du domaine 1, le propane se décompose pour former des espèces B de type aliphatique. Ces espèces conduisent au dépôt du pyrocarbone LL (domaine 2) et également par maturation de la phase gazeuse à des espèces C polyaromatiques. Ces espèces C conduisent au pyrocarbone LR. Lorsque le temps de séjour est très long, les espèces C sont appauvries par le processus hétérogène, tandis que les espèces B sont encore présentes en grande quantité. On revient donc a un dépôt de pyrocarbone LL.

Notons que ce travail est particulièrement important dans le cadre de notre étude, car le modèle chimique qu’il propose servira de base aux développements qui vont suivre dans ce mémoire.

Les travaux de Lavenac [59] sont venus confirmer et approfondir ceux de Féron. Une analyse par spectrométrie infrarouge (IRTF) et par couplage chromatographie en phase gazeuse / spectrométrie de masse a permis de corréler l’évolution de la composition de la phase gazeuse (e.g. formation de HAP à température et temps de séjour croissant) avec la transition microtexturale LL→LR. De plus, une étude sur substrat de HOPG a mis en évidence une nucléation lente et localisée (liée à la présence de sites réactifs) du pyrocarbone LL et une nucléation rapide et uniforme (indépendante de la présence de sites réactifs) du pyrocarbone LR. Une analyse de la composition et de la nanostructure (par microscopie électronique en transmission) a conduit à décrire le pyrocarbone LL comme constitué de couches carbonnées étendues mais très distordues et le pyrocarbone LR de couches carbonées parallèles au plan d’anisotropie mais peu étendues.

Lavenac et al. [59,60] en viennent à la conclusion suivante : le pyrocarbone LL résulte majoritairement de processus de chimisorption d’espèces aliphatiques ou polycycliques issues d’une maturation limitée, alors que le pyrocarbone LR résulte principalement de processus de

La compréhension des mécanismes de dépôt de pyrocarbone passe par une bonne connaissance des processus chimiques homogène (pyrolyse) et hétérogène (dépôt) mis en jeu à partir d’un précurseur gazeux. Le LCTS étudiant principalement le dépôt de pyrocarbone à partir du précurseur propane, Descamps a décidé de concentrer ses efforts sur la compréhension du processus chimique homogène induit par ce précurseur, en abordant le problème sous l’angle de la modélisation [60]. Il a donc construit un modèle de chimie complexe pour la pyrolyse du propane à partir de toutes les données bibliographiques qu’il a pu réunir. Grâce à des méthodes de réduction classiques et fiables, un modèle comptant 40 espèces chimiques et 136 réactions a été obtenu. Concernant les espèces légères, les résultats de ces calculs ont pu être validés d’un point de vue semi-quantitatif par rapport aux analyses de phase gazeuse par spectrométrie infrarouge effectuées par Lavenac.

Les voies réactionnelles de décomposition du propane puis de maturation des espèces aliphatiques vers le benzène et les HAP sont résumées à la figure 12.

Figure 12 : Voies réactionnelles privilégiées pour la formation du benzène à partir du propane à T=1100 K (a) et T=1300 K (b) [60]

Parmi les différents chemins réactionnels envisagés pour expliquer la formation du benzène, deux d’entre eux semblent être privilégiés par Descamps et al. [62] :

- la dimérisation des radicaux propargyl (C H3 3). La formation de ces radicaux ne découle pas directement d’une déshydrogénation du propane, mais passe par la formation d’espèces en C2. Cette voie est négligeable à basse température.

n(C)

CxHy Radical libre stabilisé CxHy Espèce source CxHy Autres sources CxHy Sous-produit CxHy Radical libre C/H a) b)

- une voie par les radicaux en C4 (C H4 5 et C H4 3). Cette voie requiert également la présence d’espèces en C2.

Pour modéliser la formation des HAP, le mécanisme HACA (Hydrogen Abstraction, Condensation of Acetylene) de Frenklach [34] a été utilisé (cf. IV.2.2). Mais comme le fait remarquer Descamps, bien que ce modèle réactionnel soit le plus souvent évoqué pour expliquer la formation des HAP, des voies alternatives, et éventuellement plus rapides, passant par des radicaux stabilisés par résonance [63,64,65], pourraient également jouer un rôle prédominant.

Enfin, Descamps tente de corréler la composition de la phase gazeuse avec la courbe de vitesse de dépôt en fonction du temps de séjour présentée à la figure 10.

