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4. ADAPTATION DES PRATIQUES AGRICOLES

4.1 Pratiques de conservation des sols et mesures préventives

4.1.2 Travail réduit du sol et semis direct

Le travail conventionnel (intensif) du sol consiste à labourer le sol en profondeur en retournant la terre à l’aide de machinerie (travail primaire) puis à effectuer un travail secondaire sur les premiers centimètres de terre pour préparer le lit de semence. Ces étapes permettent de niveler la surface du sol, d’incorporer les différents intrants (engrais, amendements et pesticides), de détruire les mauvaises herbes et d’enfouir les résidus de récolte. (Pigeon et al., 2012) Cette pratique a aussi comme objectif d’accélérer la décomposition des résidus en les coupant en petits morceaux et en les enfouissant dans le sol. Toutefois, les résultats d’une étude récente qui a examiné l’effet des différentes techniques de travail du sol (travail conventionnel, travail du sol en bande et semis direct) sur la décomposition des résidus de maïs ont montré qu’il n’y avait aucune différence significative entre ces trois méthodes (Al-Kaisi, 2019).

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Le travail réduit du sol (ou travail de conservation) est une méthode moins intensive qui vise à maintenir une portion des résidus de culture pour couvrir au moins 30 % du sol. Il consiste à briser ou soulever le sol (travail primaire) plutôt que de le retourner comme en travail conventionnel. Le travail secondaire est aussi fait de manière moins agressive qu’en travail conventionnel. (Conseil des productions végétales du Québec [CPVQ], 2000) Le semis direct consiste à établir une culture sans avoir travaillé le sol au préalable. La seule étape est donc celle du semis et la totalité des résidus de récolte est donc conservée sur la surface du sol. Les techniques de travail réduit du sol et de semis direct sont relativement bien documentées et leur adoption par les agriculteurs québécois est en hausse constante (tableau 4.3) (Pigeon et al., 2012). Pour aller encore plus loin, il est possible d’implanter des systèmes de semis direct sous couverture végétale (SCV) permanente. Les SCV sont des systèmes de production dans lesquels la culture principale est semée directement dans une culture de couverture qui occupe le champ en permanence. Il s’agit donc de combiner les avantages des cultures de couverture et du semis direct (Moreau-Richard, s. d.; Thibaudeau et Thibault, 2013; Pérusse et al., 2013).

Par ailleurs, bien qu’il procure certains avantages, le travail intensif du sol a des répercussions importantes sur la santé du sol et sur les CC. D’abord, l’intensité du travail influence significativement la teneur en carbone organique du sol. Ainsi, le travail conventionnel conduit à des pertes importantes de carbone organique du sol (émissions de GES), ce qui dégrade significativement la santé du sol et contribue aux CC. À l’inverse, le travail réduit ou le semis direct améliore la santé du sol en amplifiant la séquestration de carbone atmosphérique (atténuation), ce qui augmente la teneur en carbone organique dans le sol. (Al‐Kaisi et Kwaw‐Mensah, 2020) Le travail conventionnel a aussi un effet direct sur la sensibilité des sols à l’érosion éolienne et hydrique. La couverture de résidus laissée à la surface du sol dans le cas du travail réduit ou du semis direct permet de protéger le sol en réduisant considérablement le ruissellement de surface et l’érosion, ce qui limite les pertes d’éléments nutritifs. Les résidus favorisent également l’activité biologique dans le sol en fournissant du carbone et de l’azote aux microorganismes. Les effets positifs sur la santé des sols permettent aussi de minimiser la compaction des sols. (CPVQ, 2000)

En plus d’affecter la santé des sols et d’augmenter les risques d’érosion et de détérioration de la qualité de l’eau, le travail conventionnel représente des coûts additionnels en main-d’œuvre et en machinerie. En effet, l’utilisation de cette méthode entraîne une demande énergétique élevée en raison de l’augmentation de la puissance de traction requise pour labourer et du nombre de passages nécessaires dans le champ. Les techniques de travail réduit et de semis direct permettent donc de réduire

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significativement les frais de carburant. Un agriculteur peut s’attendre à des économies de carburant de l’ordre de 25 à 35 % en passant aux techniques de travail réduit du sol et de 70 à 75 % pour le semis direct, et ce, pour l’ensemble des cultures. En plus des économies de carburant, la transition au travail réduit ou au semis direct permet d’améliorer la rentabilité de la production grâce à une réduction des frais d’entretien de la machinerie et une réduction du temps de main d’œuvre. Ainsi, à moyen terme, le travail réduit et le semis direct permettraient des économies de l’ordre de 10 $/ha et de 25 $/ha respectivement. Il est toutefois important de mentionner que cette transition se fait sur plusieurs années. Un tel transfert peut être complexe pour certains agriculteurs et des investissements initiaux sont nécessaires, notamment pour l’acquisition de nouvelles machineries. (Pigeon et al., 2012)

Ainsi, les pratiques de travail réduit du sol et de semis direct sont considérées comme de bonnes stratégies d’adaptation aux CC, puisqu’elles permettent de limiter les impacts des évènements climatiques extrêmes (sécheresses et pluies intenses), de réduire les émissions de GES et de séquestrer du carbone atmosphérique (atténuation), en plus d’augmenter le rendement et la rentabilité globale de la production.

Comme indiqué au tableau 4.3, 41 % et 18 % des terres cultivées en 2016 utilisaient les techniques de travail réduit du sol et de semis direct respectivement. Il y a donc encore environ 40 % des terres cultivées qui utilisent le travail conventionnel. Par contre, on peut s’attendre à une augmentation des superficies cultivées sur résidus (travail réduit et semis direct), puisque la faisabilité de ces méthodes sera favorisée en climat futur, notamment en raison du ressuyage hâtif des terres au printemps (Michaud et al., 2012).