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I.4. Micro analyse des éléments traces dans les solides par Ablation Laser et Spectrométrie de Masse à Plasma Inductif Couplé

I.4.2. Détermination des éléments traces dans des coquilles de bivalves

Plusieurs méthodes ont été développées pour déterminer les concentrations en éléments traces dans des coquilles de carbonate de calcium : une méthode indirecte et une méthode directe. La première consiste à prélever une partie de la coquille ou sa totalité, la mise en solution (dissolution) et l’analyser. La seconde

consiste à analyser directement le solide par des techniques d’analyse du solide telles que l’ablation laser décrit auparavant. Ces deux modes d’analyse ainsi que leurs avantages et leurs inconvénients sont présentés ci-dessous. Les deux méthodes seront ensuite comparées.

I.4.2.1. Analyse indirecte

Pour la méthode indirecte, les études se sont focalisées soit sur la totalité de la coquille, soit sur des fragments de coquilles découpés grossièrement (Puente et al. 1996; Richardson et al. 2004; Szefer et al. 2002) ou prélevés par des méthodes plus précises. Des prélèvements précis ont pu être effectués grâce à une micro perceuse (Merchantek Micromill) de foret 300 µm (Figure I.4-7) (Gillikin et al. 2005b; Gillikin et al. 2006; Lorrain et al. 2005 ). Les coquilles sont préalablement nettoyées des débris organiques ou algues fixés à leur surface (Gillikin et al. 2005b; Puente et al. 1996; Richardson et al. 2004 ; Szefer et al. 2002). Quelque soit la méthode de prélèvement, la poudre ou le fragment de carbonate de calcium est ensuite dissous avec de l’acide nitrique et la solution obtenue peut être analysée.

Figure I.4-7 Photographie des stries journalières des coquilles Saint Jacques

Pecten maximus et des prélèvements effectuées avec une micro perceuse

(Lorrain 2002).

Plusieurs détecteurs sont utilisés pour les analyses multi élémentaires des éléments majeurs (> 100 mg.l-1), mineurs (< 100 mg.l-1) et traces (< 10 µg.l-1). Szefer et al. (2002) ont déterminé les concentrations de plusieurs métaux traces dans des

coquilles de moules Mytilus edulis trossulus par spectrométrie d’absorption atomique. La spectrométrie d’absorption atomique flamme (F-AAS pour Flame Atomic Absorption Spectrometry) peut être utilisée pour le dosage de la majorité des métaux et métalloïdes en solution. Cette technique est peu onéreuse, robuste, facile à mettre en œuvre. Cependant, son usage est limité par ses performances en terme de sensibilité, sélectivité et cadence d’analyse. Les concentrations de seulement 1 à 10 éléments peuvent être déterminées simultanément. Puente et al. (1996) ont déterminé la concentration en zinc et en plomb dans des coquilles de moules Mytilus

galloprovincialis par spectrométrie d’absorption atomique four graphite (GF-AAS)

pour Graphite Furnace - Atomic Adsorption Spectrometry). Cette technique permet des analyses multi élémentaire avec d’excellentes limites de détection, proches de celle obtenue en ICP-MS. En revanche, cette technique est complexe à mettre en œuvre, son temps d’analyse long, sa gamme dynamique restreinte et les effets mémoire importants.

Deux types de détecteurs sont généralement utilisés pour ces analyses multi élémentaires: la spectrométrie d’émission atomique à plasma induit (ICP-AES pour Inductively Coupled Plasma – Atomic Emission Spectrometry) et la spectrométrie de masse à plasma induit (ICP-MS pour Inductively Coupled Plasma - Mass Spectrometry).

L’ICP-AES est une technique relativement simple d’utilisation, robuste et qui permet l’analyse de solutions chargées. Cette technique a, par exemple, été utilisée par Richardson et al. (2004) pour la détermination des rapports Mg/Ca et Sr/Ca dans des coquilles de l’espèce Pinna Nobilis. Cependant, les limites de détection de l’ICP-AES sont généralement insuffisantes pour l’analyse des éléments traces.

La technique la plus performante et plus récemment employée pour la détermination des éléments traces dans les coquille est l’ICP-MS (Gillikin et al. 2005b; Gillikin et al. 2006; Lorrain et al. 2005 ). Cette analyse indirecte permet différents types de détermination des concentrations: étalonnage externe, interne, ajouts dosés, dilution isotopique. De plus, elle conduit à de très bonne précision des mesures: l’écart type relatif est généralement inférieur à 5 %. Cependant, cette méthode conduit à une perte d’information lors du prélèvement, i. e. une perte de précision temporelle. Elle peut aussi induire des contaminations lors de la mise en solution du carbonate de calcium. Cette étape de dissolution peut aussi paraître un peu longue.

