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Chapitre 2 – Immigration des Iraniens

5. L’émigration des Iraniens en Amérique du Nord

5.1. Aux États-Unis

5.1.5. Travail autonome et entrepreunariat

Les Iraniens sont l’un des groupes les plus entrepreneuriaux aux États-Unis avec un taux d’entrepreunariat de 21,8 % en 2000. Quant à la proportion de travailleurs autonomes, elle est de 11,8 %, presque le double de celle du reste de la population née à l’étranger (Hakimzadeh et Dixon, 2006 : 6). À leur sommet, en 1990, les Iraniens se placent au troisième rang parmi les grands groupes de travailleurs autonomes, après les Grecs et les Coréens, parmi les 35 plus grands groupes d’immigrants aux États-Unis. Cependant, contrairement à certaines autres ethnies, ce n’est pas une incapacité à s’adapter au marché due à la faible connaissance de la langue, par exemple, qui explique que les Iraniens ont recours à ce type de travail. En général, il s’agit d’une expérience de travailleur autonome avant leur migration, particulièrement chez les membres des minorités iraniennes, comme les Arméniens et les Juifs, qui travaillent dans les secteurs classiques du cadre intermédiaire. De plus, la disponibilité du capital et la présence de professionnels très qualifiés tels que des médecins, des dentistes et des avocats contribuent à ce taux élevé d’entrepreunariat chez les Iraniens (Bozorgmehr, 2007 : 473).

Historiquement, les Juifs et les Arméniens jouent le rôle de minorités très présentes dans le secteur du commerce au sein de différentes sociétés (Zenner, 1991). Plusieurs individus issus de ces deux minorités iraniennes à Los Angeles travaillaient dans ce genre de commerce avant même leur migration et cette expérience facilite l’établissement de leur commerce en réseau économique (Der- Martirosian, 1996). De plus, cette expérience leur apprend les ressources traditionnelles de l’entrepreunariat (Light et Gold, 2000 : 107-108), qui comprennent comment faire des affaires et leur fonctionnement en situation de minorités, en limitant les conflits avec la société hôte. Rappelons qu’ils ont aussi l’avantage de

profiter de l’aide des membres non-Iraniens de leur religion aux États-Unis (Min et Bozorgmehr, 2000 : 723). Le recours d’une grande partie des musulmans et des bahaïs iraniens au travail autonome, même en ayant terminé des études supérieures aux États-Unis et sans avoir eu de difficultés à trouver des occupations professionnelles, n’est attribuable qu’aux avantages de l’indépendance : avoir des gains supérieurs (Mobasher, 1996), d’une part, éviter la discrimination apparue après la crise des otages américains en Iran (Bozorgmehr et Sabagh, 1991), d’autre part.

Il en découle que l’existence de cette différence de motifs pour se lancer en affaires, combinée à la diversité des ressources ethniques par opposition à celles des classes, mène à entreprendre différentes expériences en affaires, autant par le type, la taille et la localisation. En ce qui a trait aux deux premiers, selon les données du PUM (Public Use Microdata) du recensement américain de 1990 dans la région de Los Angeles, les personnes détenant des certificats professionnels sont concentrées dans les affaires professionnelles et qui demandent des capitaux importants, telles que des entreprises médicales, des agences immobilières, la fabrication de vêtements et la construction. Alors que certaines études insistent sur le rôle de réseaux dans la création des niches30 (Waldinger et Der-Martirosian, 2001), leur rôle n’est pas garanti lorsqu’il s’agit de niches des domaines professionnels tels que l’ingénierie et la médecine. En fait, chez les Iraniens, la part de l’éducation et des compétences dans la détermination de ces niches est plus forte que celle des réseaux ethniques. D’ailleurs, la comparaison avec les entreprises des Coréens et celles des Iraniens en 1990 révèle que 90 % des propriétaires de commerces de vêtements coréens travaillaient en sous-traitance avec des propriétaires blancs fabricants de vêtements (principalement des Juifs), tandis que la majorité des fabricants iraniens étaient des propriétaires indépendants. De même, les entreprises des commerçants juifs d’origine iranienne associées aux biens fabriqués étaient souvent plus importantes que celles des Coréens (Min et Bozorgmehr, 2000 : 725).

30 Une niche est définie comme « an occupation in which a group is overrepresented by 50 percent

À propos de la localisation des entreprises, force est d’admettre que celles des Iraniens ne sont pas souvent localisées dans le voisinage des Noirs et des Hispaniques. Cela est attribuable au fait que les immigrants iraniens graduant aux niveaux supérieurs aux États-Unis et possédant un capital suffisant ne sont pas intéressés à faire des affaires dans les quartiers des minorités où le risque de violence et de vol à l’étalage est plus élevé. C’est pourquoi les commerces iraniens sont localisés souvent dans les quartiers blancs de classe moyenne comme Westside, Western San Fernando Valley, le centre-ville de Los Angeles et Glendale (Light et al. 1994). Par ailleurs, il n’y a qu’un très petit nombre des commerces de la communauté iranienne de Los Angeles qui sert spécifiquement des clients iraniens. En fait, alors que le développement d’une communauté territoriale est la condition préalable des commerces en enclave, les immigrants iraniens à Los Angeles n’ont pas d’enclave ethnique (ibid.). Ainsi, les entreprises de ces immigrants, comme leurs résidences, ne sont pas, en général, géographiquement concentrées. Autrement dit, ils n’y a pas, selon son vrai sens, une « économie d’enclave ethnique », c’est-à-dire une concentration géographique des entreprises. Il n’y a pas, comme pour d’autres communautés ethniques ou raciales, un petit Téhéran ou un quartier iranien. Par contre, Los Angeles est nommée par les Iraniens « Irangeles » ou « Tehrangeles » (Bozorgmehr, 2007 : 474). Cependant, on ne peut pas nier l’existence d’un petit nombre de commerces iraniens, principalement des épiceries et des restaurants servant surtout leurs compatriotes ou encore des petits commerces domestiques, comme des salons de beauté, s’adressant aux autres femmes iraniennes (Dallalfar, 1996).

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