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PARTIE 2 – RÉSULTATS SUR LES NAISSANCES

2. Description et évolution depuis 2010 en métropole

2.5. Travail et accouchement

Les caractéristiques du lieu d’accouchement ont beaucoup changé. Cette évolution fait suite à une concentration des naissances dans les maternités spécialisées de type II et III, publiques, et de grandes tailles, observée depuis une longue période (Blondel et al., 2005 ; Blondel et al., 2012). Entre 2010 et 2016, la proportion des accouchements dans les maternités privées est ainsi passée de 28,4 % à 23,4 %, et celle dans les Centres Hospitaliers Universitaires (CHU) de 17,7 % à 19,8 % (Tableau 31). Les accouchements sont également moins nombreux dans les maternités de type I. Par ailleurs, la proportion des accouchements dans les maternités de plus de 3 000 accouchements par an est passée de 18,7 % à 29,0 %. Ceci correspond à l’évolution de la structure des établissements décrite dans la partie de ce rapport sur les établissements d’accouchement.

Le temps parcouru par les femmes pour aller accoucher n’a en revanche pas changé depuis 2003. En 2016, 7,2 % des femmes ont déclaré avoir mis 45 minutes ou plus pour se rendre à la maternité.

Entre 1998 et 2003, nous avions constaté que la diminution du nombre de maternités n’avait pas beaucoup affecté les distances parcourues pour aller accoucher, mais cela avait réduit de manière importante le nombre de maternités à proximité de la résidence des femmes, limitant ainsi leurs possibilités de choix (Combier et al., 2004 ; Pilkington et al., 2008 ; Pilkington et al., 2012).

La part des femmes qui ont eu un déclenchement du travail n’a pas augmenté entre 2010 et 2016 et est égale à 22,0 %, alors que cette pratique avait augmenté entre 2003 et 2010 (3 points de pourcentage de plus) (Tableau 32). En cas de déclenchement, dans près des deux tiers des cas, une méthode de maturation du col est employée. Les prostaglandines sont utilisées dans la plupart des cas pour la maturation cervicale (90,1 % des femmes ayant eu une maturation) et l’utilisation de

9 Durée entre l’heure de rupture ou la fissuration des membranes et la naissance de l’enfant.

méthodes mécaniques, telles que les laminaires ou encore le ballonnet supra-cervical, est observée pour 8 % des maturations cervicales. La fréquence des césariennes réalisées avant travail (programmées ou non) a diminué, passant de 11,0 % en 2010 à 9,4 % en 2016 (Tableau 32).

La manière de prendre en charge le travail a beaucoup évolué entre 2010 et 2016. Chez les femmes en travail spontané ou ayant eu un déclenchement du travail, on assiste à une diminution importante de l’utilisation de l’oxytocine, de 64,1 % des femmes concernées en 2010 à 52,5 % en 2016 ; chez les femmes en travail spontané, ces taux sont passés de 57,6 % en 2010 à 44,3 % en 2016 (Tableau 32).

Une diminution importante des ruptures artificielles des membranes (RAPDE) est également observée, de 51,1 % des femmes en travail spontané en 2010 à 41,4 % en 2016. Ces deux tendances sont complémentaires dans une perspective de diminution des interventions médicales réalisées durant le travail, et vont dans le sens des données scientifiques actuelles, qui recommandent de ne réaliser ces interventions qu’en cas de dystocie du travail (Dupont et al., 2017). De par leur fréquence, la pratique de ces deux interventions semble toutefois toujours s’étendre au-delà du diagnostic posé de dystocie, en 2010 comme en 2016.

Un recours moins fréquent à l’oxytocine est ainsi observé avant la diffusion des recommandations du Collège national des sages-femmes de France en 2017, en faveur d’une utilisation raisonnée de l’oxytocine durant le travail spontané. De tels changements amorcés avant la publication et la diffusion de recommandations avaient déjà été observés pour d’autres pratiques dans les années 2000. Par exemple, avant la mise en place des recommandations de 2005 (CNGOF, 2006), les taux d’épisiotomies avaient commencé à diminuer de manière significative dans quelques maternités ; cette diminution s’était ensuite poursuivie et étendue à l’échelle nationale (Blondel et al., 2012 ; Vendittelli et al., 2012). En fait, l’élaboration de recommandations se fait à l’issue d’un processus de remise en question des pratiques existantes à partir des nouvelles données scientifiques, par des groupes de professionnels reconnus comme des leaders d’opinion ; il peut donc se produire des changements de pratiques dans ces groupes avant la publication de nouvelles recommandations.

