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Le traumatisme selon F ERENCZY et selon Anna F REUD

Dans le document APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA RÉSILIENCE (Page 48-51)

II. 1.1.2. ....Deuxième période : le traumatisme comme effraction du pare-excitations

II.1.2. Le traumatisme selon F ERENCZY et selon Anna F REUD

II.1.2.1. La conception Ferenczienne du traumatisme

FERENCZI est le premier à rompre avec la conception freudienne, en avançant que la nature du trauma est à rechercher dans la réalité de la séduction de l’adulte sur l’enfant. Dans son article intitulé « Confusion de langue entre les adultes et l’enfant » (1933), il pose que la relation entre l’adulte et l’enfant est dissymétrique dans le sens où l’adulte répond à l’enfant, par les soins qu’il lui prodigue, de manière sexualisée. Or, ce petit être, non-préparé, reçoit un afflux d’excitations sexuelles qui prennent la valeur d’un « viol psychique – viol de la pensée et de l’affect – par disqualification de l’affect et par le déni de la reconnaissance de l’affect et de l’éprouvé par l’objet (la mère, ou son tenant lieu), ce qui conduit alors à la création d’un trauma par une « confusion des langues » entre le langage de la tendresse de l’enfant face au langage de la passion (passionnel) tenu par l’adulte. »99. Cette effraction occasionne alors la sidération du moi, une agonie psychique. Il précise ensuite que le traumatisme a son origine à la fois dans les réponses inappropriées de l’adulte, mais aussi dans les réponses qui font défaut.

En 1932, dans Le Journal Clinique, FERENCZI décrit les réactions du psychisme face à l’effet destructeur du traumatisme, à savoir la nécessité qu’il a d’adopter des stratégies de survie, comme la sidération, la fragmentation, le clivage. L’état de sidération, qui est la première stratégie mise en place, met en échec le travail de pensée, mais elle permet également de préserver le psychisme, de mettre en attente le traumatisme pour une liaison ultérieure. En ce qui concerne les deux autres stratégies, la fragmentation du moi « réalise une

97 S. FREUD (1939). L’homme Moïse et la religion monothéiste. Paris : Gallimard, 1986. p. 163.

98 S. FREUD (1939). Ibid. p. 163.

99 T. BOKANOWSKI. op. cit. 1999. p. 75.

forme de clivage : une partie de la personne continue à vivre et se développe, tandis qu’une autre, enkystée, subsiste en état de stagnation, apparemment inactivée, mais prête à se réactiver à toute occasion. »100. Le risque est alors de ne pouvoir dépasser ce fonctionnement psychique de survie, ce qui entraverait tout travail de liaison psychique du vécu traumatique.

Mais, pour Simone KAURF-SAUSSE (2001), ces traumatismes enkystés se réveilleront, ils sont toujours en attente d’élaboration, seulement leur réactivation peut se faire longtemps après la survenue du trauma.

Il nous semble que l’on peut rapprocher ces stratégies de survie décrites par FERENCZI à celles qui ont été étudiées suite à la Deuxième Guerre Mondiale, plus particulièrement au sujet des personnes qui ont dû survivre dans les « camps de la mort » (LAVAL-HYGONENG, 1999 ; BORGEL, 1999 ; CERF de DUDZEELE, 1999).

Dans ses derniers écrits, FERENCZI (1934/1982) donne la définition suivante du traumatisme : « La commotion psychique survient toujours sans préparation. Elle a dû être précédée par le sentiment d’être sûr de soi, dans lequel, par suite des événements, on s’est senti déçu ; avant, on avait trop confiance en soi et dans le monde environnant ; après, trop peu ou pas du tout. On aura surestimé sa propre force et vécu dans la folle illusion qu’une telle chose ne pouvait pas arriver ; « pas à moi ». »101.

Suite à cette commotion psychique, il y a tentative de défense qui est inefficace, elle est donc abandonnée.

Pour FERENCZI (1934/1982), « La soudaineté de la commotion psychique cause un grand déplaisir qui ne peut pas être surmonté. »102. Et face au sentiment de ne pouvoir supporter ce déplaisir, il y aura libération d’angoisse : « Le déplaisir croît et exige une soupape. Une telle possibilité est offerte par l’autodestruction qui, en tant que facteur délivrant de l’angoisse, sera préféré à la souffrance muette. »103. Cette autodestruction conduit alors à la désorientation psychique.

