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Chapitre 1 Immigration au Canada

3. Après la Seconde Guerre Mondiale

La politique d’immigration d’après-guerre est annoncée à la chambre des communes en mai 1947 par le premier ministre de l’époque, William Mackenzie King.

3.1. Les politiques de l’immigration

La politique de l’immigration vise la croissance de la population, l’amélioration du niveau de vie des Canadiens, l’aide au développement des ressources canadiennes, le développement du marché intérieur ainsi que la réduction de la dépendance à l’exportation des produits primaires. Selon cette politique, l’immigration devient sélective en ce qui concerne la capacité absorptive; le gouvernement doit déterminer, chaque année, le nombre des personnes que l’économie peut absorber. Le premier ministre n’a pas l’intention de modifier « la composition fondamentale de la population canadienne » et il est contre l’immigration en masse venue de l’Orient. Néanmoins, les conditions exigent des ouvertures pour l’admission des réfugiés. Le Canada espère choisir des réfugiés pouvant avoir un impact économique positif pour le pays; il refuse,

pour ce motif, les Juifs, autant que possible, ainsi que les individus soupçonnés d’être des porteurs de certaines opinions politiques jugées néfastes (Smith, 2003 : 71).

Les catégories admissibles au Canada en 1947 sont les suivantes :

a) les sujets britanniques nés ou naturalisés en Grande-Bretagne, en Irlande, à Terre- Neuve, en Nouvelle-Zélande, en Australie ou dans l’Union sud-africaine;

b) les citoyens des États-Unis;

c) l’épouse, la mère ou le père, le frère ou la sœur célibataire, les enfants célibataires, le fiancé ou la fiancée de résidents légaux du Canada, le neveu orphelin ou la nièce orpheline de moins de 16 ans;

d) les agriculteurs pouvant s’implanter au Canada.

À la suite de la démission de King du poste de premier ministre en 1948, son successeur, Louis Saint-Laurent, confirme l’importance qu’il accorde à l’immigration en créant le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration en 1950. À partir de 1949, les citoyens et citoyennes français en provenance de la France s’ajoutent aux catégories admissibles. Les nouveaux règlements assouplissent les restrictions touchant l’arrivée des immigrants en provenance d’Allemagne et des Indes britanniques, divisée à ce moment entre le Pakistan et l’Inde. En 1951, le Canada signe enfin la Convention de Genève sur le statut des réfugiés. La nouvelle Loi de l’immigration en 1952 donne au ministre et à ses agents le pouvoir de sélectionner, d’admettre et de déporter les immigrants. Les critères de sélection portent sur les bases de la nationalité, de la région géographique, de l’origine, des coutumes, des habitudes de vie, des manières de vivre, de l’inhospitalité du climat, de l’incapacité à s’assimiler facilement et d’autres motifs similaires (Hawkins, 1972 : 101-106). En 1956, Les Britanniques arrivent en grand nombre. L’immigration est un moyen politique pratique dans les mains du gouvernement qui en profite pour augmenter sa popularité. Cela l’amène à créer un programme de transport gratuit, nommé « Air Bridge to Canada ». En 1957, 282 164 immigrants entrent au Canada, ce qui constitue un record depuis 1914 (Smith, 2003 : 73). Cependant, le nouveau visage de plus en plus urbain et industriel du pays conduit

une grande majorité des immigrants de l’après-guerre vers les villes. Toronto et Montréal jouent les premiers rôles dans cette attirance.

3.2. L’abolition de la discrimination raciale

En 1957, le Parti conservateur reprend le pouvoir, pour la première fois depuis le début des années 1930. L’initiative la plus importante de ce gouvernement est l’abolition des conditions raciales déterminant l’immigration en 1962. Selon cette réforme, « l’instruction, la formation et les aptitudes des aspirants-immigrants sont considérées comme les plus importantes conditions de l’admissibilité, indépendamment de la nationalité ou du pays d’origine du requérant » (Gouvernement du Canada, Bureau fédéral de la Statistique, 1964 : 205). Les nationaux d’Afrique, d’Asie, d’Amérique latine et des Antilles peuvent dorénavant avoir accès à la catégorie d’immigrants non parrainés. L’établissement de nouveaux règlements envoi le message que la politique du Canada blanc est morte, alors qu’elle a été en vigueur pendant très longtemps. Ce changement de cap important n’est apparemment pas le résultat d’un débat parlementaire ou d’une demande publique, mais une nécessité étant donné que le Canada n’est plus capable de jouer efficacement son rôle au sein d’une Organisation des Nations Unies ou d’un Commonwealth multiracial tout en s’attachant à une politique d’immigration discriminatoire et raciste. Cette décision contribue sans doute autant à améliorer l’image internationale du Canada qu’à assurer son efficacité lors de la fin des empires et de la fondation de nouveaux États indépendants (Hawkins, 1991 : 39).