La part des naissances par voie basse non instrumentale est similaire à celle rapportée en 2010 (67,4 % des naissances en 2016) (Tableau 33). La ventouse représente en 2016, comme en 2010, le principal instrument utilisé par les obstétriciens en cas de réalisation d’une extraction instrumentale (49,8 % des naissances par voie basse instrumentale), devant les forceps et les spatules (respectivement 27,6 % et 22,6 % des naissances par voie basse instrumentale).

En 2016, près de 60 % des naissances sont réalisées par une sage-femme, soit une nette augmentation depuis 2010, où les sages-femmes ne réalisaient que 53,8 % des naissances (Tableau 33). Cette différence ne peut pas s’expliquer par des modifications des pratiques

médicales, car la part des accouchements par voie basse instrumentale ou celle des césariennes n’ont pas ou peu évolué entre les deux enquêtes. En cas de naissance par voie basse non instrumentale, la part des accouchements réalisés par une sage-femme est passée de 81,8 % des naissances en 2010 à 87,4 % en 2016 (Tableau 34). Cette variation s’explique notamment par une augmentation des accouchements par voie basse non instrumentale réalisés par une sage-femme dans le secteur privé (57,6 % des naissances en 2016 contre 45,4 % en 2010), en raison de changements dans l’organisation des soins dans ces maternités.

Parmi les femmes ayant accouché par voie basse, près de 89 % étaient en décubitus dorsal (allongées ou semi-allongées) au début des efforts expulsifs, et 8,4 % en décubitus latéral (deuxième position la plus fréquemment utilisée) (Tableau 34). Au moment de l’expulsion, 95,5 % des femmes étaient sur le dos. Chez les femmes ayant accouché par voie basse non instrumentale, la part de celles en décubitus dorsal au moment de l’expulsion est similaire, de 94,7 %.

La diminution de la fréquence des épisiotomies se poursuit et, en 2016, 34,9 % des primipares et 9,8 % des multipares ayant accouché par voie basse en ont eu une (Tableau 34). Cet acte a très nettement diminué au cours du temps, puisqu’il était réalisé en 1998 chez 71,3 % des primipares et 36,2 % des multipares, et en 2010 chez 44,8 % des primipares et 14,4 % des multipares (Blondel et al., 2012). Cette évolution fait suite à un consensus international sur l’absence de bénéfices d’une épisiotomie systématique dans la prévention des troubles périnéo-sphinctériens, et de la volonté des professionnels de répondre aux demandes des femmes (CNGOF, 2006). Elle ne s’accompagne pas d’une augmentation de la fréquence des lésions périnéales sévères (périnée complet ou complet compliqué).

La part des femmes ayant bénéficié d'une administration prophylactique d’oxytocine en prévention d’une hémorragie du post-partum (HPP) a augmenté, passant de 83,3 % en 2010 à 92,7 % en 2016 (Tableau 33). Ces résultats montrent que les recommandations pour la pratique clinique de 2004 (CNGOF), mises à jour en 2014, se sont généralisées (Sentilhes et al., 2014).

L’utilisation d’une analgésie locorégionale neuraxiale chez les femmes qui ont eu un travail spontané ou déclenché (tentative de voie basse) a augmenté entre 2010 et 2016 ; l’augmentation concerne uniquement l’analgésie péridurale (APD) (82,6 % des femmes ayant eu une tentative de voie basse, contre 78,1 % en 2010) (Tableau 35). La fréquence des rachianalgésies et rachianalgésie-péridurale combinées (RPC) est stable et très faible en cours de travail (elles concernent moins de 1 % des femmes ayant eu une tentative de voie basse).

Parmi les femmes qui ont eu une APD ou une RPC, un peu plus de la moitié ont pu utiliser une PCEA (patient controlled epidural analgesia) pour gérer elles-mêmes la douleur du travail. En 2010, la part des APD avec PCEA était moindre (35,6 %) mais cette fréquence a pu être sous-estimée : l’information était recueillie dans le dossier médical de la patiente et pouvait ne pas être toujours renseignée, alors qu’en 2016 la question était directement posée aux femmes. L’augmentation du recours à la PCEA en cas d’APD présente de nombreux avantages : la PCEA permet de réduire la consommation d’anesthésiques locaux et donc la survenue de bloc moteur, réduit le nombre de bolus complémentaires administrés en raison d’une analgésie insuffisante et entraîne une diminution du nombre d’interventions humaines, et la satisfaction maternelle est importante (van der Vyver et al., 2002).

