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Positionnement théorique sur le traumatisme

Dans le document APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA RÉSILIENCE (Page 53-56)

II. 1.1.2. ....Deuxième période : le traumatisme comme effraction du pare-excitations

II.1.4. Positionnement théorique sur le traumatisme

Nous souscrivons à la théorie freudienne du traumatisme comme effraction du pare-excitations : il y aura traumatisme psychique lorsque le moi du sujet est débordé par le trop plein d’excitations, il est alors mis hors circuit et s’effondre en se désorganisant.

Nous rejoignons François MARTY (2001) pour décrire le traumatisme comme un excès :

« excès de stimulation, excès d’image, de son, excès ou absence de représentation, de sens,

115 B. CRAMER, F. ANSERMET. op. cit. 1999. p. 461.

116 B. CRAMER, F. ANSERMET. Ibid. p. 477.

excès d’angoisse, débordement des capacités de contenance, défaut ou carence de protection, mécanismes de défense insuffisants, paralysie de la fonction de liaison, effraction du pare-excitations. Comme si l’appareil psychique était soumis à un bombardement (trop) intensif qui anéantirait les capacités vitales du sujet, ses défenses (trop peu solides) étant prises à défaut. »117.

Ce qui nous semble caractériser un événement traumatique c’est sa soudaineté, l’impréparation du psychisme, l’effroi qu’il suscite, le débordement du moi et la mise en échec des capacités d’élaboration, l’impossibilité de décharge des excitations. Nous rajouterons une des caractéristiques du traumatisme proposée par Anna FREUD (1968) : il doit

« laisser des effets visibles aussitôt après l’événement, signes tangibles d’une perturbation de l’équilibre du Moi. »118.

Dans cette conception, l’événement n’est pas traumatique en soi, ce qui l’est c’est l’incapacité de l’appareil psychique à liquider la surcharge pulsionnelle. Ainsi, il peut s’agir d’un événement particulièrement violent qui menace l’intégrité du sujet, ou alors d’un événement d’apparence moins grave qui sera néanmoins vécu comme déstructurant. Nous sommes également d’avis qu’un cumul d’événements de vie négatifs externes peut avoir un tel impact traumatique. Dans son travail sur les déterminants du passage à l’acte suicidaire chez l’adolescent, Rosine DIWO (1997) a montré que le poids de la réalité externe, en faisant effraction dans le monde interne, peut entraîner une faillite transitoire de l’appareil mental dès lors que cette somme d’excitations dépasse un certain seuil, et ce quelles que soient les capacités d’élaboration mentale du sujet. Le moi du sujet peut ainsi se trouver désorganisé

« face à des carences, ou à une accumulation d’événements ou d’éprouvés qui, par leur adjonction, confèrent une intensité traumatique au contexte environnemental. »119. Nous pensons plus particulièrement aux enfants victimes de maltraitance familiale, qui sont exposés de manière répétée à des situations particulièrement défavorables, ou qui peuvent cumuler plusieurs types de mauvais traitements (des études ont notamment montré que « les mauvais traitements psychologiques affectent un nombre important d’enfants dont beaucoup subissent déjà d’autres formes de mauvais traitements »120). Certains enfants parviennent à mettre en place un système de défenses psychiques leur permettant de ne pas s’effondrer, mais parfois il

117 F. MARTY. « Introduction : Traumatisme, une clinique renouvelée ». Paris : Dunod, 2001a. p. 2.

118 A. FREUD. op. cit. 1968. p. 205.

119 M. ANAUT. op. cit. 2003. p. 105.

120 P. DURNING, A. FORTIN. « La maltraitance psychologique : 4ème modalité ou dimension essentielle de tout mauvais traitement ? ». Paris : Fleurus Psycho-Pédagogie, 1996. p. 61.

suffira d’un événement pour voir leur seuil de tolérance dépassé, leur moi ne pouvant plus se défendre sur tant de fronts.

