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5. LES TECHNOLOGIES D’AGRICULTURE DE PRÉCISION AU SERVICE DE L’ADAPTATION

5.2 Technologies pour améliorer la lutte intégrée

5.2.1 Drones

Il y a un engouement important pour l’utilisation de drones en agriculture depuis quelques années. En effet, les drones y trouvent de plus en plus d’applications, notamment pour la télédétection en agriculture de précision. (CRAAQ, 2015) Comparativement à l’imagerie satellitaire, les drones offrent la possibilité d’acquérir des images aériennes de très haute résolution pour la surveillance des cultures et la cartographie des champs. Il s’agit donc d’un outil intéressant pour faciliter le dépistage des ennemis des cultures dans les champs de grande superficie. Toutefois, les cartes générées par ces données doivent, la plupart du temps, être interprétées par un agronome et l’agriculteur pourra appliquer les recommandations de celui-ci. (Lizotte, 2019) Les drones peuvent aussi être utilisés pour l’échantillonnage, l’introduction d’ennemis naturels pour la lutte biologique, ou encore l’application de traitements phytosanitaires. Bien que quelques compagnies spécialisées offrent déjà des services commerciaux pour l’agriculture (DroneXperts, Novadrone, Canopée, Drone des champs, etc.), cette technologie est encore au stade de recherche et développement au Québec. Il y a encore plusieurs barrières à l’utilisation à grande échelle des drones, comme la nécessité d’obtenir des autorisations gouvernementales, le contexte réglementaire contraignant, les besoins d’expertises en pilotage et en traitement géomatique, les coûts élevés, leur fragilité aux vents, etc. Cependant, les développements dans ce domaine progressent très rapidement et les drones deviendront de plus en plus accessibles aux agriculteurs. (Boucher, Gagnon et Chouinard, 2017)

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Quelques projets de recherche sur l’utilisation de drones pour le dépistage ont été réalisés au Québec, ou sont en cours de réalisation. Par exemple, le projet du chercheur Jérôme Théau de l’Université de Sherbrooke, en collaboration avec le Consortium Prisme, a permis de démontrer qu’il était possible de détecter la présence de zones de stress (maladies, insectes ravageurs, problème de croissance) dans une culture de la pomme de terre grâce à la production de cartes de dépistage provenant d’images acquises par drones (figure 5.2). Cet outil vient donc appuyer les méthodes actuelles de dépistage en permettant d’identifier et de réagir plus rapidement aux problèmes, et donc de réduire les pertes liées aux maladies et insectes ravageurs. Cette technologie pourrait aussi être adaptée à d’autres types de cultures, comme les cultures maraîchères et la viticulture. (Théau et al., 2014; Gavelle, 2015)

Figure 5.2 Exemple de carte de dépistage mettant en évidence les zones affectées par une maladie dans un champ de pommes de terre (tiré de : Théau et al., 2014, p. 2)

Similairement, l’équipe du Dr Karem Chokmani de l’INRS combine l’imagerie par drone et la vision artificielle (intelligence artificielle) pour faire le dépistage automatique de larves de doryphore dans la culture de la pomme de terre. L’objectif du projet est d’être en mesure de fournir une carte d’infestation du champ quelques heures après l’avoir survolé. Les producteurs pourront donc utiliser cet outil pour optimiser l’utilisation d’insecticides en appliquant la bonne quantité, aux bons moments et aux bons endroits. Cela permettrait de réduire les coûts de lutte antiparasitaire, d’augmenter les rendements et de limiter les impacts environnementaux liés à l’usage des pesticides. (Lhissou et al., 2018; Le Bulletin des agriculteurs, 2020)

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Enfin, un autre projet en cours orchestré par Vincent Myrand du Carrefour Industriel et Expérimental de Lanaudière (CIEL) vise à développer un outil de surveillance du doryphore de la pomme de terre à l’aide d’imagerie de télédétection acquise par un drone. Ce projet permettra entre autres de démontrer si cet outil de dépistage permet réellement de rationaliser l’utilisation des insecticides envers le doryphore de la pomme de terre. (MAPAQ, 2018a; Firlej et Saguez, 2019)

Même si les drones sont de plus en plus populaires auprès des agriculteurs et que leur utilisation pour le dépistage est prometteuse, il y a encore beaucoup de travail à faire pour que cette technique soit utilisée à grande échelle au Québec. (Roullé, 2019) À l’heure actuelle, l’imagerie aérienne permet d’identifier les zones du champ où il y a des dommages, mais un dépistage au champ est tout de même nécessaire pour en confirmer la cause. L’avantage du drone est qu’il permet d’avoir une vue d’ensemble du champ, ce qui permet à l’agriculteur de traiter seulement les foyers d’infestation. Toutefois, une main d’œuvre spécialisée en géomatique et en agronomie est essentielle pour la production et l’interprétation des cartes. (Boucher et al., 2017)

Par ailleurs, il est également possible d’utiliser les drones pour l’introduction d’ennemis naturels en lutte biologique. Un récent projet réalisé par Chaussé et al. (2018) a testé l’utilisation de drones pour effectuer des lâchers de trichogrammes, des microguêpes qui parasitent les œufs de la pyrale du maïs, pour lutter contre cet insecte ravageur dans le maïs sucré de transformation. Cette innovation vient donc grandement faciliter les opérations de lutte biologique et contribue à améliorer la lutte intégrée. (Chaussé et al., 2018; Canopée, 2020)

Évidemment, les drones ne sont pas seulement utilisés dans un contexte de lutte intégrée. L’imagerie aérienne par drones peut servir à évaluer de nombreux autres paramètres des cultures, tels que le rendement et la biomasse, les besoins en éléments nutritifs, les stress hydriques et les propriétés du sol (Zhang et Kovacs, 2012; Boucher et al., 2017). Par exemple, des chercheurs d’AAC pratiquent l’agriculture de précision sur une ferme maraîchère expérimentale en Montérégie en se servant notamment de drones, d’imagerie satellite et d’intelligence artificielle. Leur objectif est donc de caractériser la variabilité spatiale de chaque parcelle pour moduler l’application des intrants selon les besoins précis des plantes. Cette agriculture de précision permettrait donc d’augmenter la productivité de la ferme, mais surtout de réduire les impacts environnementaux de l’agriculture comme les émissions de N2O qui découlent de la surutilisation d’engrais azotés. (Boutros, 2019, 31 juillet)

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