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proxis de changements environnementaux

I.2. Généralités sur la biogéochimie des éléments traces dans les environnements côtiers et à l’interface eau/sédiment

I.2.1. Transports et échanges des éléments traces dans les environnements marins côtiers

I.2.1.1. Apports continentaux

Le transport des éléments traces dans la colonne d’eau, dissous ou en suspension, est le mécanisme majeur des mouvements des continents vers l’océan. La forme dissoute d’un élément se présente sous la forme d’ions libres, de complexes inorganiques et organiques. Les éléments originaires des roches sont apportés dans la colonne d’eau principalement lors de fortes précipitations. Lors de ces évènements, de faibles quantités de roches sont dissoutes (processus d’érosion, lessivage des sols). Une partie des éléments dissous est alors adsorbée sur des particules en suspension dans les rivières et est apportée dans la mer via le flux particulaire. Les plus importants absorbants solides qui permettent ce transport sont des oxydes de fer, de silicium, d’aluminium et de manganèse. Le manganèse particulaires issus des rivières est, en général, désorbé lors du mélange eaux de mer/eaux douces (Ouddane et al. 1997; Statham et al. 1998).

Les activités humaines ayant augmentée au cours des siècles, elles induisent une contamination et des perturbations des écosystèmes. De nos jours, les apports anthropiques dépassent même les apports naturels dans l’environnement. Ce phénomène s’exerce principalement à travers des rejets liquides et des retombées atmosphériques qui peuvent transporter les contaminants sur de grandes échelles ou à des échelles locales.

Les apports continentaux conduisent à de fortes contaminations métalliques (Co, Sn, Cd, Cr et As) dans les estuaires (Church and Scudlark 1998). Ils sont liés aux décharges directes des déchets ou des boues dans l’océan, aux décharges des déchets domestiques ou industriels dans les rivières qui atteignent éventuellement

plus tard l’océan. Les apports anthropiques dans les écosystèmes aquatiques sont récapitulés, dans la Table I.2-1, en fonction des différents types de rejet et des éléments traces. Une des sources des apports continentaux sont les rejets domestiques qui combinés au lessivage des surfaces urbaines et aux apports d’exutoire de rejets d’orages, représentent, à l’heure actuelle, une part non négligeable de pollution dans les environnements aquatiques (Chambers et al. 1997; Gagnon and Saulnier 2003; Karvelas et al. 2003). Les rejets industriels et miniers sont aussi reconnus comme des sources non négligeables de pollution métallique. Ces importantes sources de contaminations continues, spécialement dans le cas d’estuaires urbains, peuvent ainsi favoriser le transport de polluants vers l’océan.

I.2.1.2. Apports atmosphériques

L’amplitude des échanges atmosphère/eau dépend de facteurs tels que la vitesse du vent, la houle, l’aération de l’eau de surface ou le transfert de chaleur. Ces échanges entre la phase aqueuse et la phase gazeuse, influence le cycle global d’un élément trace. Pour la plupart des éléments traces, le transport sous forme d’espèces gazeuses est de faible importance sauf pour des environnements ayant des températures élevées. Même si l’atmosphère n’est pas une source majeure des éléments traces, il existe des formes volatiles. Par exemple, le mercure gazeux est présent à des concentrations telles que le cycle du mercure est dominé par le transport atmosphérique (Butcher et al. 1992). D’autres éléments traces peuvent former des composés organométalliques gazeux qui peuvent dominer localement le transport de l’élément dans un environnement.

Le transport de particules atmosphériques est aussi un facteur important pour la distribution des éléments traces vers des régions lointaines de leur source. Ces flux particulaire sont déposés dans l’océan de façon intermittente par la pluie (dépôts humides) et de façon continue par l’atmosphère (dépôts secs). La vitesse de déposition de ces particules dépend de la taille de ces particules, de leur composition chimique, de la fréquence et l’intensité des précipitations, du vent à l’interface atmosphère/eau.

Table I.2-1 Apports anthropiques mondiaux dans les écosystèmes aquatiques (Point 2004), d’après (Nriagu and Pacyna 1988)). *Il est supposé que 70% de chaque métal émis à l’atmosphère (Nriagu and Pacyna 1988) est redéposé ensuite et seulement 30% atteint le compartiment aquatique (Chilvers and Peterson 1987).

