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Définition retenue

Dans le document APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA RÉSILIENCE (Page 40-43)

I.2. DÉFINITIONS : QU’EST-CE QUE LA RÉSILIENCE ?

I.2.4. Définition retenue

Nous avons vu précédemment qu’il n’existe pas aujourd’hui de définition de la résilience complètement consensuelle, qu’en fonction du cadre auquel on se réfère on insistera sur telles ou telles notions, mais qu’il est primordial, pour tout chercheur, de se positionner et de proposer une définition qu’il retiendra pour son sujet de travail. C’est ce sur quoi notre réflexion va porter.

Dans la définition que nous retiendrons, nous insisterons sur quatre points, à savoir ceux de traumatisme, de résistance, de reprise du développement et d’interaction du sujet avec son environnement.

Plusieurs auteurs s’accordent pour considérer le traumatisme comme une condition nécessaire à l’émergence du processus de résilience (de TYCHEY, 2001 ; CYRULNIK, 2003 ; LIGHEZZOLO et de TYCHEY, 2004) : « On ne peut parler de résilience que s’il y a eu un traumatisme suivi de la reprise d’un type de développement, une déchirure raccommodée »77. En effet, Boris CYRULNIK (2003) distingue la résilience de l’individu face au traumatisme, entraînant une agonie psychique, de ses réactions face à l’épreuve où le sentiment de cohésion existentielle n’est pas attaqué. Parler de résilience lorsque le sujet est soumis à des situations stressantes, ou lorsque son environnement dispose autour de lui des facteurs de risque reviendrait à considérer que tout individu est résilient. Pour nous, la résilience est autre chose que la résistance aux événements adverses. Elle implique d’une part le fracas – ce qui renvoie à l’effraction du système de pare-excitations du sujet – et d’autre part, une reprise de développement. Nous considérons cependant qu’un cumul d’événements de vie négatifs peut avoir un tel impact traumatique dès lors qu’il dépasse le seuil de tolérance du sujet. (DIWO, 1997). Nous insistons donc sur le caractère traumatogène de l’événement.

En ce qui concerne la notion de résistance – que l’on retrouve dès les premières définitions de la résilience – et celle de reprise de développement, nous arrivons presque à un consensus (MANCIAUX, 1998 ; VANISTENDAEL et LECOMTE, 2000 ; LECOMTE, 2004 ; LIGHEZZOLO et de TYCHEY, 2004). Résister signifie : « Supporter sans dommage grave les

77 B. CYRULNIK. op. cit. 2003. p. 19.

effets d’une contingence naturelle ou d’une épreuve physique. »78 ; ainsi donc, par résistance, nous entendons que le traumatisme subi n’engendre pas d’effondrement durable, que ce soit sur les plans psychiques, comportementaux ou somatiques. Pour argumenter notre propos, nous nous appuierons sur la récente et très intéressante contribution de Claude de TYCHEY et Joëlle LIGHEZZOLO (2005), qui posent notamment la question suivante : « Comment résister en restant normal ? »79. Pour y répondre, ils font appel aux conceptions théoriques de Jean BERGERET (1974/1996), lequel donne la définition suivante de la personnalité normale :

« Le véritable « bien-portant » n’est pas simplement quelqu'un qui se déclare comme tel, ni surtout un malade qui s’ignore, mais un sujet conservant en lui autant de fixations conflictuelles que bien des gens, et qui n’aurait pas rencontré sur sa route des difficultés internes ou externes supérieures à son équipement affectif héréditaire ou acquis, à ses facultés personnelles défensives ou adaptatives, et qui se permettrait un jeu assez souple de ses besoins pulsionnels, de ses processus primaire et secondaire sur des plans tout aussi personnels que sociaux en tenant un juste compte de la réalité, et en se réservant le droit de se comporter de façon apparemment aberrante dans des circonstances exceptionnellement anormales. »80

Face à des situations extrêmes, ou tout simplement à des événements qui mettent à mal le Moi du sujet, tout individu peut à tout moment manifester des symptômes. Seulement, nous insistons avec Claude de TYCHEY et Joëlle LIGHEZZOLO (2005) sur la notion de temporalité, c'est-à-dire que ces manifestations ne doivent pas s’inscrire dans la durée, ce qui signerait alors une décompensation, un passage de la normalité à la pathologie.

La réflexion menée par Claude de TYCHEY et Joëlle LIGHEZZOLO (2004) au sujet du terme de reprise de développement nous semble fort intéressante et nous en reprendrons quelques idées. Ils remarquent très justement qu’il reviendra au chercheur d’évaluer cette reprise de développement, mais que cela n’est possible « qu’à partir de paramètres engageant

78 Trésor de la Langue Française. Dictionnaire de la Langue du XIXe et du XXe siècle. Centre National de la Recherche Scientifique. Paris. 1990.

79 C. (de) TYCHEY, J. LIGHEZZOLO. op. cit. sous presse.

80 J. BERGERET. La personnalité normale et pathologique. Paris : Dunod, 1996. p. 11.

la subjectivité du chercheur »81. Nous sommes d’avis que le traumatisme ne peut être entièrement dépassé, qu’il laissera des marques de vulnérabilisation. Nous rejoignons ici les auteurs cités ci-dessus qui proposent d’observer la reprise du développement comme étant

« sur le plan externe une adaptation aux réalités environnementales et sur le plan interne une sortie de l’état de sidération traumatique initial, avec une restauration de la capacité d’élaboration mentale »82 nécessaire pour effectuer le travail de liaison entre représentations et affects, et ainsi donc pour pouvoir élaborer, au moins partiellement, le traumatisme.

Enfin, il nous semble important d’apporter la précision suivante : on ne peut pas considérer la résilience uniquement comme l’expression de caractéristiques individuelles, ce qui serait fort réducteur. Nous sommes d’avis de tenir compte de la réalité externe, de l’interaction continue entre les éléments constitutionnels internes et les potentiels de l’environnement (GUEDENEY, 1998 ; VANISTENDAEL et LECOMTE, 2000 ; MANCIAUX et al., 2001 ; LIGHEZZOLO et al., 2003 ; DEMOGEOT et al., 2004). En effet, le sujet se développe en interaction avec son environnement familial et extrafamilial. Réalité interne et réalité externe sont en constante interaction, et c’est à partir de ces deux registres que s’étaye le processus de résilience. Ainsi, selon Marie ANAUT (2002a) « Le processus de résilience se trouve en co-construction permanente à partir des échanges constants individu / environnement […]. »83

Ainsi donc, pour nous, la résilience est un processus dynamique qui désigne la reprise de développement d’une personne confrontée à un traumatisme, ayant nécessité dans un premier temps une résistance à ce trauma initial – impliquant alors l’inexistence d’un effondrement durable – et dans un deuxième temps l’inscription dans l’élaboration de ce trauma. La résilience doit être comprise comme la résultante de l’interaction des ressources du sujet tant internes (capacités, fonctionnement intrapsychique relevant de la personnalité sous-jacente) qu’externes (environnement familial, social), cette construction débutant dès la naissance et se poursuivant tout au long de la vie.

81 C. (de) TYCHEY, J. LIGHEZZOLO. « L’évaluation de la résilience : quels critères diagnostiques envisager ? ». Perspectives Psy. 2004. p. 228.

82 C. (de) TYCHEY, J. LIGHEZZOLO, Ibid. p. 228.

83 M. ANAUT. op. cit. 2002a. p. 110.

II. LA RÉSILIENCE DANS LE CADRE DU MODÈLE

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