Chapitre 1.3 Transport de colloïdes en milieux poreux
1.3.2 Transport de colloïdes
Les mécanismes de transport de fluide en milieux poreux ont été largement décrits dans
des études antérieures (Bear, 1972; de Marsily, 1981; Gaudet et Vauclin, 2005) et ne seront
que brièvement rappelés. Les colloïdes stables dans la phase liquide sont en partie transportés
par le fluide lui-même. Cependant le transport de colloïdes en milieu poreux présente
quelques spécificités par rapport au transport de solutés sur lesquelles nous nous attardons ici.
1.3.2.1 Echelle microscopique
A l’échelle microscopique, le mouvement des particules colloïdales est dû à la convection
et à la diffusion auxquelles certains auteurs ajoutent la sédimentation (Kretzschmar et al.,
1999) qui peut aboutir à un dépôt des particules.
Le déplacement par convection se fait le long des lignes de courant du fluide. Il est donc
dû à l’écoulement dans les pores sous l’effet d’un gradient de potentiel de l’eau. A l’échelle
du pore, la conservation de la quantité de mouvement s’écrit selon l’équation de
Navier-Stokes, dont la solution dans un pore cylindrique (avec des conditions de non glissement sur
les bords) indique que le profil de la vitesse locale est parabolique. Une particule au centre
d’un pore est donc plus rapide qu’une particule plus proche des parois. A cause de leur taille,
les colloïdes ne peuvent pas s’approcher très près des parois du pore et donc ils ne peuvent
pas avoir les plus petites vitesses du fluide (Figure 6). Cet effet hydrodynamique se traduit par
une vitesse moyenne des colloïdes plus importante que celle du fluide porteur qu’on appelle
exclusion stérique (Keller et Auset, 2007; van der Lee et al., 1994).
Figure 6 : Représentation schématique de la distribution de petits (2 µm) et de gros
(7µm) colloïdes dans des pores cylindriques de différents diamètres (10 et 20 µm) (Keller et
La diffusion est due au mouvement brownien des particules. Le coefficient de diffusion
dépend de la température, de la viscosité dynamique du fluide et du diamètre de la particule et
peut être calculé avec l’équation de Stokes Einstein (équation [14] page 57).
L’hétérogénéité des vitesses dans l’écoulement à l’échelle microscopique crée un
phénomène de dispersion mécanique (Figure 7). Ce phénomène de mélange est dû (Fried,
1975) :
• à la distribution des vitesses au sein d’un pore (a),
• à la distribution des tailles de pores (b),
• à la tortuosité du milieu (c).
Figure 7 : Composantes de la dispersion. ○ : particule de fluide à t et ● : à t+dt (Fried,
1975).
Figure 8 : Représentation schématique du transport de particules colloïdales le long de
lignes de courant calculées en utilisant la solution de l’équation de Navier-Stokes pour une
Auset et Keller (2004) ont montré en utilisant un milieu modèle et une technique de
visualisation à l’échelle du pore que la dispersion mécanique dépendait de la taille des
colloïdes. En effet, les grosses particules restent au centre des pores (Figure 6) et suivent les
lignes de courant moins tortueuses (Figure 8). Ainsi les plus grosses particules seraient moins
dispersées que les plus petites.
1.3.2.2 Echelle de l’EVR
La loi de Darcy décrit l’écoulement de l’eau dans un milieu poreux à l’échelle de l’EVR
(de Marsily, 1981). A cette échelle, on considère que le fluide s’écoule dans tout le milieu
continu à une vitesse fictive appelée vitesse de Darcy. On la distingue de la vitesse de pore
qui est la vitesse moyenne de l’eau dans l’espace poral (phase liquide du milieu poreux
saturé).
Le phénomène de dispersion est aussi visible à l’échelle macroscopique et dépend de la
vitesse de pore. A cette échelle, la diffusion et la dispersion mécanique ne peuvent pas être
distinguées. On introduit alors un paramètre appelé coefficient de dispersion hydrodynamique
D, tel que le flux dispersif en milieu poreux s’écrit sous la même forme que la loi de Fick :
c
grad
D
J
D=− θ. [7]
où θ [-] est la teneur en eau volumique du milieu poreux et c [M L
-3] est la concentration
en phase liquide. La dimension de D est donc L
2T
-1. Une approche expérimentale
(Pfannkuch, 1963) montre que la dispersion hydrodynamique d’un traceur est une fonction
croissance du nombre de Péclet (Figure 9-a-). Ce nombre adimensionnel caractérise le rapport
des transferts de masse s’effectuant par convection et par diffusion :
0
.
D
l
v
Pe= [8]
où v [L T
-1], est la vitesse de pore, D
0[L
2T
-1] est le coefficient de diffusion du soluté
considéré et l [L] est une longueur caractéristique de l’écoulement dans le milieu poreux.
La Figure 9b est une forme simplifiée de la courbe expérimentale. Elle distingue 5
domaines :
- I. P
e< 10
-1. Le rapport D/D
0est constant. La vitesse convective n’a pas d’influence sur
l’étalement du soluté qui est principalement dû à la diffusion.
- II. 10
-1< P
e≤ 4. Les mécanismes de diffusion moléculaire et de dispersion mécanique
ont le même ordre de grandeur.
- III. La valeur du coefficient de dispersion hydrodynamique est principalement due à la
dispersion mécanique avec la relation empirique :
2 , 1 0
2
1
Pe
D
D
= [9]
- IV. Dans cette zone, la diffusion est négligeable et il existe une relation linéaire entre le
coefficient de dispersion et le nombre de Péclet.
- V. La diffusion est négligeable mais la loi de Darcy n’est plus valide dans ce domaine.
Dans un cas d’écoulement monodimensionnel, lorsque Pe>10 (domaines III et IV), on
peut calculer le coefficient de dispersion hydrodynamique selon une relation linéaire de la
vitesse (de Marsily, 1981) :
D = Disp.v [10]
où Disp [L] la dispersivité du milieu.
Pe D/D0 10-2 100 102 104 100 102 104 106 Pe D/D0 10-2 100 102 104 100 102 104 106
-a- -b-
Figure 9 : Evolution du coefficient de dispersion hydrodynamique en fonction de la
valeur du nombre de Péclet.
La capacité des particules à être transportées est limitée par leur capacité à être déposées
ou retenues dans le milieu poreux. Le dépôt des particules sur la phase solide du milieu est dû
à différents types de mécanismes et peut être également décrit à différentes échelles.
D/D0