As Cd Cr Cu Pb Zn Ni

Type de rejet Volume liquide

rejeté (109 m3) (106 Kg.an-1) Traités 90 1.8-8.1 0.18-1.8 8.1-36 4.5-18 0.9-7.2 9-45 9-54 Rejets domestiques Non-traités 60 1.2-7.2 0.3-1.2 6-42 4.2-30 0.6-4.8 6-35 12-48 Production d’électricité 6 2.4-14 0.01-0.24 3-8.4 3.6-23 0.24-1.2 6-30 3-18 Activités miniéres 0.5 0-0.75 0-0.3 0-0.7 0.1-9 0.25-2.5 0.02-6 0.01-0.5 Fer et acier 7 - - - - 1.4-2.8 5.6-24 - Activités de

fonderie Métaux non-ferreux 2 1-13 0.01-3.6 3-20 2.4-17 1-6 2-20 2-24

Métaux 25 0.25-1.5 0.5-1.8 15-58 10-38 2.5-22 25-138 0.2-7.5 Chimie 5 0.6-7 0.1-1.8 15-58 10-38 2.5-22 15-138 1-6 Papeterie 3 0.36-4.2 - 0.01-1.5 0.03-0.39 0.01-0.9 0.09-1.5 0-0.12 Procédés de fabrication Produit pétroliers 0.3 0-0.06 - 0-0.21 0-0.06 0-0.12 0-0.24 0-0.06 Apports atmosphériques* 3.6-7.7 0.9-3.6 2.2-16 6-15 87-113 21-58 4.6-16

Boues résiduaires d’épandage 6.109 Kg 0.4-6.7 0.08-1.3 5.8-32 2.9-22 2.9-16 2.6-31 1.3-20

Apport totaux 12-70 2.1-17 45-239 35-90 97-180 77-375 33-194

Ce transport atmosphérique contribue aussi à la propagation des apports anthropiques métalliques. Par exemple, la ventilation des régions où les sols sont enrichis en fer peut ainsi conduire à la remise en suspension du fer dans l’atmosphère et de son transport à grande échelle. Ce phénomène conduit ainsi au transport de ce nutriment dans des environnements marins pouvant être très éloignés de la source initiale (Butcher et al. 1992). Le plomb et le cadmium issus d’activités industrielles sont aussi transportés à grande échelle et leur contamination peut être retrouvée dans des carottes de glace, des sédiments et même dans les dents de mammifères marins (Outridge et al. 1997; Stewart et al. 2003). Le cuivre est aussi transporté dans l’atmosphère sous forme particulaire. Ces particules sont issues à 90% des activités anthropiques, des fonderies et la combustion du fuel domestique (Butcher et al. 1992).

I.2.1.3. Transport au sein de la colonne d’eau

La distribution horizontale et verticale des éléments traces dissous dans la colonne d’eau est déterminée par l’équilibre entre précipitation et resolubilisation. Leur distribution peut être classée selon plusieurs comportements (profils) (Figure I.2-3):

conservatif (Mo);

enrichis dans les eaux de surface (Mn);

type nutriments (Ba,);

avec un minimum pour des profondeurs moyennes;

avec un maximum pour des profondeurs moyennes;

avec un maximum ou un minimum à mi-profondeur dans une zone suboxique;

avec un maximum ou un minimum à mi-profondeur dans une zone anoxique.

Cependant, les profils des éléments traces en profondeur révèlent généralement des comportements similaires à ceux des nutriments.

Figure I.2-3 Distributions horizontales de trois profils caractéristiques: A/ conservatifs (Mo, océan Pacifique), B/ enrichis en surface (Mn, Nord Pacifique), et C/ type nutriment (Ba, Sud Atlantique)(Millero 2006).

Le transport des éléments traces dans la colonne d’eau est régulé par la sédimentation de la matière particulaire. En surface, les éléments traces dissous peuvent être adsorbés sur des particules minérales, piégés par des particules organiques (vivante ou squelette), ou précipités sous forme d’oxyde. Les particules enrichies sédimentent ensuite le long de la colonne d’eau et jusqu’à l’interface eau/sédiment. Ce processus dépend de la nature de l’élément, l’abondance de lamatière particulaire, des concentrations des autres solutés et de la profondeur. Dans les zones où ce processus est important, la composition en éléments traces dissous peut être considérablement affectée. Le taux de déposition du sédiment varie de quelques millimètres pour 1000 ans dans l’océan à plus de quelques centimètres par an dans les environnements côtiers. Le flux de particules à l’interface eau/sédiment est généralement de l’ordre de 0.006 à 6 kg.m-2 par an.

La distribution des éléments traces dans la colonne d’eau est néanmoins modifiée dans les zones «d’upwelling». En effet, ces « upwelling » conduisent à des transports d’éléments traces au sein de la colonne d’eau car ils conduisent à la remontée d’eaux froides plus salines et enrichies en nutriments. Ce phénomène, en réapprovisionnant les eaux de surface en nutriments, favorise la productivité biologique. Les régions côtières où les « upwelling » sont fréquents, sont ainsi les régions les plus riches du monde pour l’activité biologique et sont caractérisées économiquement par des pêches intenses (Chavez and Toogweiler 1995).