3.3. Mise en œuvre du système de points

La fin des années 1960 marque également d’autres changements administratifs. En 1966, la responsabilité de l’immigration est attribuée cette fois au nouveau ministère de la Main-d’œuvre et de l’Immigration qui doit prendre la responsabilité de former les immigrants non qualifiés. De plus, à partir du premier octobre 1967, un nouveau système de points pour la sélection des immigrants et le calcul de leur admissibilité est créé et mis en œuvre. Ce système se base sur l’utilisation d’une grille de sélection en

matière de critères économiques et socioéconomiques dits « objectifs ». L’aspect socioéconomique des critères se fonde sur l’évaluation subjective de l’agent de l’immigration. Les points sont attribués selon neuf éléments, dont l’éducation, l’expérience et la connaissance de l’anglais et du français. L’autre initiative de cette année 1967 a trait à la fondation de la Commission d’appel de l’immigration (CAI), le plus important tribunal administratif indépendant au Canada auquel font appel ceux qui n’ont pas pu obtenir l’autorisation d’entrer ou qui font face à la déportation. Cette commission s’occupe donc de certains problèmes difficiles reliés aux immigrants illégaux ainsi que de l’octroi de l’asile aux réfugiés. En 1969, le Canada signe le Protocole des Nations Unies sur les réfugiés, garantissant la protection de ces derniers à l’intérieur des frontières nationales, protocole que le Canada n’avait pas encore signé, principalement parce que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) croyait qu’il restreindrait le droit du pays à déporter des réfugiés menaçant la sécurité nationale (Whitaker, 1987 : 57-58).

3.4. Les changements démographiques

Cette brève histoire montre que les catastrophes politiques de la Seconde Guerre mondiale ont eu pour conséquence un grand nombre de personnes déplacées et de réfugiés. En plus de l’entrée des Polonais et des Ukrainiens, les Juifs et les Baltes2 arrivent en avril 1947 et en mars 1950, et la révolution hongroise de 1956 et celle tchécoslovaque de 1968 résultent aussi en l’entrée de réfugiés provenant de ces pays au Canada. Ces groupes comprennent des individus qualifiés. Par exemple, « parmi les Polonais, il y a un groupe d’environ 4500 anciens militaires dont l’admission se fait en vertu d’un programme spécial juste après la guerre » (Burnet et Palmer, 1991 : 46). Les réfugiés juifs venant de Pologne, de Hongrie, d’Égypte et d’Afrique du Nord sont attirés par les villes de Toronto et de Montréal. Au cours de 1970-1971, un peu plus que 200 Tibétains sont admis après l’occupation du Tibet par la Chine. En 1972, après l’expulsion des Asiatiques de l’Ouganda gouverné par Idi Amin Dada, 7000 Asiatiques sont admis. De même, 7000 réfugiés sont admis du Chili suivant le coup d’État des

militaires contre le gouvernement de Salvador Allende (Kelley et Trebilcock, 2000 : 347-348).

Le développement économique et social ainsi que la politique d’immigration du Canada favorisent l’arrivée vers les régions urbaines de gens spécialisés des classes moyenne et supérieure. L’abandon des restrictions à l’immigration des Noirs, des Asiatiques, des Japonais et des Antillais de couleur permet leur entrée dans une large mesure. Notons que durant la décennie 1960, des bandes d’immigration illégale sont assez habiles pour contourner la procédure normale et amener les immigrants d’origine chinoise au Canada. D’ailleurs, l’immigration en grand nombre d’individus provenant des régions rurales de l’Europe du Sud3 est due au parrainage de ces groupes par des parents plus qu’à une sélection selon leur niveau de compétences. En 1971, les immigrants d’origine italienne prennent la position la plus importante après les catégories britannique, française et allemande. De plus, les immigrants provenant de l’Inde, du Pakistan et du Sri Lanka forment les principaux groupes composant l’immigration au Canada (Burnet et Palmer, 1991 : 45-51).

3.5. La situation du Québec

En ce qui a trait au Québec, alors qu’après la Seconde Guerre mondiale, de 1946 à 1971, plus de 3,5 millions d’immigrants sont admis au Canada, seulement 15 % de ce nombre s’établit au Québec et encore, parmi tous ces arrivants, seuls 5 % sont francophones avant leur immigration. Ainsi, la majorité de ces immigrants tentent de faire grandir leurs enfants dans un milieu anglophone plutôt que francophone. À cette tendance s’ajoute également, à partir des années 1960, la baisse du taux de fertilité au Québec, qui devient le moins élevé au Canada et le troisième plus bas parmi les pays industrialisés pendant les années 1980 (Kelley et Trebilcock, 2000 : 362). Ces nouvelles réalités amènent le gouvernement du Québec de 1968 à réagir de deux façons : d’une part, en créant, indépendamment de son propre ministère de l’Immigration, des structures capables de faciliter l’adaptation des immigrants au milieu québécois et,

d’autre part, en adoptant le projet de loi 63 pour assurer que les immigrants au Québec apprennent le français. Les agents de ce ministère font des démarches actives dans plusieurs régions francophones du monde afin d’inciter l’émigration au Québec (Hawkins, 1972 : 227-229).

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