I.4.2.2. Analyse directe

Plusieurs techniques d’analyses du solide ont permis l’extraction d’information chimique à haute résolution spatiale. Le développement de ces techniques, de plus en plus performantes, a permis de passer d’une analyse des éléments traces de l’ensemble de la coquille, à des analyses discrètes plus ou moins espacées le long de la coquille (Stecher et al. 1996; Vander Putten et al. 1999). Les techniques utilisées incluent la photométrie de flamme (Dodd 1965), la spectrométrie de fluorescence de rayons X (Hallam and Price 1968), la spectrométrie d’absorption (Carriker et al. 1980), la cathodoluminescence (Barbin et al. 1991), la micro sonde protonique (Carriker et al. 1991), la spectrométrie d’émission atomique (Klein et al. 1996a), la micro sonde électronique (Vander Putten et al. 1999). Ces techniques analytiques se sont principalement concentrées sur l’analyse d’éléments majeurs tels que le calcium, ou mineurs tels que le magnésium et le strontium, (Dodd 1965 ; Hallam and Price 1968 ; Klein et al. 1996a ; Vander Putten et al. 1999). Cependant, elles ne semblent pas vraiment appropriées pour l’analyse d’éléments traces dans une telle matrice de carbonate de calcium.

Figure I.4-8 Photographie (MEB) des stries journalières des coquilles Saint

Jacques Pecten maximus et des cratères d’ablations obtenues par LA-ICP-MS (Pécheyran, comm. perso. ; (Lorrain 2002)).

Le développement de techniques de micro analyses de plus en plus sensibles telles que l’ablation laser permet un échantillonnage de l’échantillon rapide, précis (haute résolution spatiale, donc temporelle) et de faibles quantités. Couplée à un ICP-MS, l’ablation laser permet une détermination quantitative des éléments traces

piégés dans la coquille (Pearce and Mann 2006) (Figure I.4-8). Ce couplage a été largement utilisé pour l’analyse de biominéraux tels que les coquilles (Becker 2005a; Lazareth et al. 2003; Pearce and Mann 2006; Price and Pearce 1997; Raith et al. 1996; Richardson et al. 2001; Rosenheim et al. 2005; Stecher et al. 1996 ; Takesue and Van Geen 2004; Vander Putten et al. 1999; Vander Putten et al. 2000 ).

Aucun matériau certifié de carbonate de calcium n’est disponible pour l’analyse quantitative des éléments traces. Jusqu’à présent, une série de verres certifiés (NIST 610, NIST 612, NIST 614) est utilisée pour la quantification des éléments traces (Becker 2005a; Belloto and Mikeley 2000; Lazareth et al. 2003; Price and Pearce 1997; Raith et al. 1996; Richardson et al. 2001; Seltzer and Berry 2005; Stecher et al. 1996; Takesue and Van Geen 2004; Thébault et al. submitted; Vander Putten et al. 1999; Vander Putten et al. 2000). Cependant, l’usage de ces étalons est reconnu comme conduisant à une mauvaise estimation des concentrations pour des lasers à 266 nm (Belloto and Mikeley 2000). Dans ces conditions, il apparaît indispensable de produire des étalons de compositions similaires (même propriété physicochimique) pour une quantification précise (Günther and Hattendorf 2005). L’étalonnage avec ces verres certifiés pour un laser à 193 nm, a cependant été démontré pertinent pour l’analyse d’éléments traces et de terres rares dans les coraux (Fallon et al. 1999; Fallon et al. 2002; Sinclair et al. 1998).

Plusieurs méthodes sont possibles pour réaliser des étalons de composition similaire au matériau à analyser: (1) broyage d’une partie de coquille, dopage à différentes concentrations d’une partie de la poudre avec une solution multi élémentaire (ajout dosé), séchage de la poudre, une partie de la poudre est pastillée, l’autre partie étant dosé en retour par ICP-MS après mise en solution; (2) dopage d’une poudre pure de carbonate de calcium avec une solution multi élémentaire (étalonnage externe), pastillage des différentes poudres, les différentes poudres ayant aussi été dosées en retour par ICP-MS. Une méthode de préparation de matériau de référence a déjà été mise au point (Belloto and Mikeley 2000). Cependant, cette méthode conduit à des limites de détection de l’ordre de la cinquantaine de ng.g-1 et aussi à des interférences spectrales sur les analytes lors de la détection liées à la présence de sodium (utilisé sous forme de Na2CO3 pour la précipitation). Quelque soit la méthode de quantification, le calcium, constituant majeur de la coquille (40%), peut être choisi comme étalon interne afin de

s’affranchir de dérives analytiques potentielles. Ces dérives peuvent, par exemple, être liées à des changements de l’énergie du faisceau laser, des variations de condition du plasma de l’ICP-MS, de l’état des cônes, à des instabilités soudaines du détecteur pendant l’analyse.