A B C

La composition des éléments traces dans l’eau de mer est sensible à ces changements induits par des « upwelling ». Par exemple, les concentrations du baryum dans l’eau de mer, reportées comme fortement variables, présentent un profil en profondeur similaire aux nutriments, c'est à dire des concentrations croissantes des eaux de surface aux eaux profondes (Bruland 1983). Ceci permet d’expliquer des concentrations en baryum plus importantes dans l’eau de mer d’un environnement côtier lors d’upwelling. De la même façon que le baryum, la distribution du manganèse et du fer est aussi influencée par les « upwelling » (Chase et al. 2005). La distribution du cadmium, du mercure, du zinc, du manganèse et de l’aluminium dans l’eau de mer a été examinée lors d’ « upwelling » et a montré que seul le cadmium est fortement influencé par ces phénomènes (Lares et al. 2002).

I.2.1.4. Transferts et échanges dans la colonne d’eau liés à des organismes biologiques

Les échanges des éléments traces aux interfaces eau/sédiment et eau/atmosphère peuvent aussi être régulé par l’activité d’organismes biologiques. Certaines transformations biotiques peuvent ainsi avoir lieu et induire une solubilisation dans la colonne d’eau ou une volatilisation dans l’atmosphère de certains éléments traces. Dans le cas du mercure, du sélénium, de l’iode et de l’étain, il a été démontré que ces biotransformations agissent sur leurs resolubilisations et leurs volatilisations (Amouroux et al. 2001 ; Amouroux et al. 2000; Point et al. in press; Tessier et al. 2002).

Au sein de la colonne d’eau, l’abondance des éléments traces peut être modifiée due à leur assimilation dans des organismes biologiques (bioassimilation). Certains éléments traces sont des micronutriments et jouent un rôle non négligeable dans des systèmes biologiques tel que le phytoplankton à travers des enzymes (Mo, Mn, Co, Cu) ou des protéines (Fe). Les concentrations élémentaires dans les cellules de plusieurs espèces de phytoplancton sont reportées dans la Table I.2-2.

Table I.2-2 Rapports élémentaires par rapport au phosphore et concentrations cellulaires de différentes espèces marines du phytoplancton (Ho et al. 2003).

Ils peuvent ainsi agir sur les organismes biologiques. Ils peuvent stimuler ou inhiber l’activité biologique. Ces effets sont généralement liés aux espèces dissoutes des éléments. Pour la plupart, les ions libres et les complexes inorganiques simples ont une plus grande influence sur les organismes que les larges complexes organiques ou ions adsorbés sur des particules. La Table I.2-3 résume les facteurs d’enrichissement des éléments traces dans le plancton ou les algues. Ces facteurs soulignent une importante bioassimilation des éléments traces (Co, Cu, Fe, Mn, Pb).

Table I.2-3 Facteurs d’enrichissement des éléments traces ou autres A/ dans le

plancton et les algues ((Libes 1992), d’après (Craig 1980) ), B/ dans le phytoplankton.

Certains éléments traces présentent une grande affinité avec la matière particulaire organique. Le cuivre, le zinc et le plomb sont ainsi fortement complexés avec des ligands organiques dans des environnements estuariens ou océaniques. Cette complexation avec la matière organique induit une diminution des concentrations de la forme dissoute de l’élément. La distribution d’un élément dans un environnement aquatique n’est donc pas contrôlée seulement par les conditions rédox, le pH et les particules minérales, mais aussi par la présence et l’abondance de matière organique.

Les particules organiques en suspension peuvent ainsi être d’importants absorbants, transportant avec eux les éléments à travers la colonne d’eau jusqu’à l’interface eau/sédiment ou d’un système aquatique à un autre. Le phytoplancton et sa dégénérescence est ainsi impliqué dans le transport des éléments traces. Le baryum est, par exemple, accumulé dans le phytoplancton (Fisher et al. 1991). Des cristaux de barytine peuvent aussi être formés comme résultat d’une précipitation passive au sein d’environnements riches en sulfate et/ou en baryum créés par la décomposition du phytoplancton (Bishop 1988; Dehairs et al. 2000:Ganeshram, 2003 #197; Jeandel et al. 2000; Stecher and Kogut 1999). Le phytoplancton est ainsi reconnu comme un vecteur important pour le transport vertical du baryum dans les océans lors de sa sédimentation et de sa décomposition (Sternberg et al. 2005).

L'assimilation du molybdène par les cyanobactéries et le phytoplancton a aussi été reconnue comme un facteur catalytique essentiel pour la majorité des organismes fixateurs d’azote et d’autres systèmes impliquant les enzymes nitrate réductase (Collier 1985; Hille 2002). La disponibilité du molybdène, influençant la fixation d’azote dans les écosystèmes marins, pourrait, en conséquence, limiter la productivité primaire (Cole et al. 1993; Marino et al. 1990; Paulsen et al. 1991). La biodisponibilité du fer est aussi un facteur limitant pour la croissance phytoplanctonique (Brand 1991; Evans and Prepas 1997).

I.2.2. Transports et échanges des éléments traces à l’interface