En 2016, plus de 35 % des femmes ont rapporté avoir utilisé une méthode non médicamenteuse pour gérer la douleur durant le travail, seule ou en association avec une analgésie médicamenteuse, comme une APD. Ce pourcentage était de 14,3 % en 2010 (Tableau 35). Les méthodes utilisées ainsi que leur efficacité prouvée sont très variées (marche, postures, hypnose, acupuncture etc.). Il est très probable que cette évolution est à la fois le reflet de modifications de pratiques au sein des maternités (qui proposeraient plus souvent aux femmes des méthodes alternatives ou complémentaires à l’APD), mais également le reflet de comportements différents des femmes entre les deux enquêtes : demandes plus importantes de pouvoir utiliser des méthodes non médicamenteuses et déclaration plus fréquente de leur utilisation.

En cas de césarienne, 94,3 % des femmes ont eu une péridurale ou une rachianesthésie et 5,7 % une anesthésie générale ; en cas de voie basse instrumentale, ces pourcentages sont respectivement de 95,3 % et 0,3 %. À noter que parmi les 54 femmes n’ayant pas eu d’analgésie lors de leur accouchement par voie basse instrumentale, 45 ont eu une extraction par ventouse. La proportion de femmes n’ayant pas eu d’analgésie en cas d’extraction instrumentale n’a pas diminué entre 2010 et 2016, alors que ces situations devraient être évitées. La proportion des anesthésies générales lors d’une césarienne ou d’une voie basse instrumentale est stable au cours de cette période et 3,6 % de ces accouchements sont concernés.

Le Tableau 36 présente les demandes des femmes à propos de leur accouchement. En 2016, très peu de femmes ont déclaré être venues à la maternité avec des demandes particulières concernant le déroulement de leur accouchement : seules 3,7 % des femmes avaient rédigé un projet de naissance et 17,2 % ont fait part de leurs demandes à l’arrivée à la maternité. La part des femmes interrogées qui avaient des demandes et qui n’ont pas pu les exprimer aux professionnels de santé est faible (1,9 %). Parmi les femmes ayant émis des souhaits particuliers, 80,2 % ont estimé que l’équipe y avait

répondu de manière très satisfaisante , compte tenu du déroulement de l’accouchement. Seulement 14,6 % des femmes ne souhaitaient pas d’APD avant leur accouchement, et 21,1 % étaient indécises.

Les femmes sont globalement satisfaites de la méthode reçue pour gérer la douleur et pour les aider pendant les contractions (61,3 % étaient très satisfaites et 27,0 % plutôt satisfaites), mais il existe une marge de progression pour améliorer le confort des femmes durant le travail, puisque 11,7 % d’entre elles étaient peu ou pas du tout satisfaites de la méthode reçue.

Si la fréquence des césariennes réalisées avant travail a diminué (Tableau 32), la fréquence de l’ensemble des césariennes n’a pas diminué de manière significative depuis 2010 et 20,2 % des naissances sont concernées en 2016 (Tableau 33). L’évolution concernant la diminution du nombre de césariennes est observée principalement chez les multipares ayant un utérus unicicatriciel, chez lesquelles cette fréquence est passée de 57,5 % en 2010 à 50,2 % en 2016 (Tableau 37) (Tableau 38).

La fréquence des césariennes chez les femmes ayant un utérus multicicatriciel, un fœtus en présentation du siège ou une grossesse multiple n’a pas diminué (Le Ray et al., 2015).

Le mode de début de travail ainsi que le mode d’accouchement varient de manière importante en fonction de l’âge gestationnel et du poids de naissance (Tableau 39). La proportion de césariennes avant travail diminue avec l’augmentation de l’âge gestationnel et du poids de naissance jusqu’à 40 SA et 3 500 - 3 999 g. Les déclenchements sont très peu fréquents avant 35 SA et deviennent nombreux à partir de 41 SA, s’expliquant par la prise en charge spécifique des grossesses prolongées ou celles dont le terme est dépassé, conformément aux recommandations pour la pratique clinique de 2011 (Vayssiere et al., 2013). De manière globale, en 2016, 45,3 % des enfants nés avant 35 SA sont nés après un travail déclenché ou une césarienne avant travail, ainsi que 52,8 % des enfants dont le poids de naissance est inférieur à 2 000 g. Ces fréquences sont plus faibles que celles observées en 2010, où elles étaient respectivement égales à 47,2 % et 60,7 % (Blondel et al., 2012) ; la diminution concerne à la fois la fréquence des déclenchements et la fréquence des césariennes avant travail.

Le taux global de césarienne diminue avec l’âge gestationnel et le poids de naissance jusqu’à 40 SA et 3 000 - 3 499 g, avant d’augmenter de nouveau (Tableau 39). La fréquence des extractions instrumentales augmente, elle, de manière continue avec l’âge gestationnel et le poids de naissance de l’enfant, jusqu’à 3 500 g.