I.4.2.3. Comparaison des deux méthodes

Ces méthodes, directes ou indirectes, présentent chacune leurs avantages et leurs inconvénients (Table I.4-1). Le choix entre ces deux méthodes dépend du type et du niveau d’informations que l’on veut obtenir.

Table I.4-1 Avantages et inconvénients des deux méthodes de détermination

des concentrations des éléments traces dans des coquilles de carbonate de calcium. Généralement, la méthode directe utilise le couplage LA-ICP-MS, tandis qu’une analyse conventionnelle par ICP-MS est choisie pour la méthode indirecte.

Analyse directe (LA-ICP-MS) Analyse indirecte (ICP-MS) Avantages Rapidité, pas de préparation

d'échantillons

Préparation d'échantions: coûteuse en temps et risque de contaminations

Inconvénients

Très bonne résolution spatiale (de l'ordre de quelques dizaines de µm)

Mauvaise résolution spatiale (au mieux 300 µm)

Techniques non destructives Techniques invasives (destructives) Interférences liées aux solvants et acides

utilisés pour la remise en solution du carbonate de calcium Effets mémoire lors d'échantillons trop

concentrés

Inconvénients Pas de matériaux de référence certifiés pour la quantification des éléments traces

dans des matrices de carbonate de calcium

Choix importants de méthodes de quantification: étalonnage externe, interne, ajouts dosés, dilution isotopique

Avantages

Limites de détection (LD) de l'ordre de la dizaine de ng/g

= 1<LD<10 ng/l voire plus bas, soit 5-50 ng/g si on prend 150-200 µg dans 1ml Précision des mesures moins bonne Grande précision des mesures (ecartype

relatif de seulement quelques %) Fractionnement, donc préparation

d'étalons de même matrice pour la quantification (coûteuse en temps)

Aucune préparation d’échantillons étant nécessaire, l’analyse directe, par LA-ICP-MS, sera plutôt privilégiée pour des analyses rapides et non destructives. Même, si l’analyse est semi quantitative, elle permettra de souligner dans un premier les

variations élémentaires le long de la coquille. Elle sera aussi choisie pour sa très bonne résolution spatiale (5-200 µm). Elle est considérée comme une technique non destructive. La précision de ces prélèvements permet des analyses successives des accrétions de carbonate de calcium le long de la coquille. Si la coquille a un rythme de croissance bien spécifique, comme celle de la coquille Saint Jacques, ces analyses conduisent à la détermination de profils élémentaires à haute résolution temporelle tout au long de la coquille ou de la période étudiée. Son principal inconvénient, la quantification, peut être comblé soit en produisant des étalons, soit en menant en parallèle des analyses indirectes.

Les limites de détection obtenue par ICP-MS sont généralement inférieures à 10 ng.l-1. Pour les analyses des coquilles, 150 à 200 µg de poudres sont dissoutes dans 1 ml (Gillikin et al. 2006; Lorrain et al. 2005). Ceci correspond donc à des limites de détections de l’ordre de 5 à 67 ng.g-1. L’analyse indirecte par ICP-MS conduit ainsi à des limites de détections semblables à celles obtenus par couplage LA-ICP-MS (dizaine de ng.g-1) (voir chapitre II, partie II.1.).

La méthode indirecte sera aussi privilégiée si aucun étalon de carbonate de calcium n’est disponible pour la quantification. La force de cette technique est sans doute le large choix de méthodes pour la quantification : étalonnage externe, interne, ajouts dosés, dilution isotopique. De plus, cette étape de quantification conduit à une meilleure précision sur les mesures que celle utilisée avec le couplage LA-ICP-MS.

Le principal inconvénient de cette méthode reste l’une des premières étapes de la chaîne analytique, i. e. la mise en solution de l’échantillon solide qui conduit à d’éventuelles contaminations et interférences dues aux réactifs et aux flaconnages, le long temps de préparation des échantillons (pouvant dépasser la demi journée), et surtout la perte d’information sur la distribution spatiale de l’élément dans l’échantillon. De plus, la quantité de matériau nécessaire pour effectuer une analyse après remise en solution, classiquement de quelques centaines de milligrammes, est très importante comparée à celle utilisée en ablation laser (moins d’un milligramme). Dans le cas d’échantillons trop concentrés, certains effets mémoire peuvent aussi avoir lieu lors d’analyses en ICP-MS.