Tout d’abord, en analysant les profils de pressions partielles des différentes espèces en fonction du temps de séjour (fig. 13), il montre que :

- l’acétylène et le benzène ont des profils de concentration similaires, si bien qu’il paraît difficile d’expliquer les transitions microtexturales sur la base de la compétition entre benzène et acétylène comme l’ont suggéré Lieberman et Pierson [23,24],

- les HAP ont des temps d’incubation importants. Ce phénomène est apparemment le seul qui puisse expliquer la forme des courbes de vitesses de dépôt et la transition microtexturale LL→LR. Les premiers de ce modèle HAP seraient donc bien à l’origine de la formation du pyrocarbone LR. Descamps rejoint ainsi les conclusions de Féron.

En choisissant le benzène comme espèce précurseur du pyrocarbone LL (mais il aurait tout aussi bien pu choisir l’acétylène), et le phénanthrène (C H14 10, cf. annexe C.1 pour les formules développées) comme espèce précurseur du pyrocarbone LR en raison de son temps d’incubation adapté (correspondant à la fin du palier de vitesse de dépôt, où commence la transition microtexturale) et en utilisant un modèle de Langmuir, Descamps parvient à reproduire une partie de la courbe de vitesse de dépôt en fonction du temps de séjour (fig. 14).

Figure 13 : Pressions partielles relatives de quelques espèces en zone chaude en fonction du temps de séjour [61]

Figure 14 : Comparaison de la vitesse de dépôt expérimentale en fonction du temps de séjour à P=2 kPa et T=1300 K avec un modèle théorique de Langmuir [61]

On note que la décroissance de vitesse de dépôt dans le domaine 3 n’est pas reproduite. Descamps a supposé que l’effet des réactions hétérogènes sur la composition de la phase gazeuse était négligeable. En conséquence, ses calculs ne peuvent pas confirmer l’hypothèse de Féron qui explique cette décroissance par un appauvrissement en HAP de la phase gazeuse dû aux réactions hétérogènes. Descamps propose une autre hypothèse : il existerait une taille

0 0,2 0,4 0,6 0,8 1 1,2 0,01 0,1 1 10 C2H2 C6H6 C10H8 C14H10

Pression partielles relatives

de HAP optimale vis-à-vis du dépôt de pyrocarbone ; lorsque la maturation de la phase gazeuse est telle que ces HAP sont présent en quantité importante, la vitesse de dépôt est élevée, mais lorsque la maturation de la phase gazeuse est plus avancée et que les HAP sont plus développés, la vitesse décroît.

IV.2.5 Conclusion

De cette étude bibliographique, il ressort que la chimie du pyrocarbone est d’une grande complexité et reste encore incomplètement connue. Si les différents types de pyrocarbones sont relativement bien identifiés, la connaissance des processus chimiques menant à leur formation reste encore incertaine. Il semble que les différentes textures soient obtenues selon différents mécanismes, et c’est sans doute une des raisons pour lesquelles on peut trouver dans la littérature une grande variété de modèle chimiques différents.

Quoiqu’il en soit, deux grands types de modèles se dégagent : ceux qui attribuent la formation du pyrocarbone à la chimisorption d’espèce aliphatiques, et ceux qui considèrent que les précurseurs ultimes sont des HAP. Dans ce dernier cas, le mécanisme de dépôt n’est pas clairement établi : on invoque des processus de physisorption, de chimisorption, de condensation, etc …

Les modèles les plus élaborés proposent plusieurs voies de formation menant chacune à un type de pyrocarbone. En particulier, le modèle de Féron et al. [58] explique la formation du pyrocarbone laminaire lisse par la chimisorption d’espèces aliphatiques et la formation du pyrocarbone laminaire rugueux par le dépôt de HAP dans une phase gazeuse dont la maturation est plus avancée.

Mais ce modèle reste essentiellement qualitatif. Le but est d’obtenir un modèle quantitatif, qui, implémenté dans un code de CVI, permette de prévoir les vitesses de dépôt et le type de pyrocarbone obtenu en fonction des conditions d’élaboration. Ce dernier point est particulièrement important puisque l’on cherche à déposer dans les préformes un type de texture bien particulier.

Nous partirons sur la base du modèle proposé par O. Féron pour tenter de développer un tel schéma cinétique.