100 S. KORFF-SAUSSE. « Le trauma : de la sidération à la création ». Paris : Dunod, 2003. p. 204.

101 S. FERENCZI. « Réflexions sur le traumatisme ». Paris : Payot, 1982. p. 139.

102 S. FERENCZI. Ibid. p. 140.

103 S. FERENCZI. Ibid. p. 141.

II.1.2.2. Apports d’Anna FREUD

Anna FREUD (1968) construit sa théorie du traumatisme en partant de la définition de FREUD du traumatisme tirée de Inhibition, symptôme et angoisse (1926) où il précise que ce qui fait traumatisme c’est l’incapacité du moi à maîtriser l’afflux d’excitation, que celui-ci soit d’origine externe ou interne. Ce n’est donc pas le sujet qui est victime du traumatisme mais son moi. Pour se protéger des excitations, le moi a alors recours à un système défensif, mais Anna FREUD (1968) ajoute « qu’il n’existe pas une seule et unique barrière aux stimuli (contre l’environnement), mais deux boucliers qui protègent contre deux types de dangers, venant du monde intérieur et du monde extérieur. »104. Cet auteur précise que ce bouclier protecteur (qui n’est autre que le pare-excitations de FREUD) est constitué dans un premier temps par le moi auxiliaire de la mère (la qualité des soins maternels), puis lorsque le moi arrive à maturité, par les mécanismes de défense. Il y a alors risque de traumatisme dès lors que les moyens de défense ne suffisent pas à faire barrage aux excitations déclenchées par l’événement, dès lors qu’ils ne préservent plus le sujet.

Dans sa conception du traumatisme Anna FREUD (1968) pose que le traumatisme doit revêtir deux caractéristiques primordiales :

« 1) être soudain et imprévisible, ce qui empêche de lui opposer des échappatoires, parades, ou toutes autres manœuvres défensives »105, elle reprend ici la notion de système non-préparé de FREUD.

« 2) laisser des effets visibles aussitôt après l’événement, signes tangibles d’une perturbation de l’équilibre du Moi. »106, conséquences immédiates qui pourraient être une paralysie, une inhibition des émotions, des troubles réactionnels (chez l’enfant cela pourrait se traduire par une instabilité, un échec scolaire, des troubles psychosomatiques…).

Pour Anna FREUD (1968) la valeur traumatique de l’événement est différente selon qu’elle survient avant ou après la constitution d’un moi différencié. Dans le premier cas, elle emploie le terme de détresse, alors qu’elle réserve celui de traumatisme à la deuxième situation. « Tant que le nourrisson est un être indifférencié, il éprouve une détresse et non un

104 A. FREUD. L’enfant dans la psychanalyse. Paris : Gallimard, 1968. p. 205.

105 A. FREUD. Ibid. p. 205.

106 A. FREUD. Ibid. p. 205.

traumatisme au sens strict »107. Ainsi, selon cet auteur, les carences affectives sévères – qui viennent blesser la libido et non pas le moi – ne peuvent pas être considérées comme des traumatismes. Le nourrisson et le jeune enfant sont néanmoins plus vulnérables : elle précise que pour l’enfant, se développant dans un tel contexte pathogène, cela rend plus difficile la construction de la barrière protectrice et l’organisation des mécanismes de défense, dans la mesure où « la barrière protectrice secondaire constituée par le moi de l’enfant résulte de l’intériorisation de la première barrière protectrice maternelle. »108.

Anna FREUD (1968) considère que l’événement externe entre en résonance avec les angoisses ou les fantasmes du sujet, ce qui crée un conflit interne, mais elle propose parallèlement l’hypothèse selon laquelle il puisse exister « des événements d’une telle amplitude qu’ils suffisent à eux seuls à engendrer la maladie. »109. Nous rediscuterons plus loin de cette question, qui nous intéresse particulièrement dans cette recherche.

Dans le document APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA RÉSILIENCE (Page 48-51)