En ce qui concerne l’opposition entre réalité psychique et réalité externe, nous sommes d’accord avec plusieurs auteurs qui proposent de les intégrer (BERTRAND, 1990 ; F. MARTY, 2001 ; KORFF-SAUSSE, 2001 ; LIGHEZZOLO et de TYCHEY, 2004) : « L’introduction de la réalité psychique permet en effet d’imaginer que la réalité (externe, événementielle) est reprise dans une subjectivité qui lui donne sa consistance, sa cohérence, son sens. Dès lors que l’on admet cette perspective, le monde interne et la réalité externe apparaissent comme indissociables, il semble qu’elles constituent les deux faces d’une même réalité, l’événement réel ne devenant « événement » que dans la mesure où il est perçu et interprété par le psychisme du sujet. »121. Marie Odile GODARD (1997) précise que l’événement extérieur n’est pas intégré tel quel par le psychisme, mais en fonction de l’histoire du sujet, de ses caractéristiques propres. L’événement traumatique entre en résonance avec le psychisme de l’individu, « L’événement qui fait trauma s’impose et nous met en déroute, alors que le sens que nous attribuons à l’événement dépend de notre histoire et des rituels qui nous entourent.

[…] Il n’y a donc pas d’ « événement en soi » puisqu’un morceau de réel peut prendre une valeur saillante dans un contexte et banale dans un autre. »122.

Nous ne proposerons pas d’hypothèse en rapport à cette partie théorique concernant le traumatisme. Travaillant dans un cadre de recherche psychodynamique, il nous a semblé nécessaire de définir le traumatisme, mais surtout de nous positionner par rapport aux différentes conceptions qui existent à ce sujet. L’intérêt de cette réflexion réside également dans la mise en avant de la condition nécessaire à l’étude de la résilience : la confrontation à une adversité conséquente. Ainsi donc, nous verrons que les sujets que nous avons retenus pour cette recherche ont tous été victime de maltraitance précoce au sein de leur famille et ont tous présenté, avant le placement familial, des signes de perturbation de leur équilibre psychique.

Dans la définition de la résilience que nous avons proposée précédemment, nous avons insisté sur le fait qu’en amont du processus de résilience il y a toujours un traumatisme,

121 F. MARTY. op. cit. 2001a. p. 9.

122 B. CYRULNIK. Le murmure des fantômes. Paris : Odile Jacob, 2003, p. 23.

traumatisme auquel le sujet doit résister pour ensuite tenter de l’élaborer. Les questions qui se posent à nous à présent et auxquelles nous allons tenter de répondre sont les suivantes :

- Quels sont les processus impliqués dans la première étape de la résilience, c'est-à-dire la résistance au traumatisme ? Nous envisagerons ici la capacité de restauration du excitations qui peut se faire tant sur le plans externe (la fonction pare-excitante de la mère) qu’interne (le rôle adaptatif des mécanismes de défense) (de TYCHEY, 2001 ; de TYCHEY et LIGHEZZOLO, 2005).

- Qu’est-ce qui permet la mise en place durable d’une résilience après le traumatisme ? Nous ferons référence, dans un premier temps, à la mentalisation qui est un processus intrapsychique se construisant en interaction avec l’environnement externe, permettant l’élaboration du traumatisme (de TYCHEY, 2001 ; LIGHEZZOLO et de TYCHEY, 2004). Ensuite, nous aborderons le rôle du tuteur de résilience, susceptible de fournir au sujet de nouvelles cibles identificatoires (de TYCHEY et LIGHEZZOLO, 2005)

Nous avons choisi d’envisager conjointement ressources internes et ressources externes, car nous considérons que ces deux dimensions sont étroitement intriquées au cours du développement.

II.2. CAPACITÉS DE RÉSISTANCE FACE AU TRAUMATISME

Dans le document APPROCHE PSYCHODYNAMIQUE DE LA RÉSILIENCE (Page 53-56)