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5. LES TECHNOLOGIES D’AGRICULTURE DE PRÉCISION AU SERVICE DE L’ADAPTATION

5.1 Technologies de guidage

Les machineries agricoles sont de plus en plus équipées de systèmes de positionnement GPS et de systèmes de guidage. Il existe une multitude de combinaison de ces systèmes sur le marché avec des niveaux de précision différents (CRAAQ, 2015; Lizotte, Beaulieu et Legaré, 2018). Ils peuvent être utilisés pour la plupart des opérations dans le champ, telles que le semis, le travail du sol, l’application de fertilisants, la récolte, etc. Les technologies de guidage ont été développées en deux systèmes distincts, soit l’assistance à la conduite et l’autoguidage.

5.1.1 Assistance à la conduite et autoguidage

Les systèmes d’assistance à la conduite aident l’opérateur du véhicule agricole à garder le cap en l’informant à l’aide de voyant lumineux (lightbar ou barre de guidage) d’une erreur de trajectoire afin que ce dernier la corrige manuellement. Les systèmes d’autoguidage sont entièrement intégrés aux véhicules et maintiennent automatiquement la trajectoire prédéfinie avec un niveau de précision élevé,

TECHNOLOGIES D’AGRICULTURE DE PRÉCISION (TAP) TECHNOLOGIES DE GUIDAGE Agriculture à circulation contrôlée Assistance à la conduite Autoguidage TECHNOLOGIES DE MESURE TECHNOLOGIES DE RÉACTION Cartographie des sols Cartographie du couvert végétal Mesure de l’humidité du sol Système de positionnement GPS Irrigation à taux variable Désherbage physique de précision Application à taux variable Fertilisants Pesticides Semences

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sans que l’opérateur ait besoin de conduire. Étant donné sa plus grande précision, les avantages des systèmes d’autoguidage sont plus marqués que les systèmes d’assistance à la conduite. Par contre, l’investissement nécessaire est plus important, notamment pour l’acquisition d’un système de correction RTK (Real-Time Kinematic) dont la précision atteint environ 2,5 cm (Lizotte et al., 2018). De façon générale, les coûts d’acquisition et d’opération augmentent en fonction de la précision des systèmes (CRAAQ, 2015). Selon le dernier recensement de l’agriculture (2016), près de 4700 fermes (17 %) utilisaient la technologie GPS et plus de 2000 (7 %) fermes utilisaient l’autoguidage pour leurs opérations (Statistique Canada, 2018b; Boudreau, 2018).

Les avantages des systèmes de guidage sont multiples. Principalement, ils permettent d’augmenter l’efficacité globale des opérations culturales en réduisant notamment le chevauchement des applications d’intrants (semences, fertilisants, pesticides, etc.). Cela se traduit par des économies de carburant, de temps et d’intrants, ce qui entraine une réduction des coûts associés, ainsi qu’une diminution de la fatigue de l’opérateur. Par exemple, une étude américaine rapporte des économies de temps et de carburant d’environ 6 % pour les agriculteurs utilisant des systèmes d’assistance à la conduite et d’environ 11 % pour les systèmes d’autoguidage (Bora, Nowatzki, et Roberts, 2012). De même, la diminution de la consommation de carburant et d’engrais contribue à réduire les émissions de GES. Par exemple, l’étude de Tremblay et al. (2013) rapporte une diminution de la consommation de carburant, et donc d’émissions GES, variant de 8 à 14 % pour les opérations de semis et de travail du sol. Enfin, la plus grande précision des passages de la machinerie dans les voies de circulation permet de minimiser la compaction du sol (voir section 4.1.3). Cela constitue le principal avantage des systèmes de guidage par GPS en ce qui concerne l’adaptation aux CC des pratiques agricoles. (Tremblay et al., 2013; Soto et al., 2019) Afin de maximiser les avantages des technologies de guidage, les agriculteurs peuvent prendre la voie de l’agriculture à circulation contrôlée.

5.1.2 Agriculture à circulation contrôlée

L’ACC est un système qui restreint le passage de la machinerie à la zone la plus petite possible en établissant des voies de circulation permanentes. Normalement, les différentes largeurs de la machinerie et des voies de circulation font en sorte que les agriculteurs circulent de façon aléatoire dans le champ, ce qui peut mener à un roulement sur près de 85 % de la superficie cultivée. L’objectif principal de l’ACC est donc de limiter le risque de compaction du sol au plus petit pourcentage de surface du champ possible. Pour ce faire, toutes les machines doivent avoir une largeur de travail et de roulement identique (ou modulable), ce qui nécessite la plupart du temps d’adapter les machines agricoles ou

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même de les remplacer. (Antille et al., 2015) Aussi, pour obtenir des résultats optimaux, l’ACC nécessite d’utiliser un système de positionnement précis (p. ex. correction RTK) combiné à un système d’autoguidage. Par contre, Lizotte et al. (2018) affirment que l’utilisation d’un système GPS avec une correction moins précise, mais gratuite, de type WAAS (Wide Area Augmentation System) permettrait d’implanter l’ACC au Québec à plus grande échelle en raison de la plus grande simplicité du système et des coûts d’investissement et d’opération plus faibles. Ils estiment que l’investissement nécessaire pour la conversion à l’ACC pourrait varier entre 131 000 $ et 178 000 $.

L’évitement de la compaction du sol permet entre autres de préserver sa structure et d’améliorer ses fonctions comme l’infiltration et la rétention d’eau, ainsi que d’augmenter la séquestration de carbone dans le sol (McHugh, Tullberg et Freebairn, 2009). Aussi, les différents bénéfices de l’ACC, tels que l’amélioration de la structure et de l’aération du sol et la réduction de la consommation de carburant, mènent à des réductions importantes des émissions de GES. Par exemple, Antille et al. (2015) mentionne qu’une réduction des émissions de N2O de 20 à 50 % par rapport à la circulation aléatoire est possible avec l’ACC. L’adoption de l’ACC peut également mener à des gains économiques significatifs. Premièrement, l’augmentation de l’efficacité des opérations culturales permet de réduire les coûts associés (main d’œuvre, intrants, carburants). Deuxièmement, l’amélioration des propriétés physiques du sol dans les zones sans circulation de la machinerie peut conduire à des rendements plus élevés dans ces zones. Lizotte et al. (2018) estiment que des gains de rendement moyens de 8 % sur 200 ha permettraient de rentabiliser un investissement de 200 000 $ sur 10 ans.

Par ailleurs, l’implantation de l’ACC pourrait faciliter l’adoption des pratiques agricoles de conservation, pour lesquelles la compaction du sol est souvent une contrainte. En effet, la combinaison de l’ACC et des pratiques de conservation, telles que le travail réduit du sol, le semis direct, la rotation des cultures et les cultures de couverture de légumineuses, pourrait amplifier les effets bénéfiques de ces pratiques et mener à des rendements plus élevés, une réduction de l’application d’engrais azotés, une diminution de la consommation de carburant, une réduction des émissions de GES (CO2 et N2O), ainsi qu’une diminution des besoins en eau des cultures en raison d’une meilleure rétention d’eau dans le sol et un meilleur enracinement. (Soto et al., 2019)

Bref, l’adoption généralisée de l’ACC pourrait potentiellement accroitre la résilience des fermes face aux évènements climatiques extrêmes (sécheresse et précipitations intenses), en plus de contribuer à l’atténuation des CC et d’augmenter leur productivité (McPhee, 2009). Il s’agit donc d’une avenue

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intéressante pour l’adaptation aux CC des fermes du Québec, notamment pour les fermes de grandes cultures et maraîchères.