A l’heure actuelle, aucune étude n’a pu mettre en évidence la transmission d’une
anomalie de la méthylation de l’ADN via les gamètes chez l’homme, bien que
certains cas de cancer ait pu susciter cette réflexion (Suter et al., 2004; Chan et al.,
2006; Hitchins et al., 2007). En effet, la publication, de 2 cas de transmission
familiale de cancer colorectal sans polypose liés à une hyperméthylation du
promoteur MLH1 et MSH2 a questionné la communauté scientifique et a largement
contribué à alimenter le débat sur le risque de transmission d’une épimutation chez
l’homme (Suter et al., 2004; Chan et al., 2006; Hitchins et al., 2007). Or depuis et
grâce à l’avènement du pan-génomique, des mutations génétiques ont pu être
identifiées et rattachées à ces défauts de méthylation : polymorphisme : c-27C>A et
délétion du gène EPCAM impliqués respectivement dans l’hyperméthylation du
promoteur du gène MLH1 et MSH2 (Hitchins et al., 2011; Ligtenberg et al., 2009).
De même, les enfants des femmes dont les mères ont été soumises à la famille
hollandaise in utero étaient de plus petite taille à la naissance (-0,6 cm) avec une
augmentation de l’indice pondéral (+ 1,2 kg/m
2) par rapport aux enfants des mères
non exposées. De plus une altération de leur état de santé avait été rapportée mais
sans augmentation d’obésité ou de maladies cardiovasculaires. Ceux dont le père
avait été exposé in utero à la famine avaient un poids plus élevé et un risque accru
d’obésité (+ 1,6 kg/m
2). Aucune différence n’a été observée à l’heure actuelle chez
les arrières-petits enfants de femmes exposées à la famine (Veenendaal et al.,
2013).
Les études transgénérationnelles chez l’homme demeurent néanmoins très
délicates et nécessitent plusieurs décennies: nécessité d’étudier 2 à 3 générations
successives, potentialité des biais environnementaux, psychiques et
comportementaux. Pour l’instant, seuls des modèles originaux semblent permettre
d’aborder la question chez l’Homme.
Les notions selon lesquelles l’exposition environnementale peut être mémorisée et
se transmettre par des mécanismes épigénétiques sont à la base du concept des
origines développementales de la santé et des maladies (DOHaD) (Barker et al,
1998) et soulèvent la question d’une possible transmission transgénérationnelle chez
l’Homme.
En effet, chez la souris il a été montré que les impacts environnementaux liés à
l’alimentation, au stress, aux produits chimiques ou à d’autres influences
psychoaffectives pourraient affecter plusieurs générations et, des modifications
épigénétiques seraient impliquées qui se transmettraient via le gamète (Manikkam et
al., 2012, 2013, 2014 ; Tracey et al., 2013 ; Guerrero-Bosagna et al., 2010 ; Skinner
et al., 2013). Néanmoins les mécanismes restent peu documentés et le principal défi
est d’identifier les messagers de cette exposition environnementale qui pourraient
être transférés d’une génération à l’autre. Les principales pistes convergent vers
certaines régions de l’ADN : les GSE, les séquences répétées dont les marques
épigénétiques pourraient être altérées lors de la reprogrammation gamétique ou
encore plus récemment vers les petits ARN non codants.
Dans ce travail nous avons souhaité aborder la question du risque de transmission
de dérégulation épigénétique (épimutation) chez l’Homme, ce qui restreint
considérablement les possibilités d’analyses. La première contrainte, d’ordre éthique,
est liée à l’accessibilité des gamètes confinant principalement l’exploration au versant
masculin et ainsi à l’étude de la spermatogenèse. La deuxième est liée aux
possibilités limitées d’analyser l’effet d’une exposition épimutagène sur la
descendance, en effet cela suggère l’identification de l’épimutation, de déterminer
son origine et de réaliser l’analyse sur deux voir trois générations successives, ce qui
serait temporellement difficile, tout en élimant l’implication de facteurs génétiques.
Ainsi nous avons tout d’abord porté notre attention sur les pathologies liées à
l’empreinte parentale qui constituent une approche originale pour aborder le risque
de transmission épigénétique chez l’Homme. En effet, le projet parental d’un patient
présentant un syndrome de Silver-Rusell lié à une hypométhylation du locus
H19/IGF2, découverte lors de la prise en charge, a soulevé la question du risque de
transmission à sa descendance, et constituait un excellent modèle pour évaluer la
reprogrammation d’une épimutation chez l’homme. Ce travail constitue le corps du
premier article.
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De plus, le constat d’une fréquence plus élevée d’enfants issus d’AMP chez les
enfants atteints de pathologies liées à l’empreinte suggère un effet de
l’environnement dans la survenue de défauts de marquage de l’empreinte parentale
(DeBaun et al, 2003 ; Gicquel et al, 2003 ; Maher et al, 2003 ; Bliek et al, 2006 ;
Kagami et al, 2007). A ce jour aucune des techniques d’AMP n’a été mise en cause
et il se pourrait que ces anomalies soient dû à un défaut d’établissement de
l’empreinte durant la reprogrammation gamétique. Afin d’évaluer cette hypothèse,
nous avons analysé le niveau de méthylation de plusieurs DMRs impliquées dans les
syndromes de SBW et SRS sur les spermatozoïdes de pères d’enfants atteints de
ces syndromes. Les résultats préliminaires sont présentés dans ce travail de thèse et
feront l’objet d’une prochaine publication après inclusion d’un nombre suffisant de
cas.
Nous avons poursuivi notre exploration sur l’origine et le risque de transmission des
épimutations chez l’homme, par un tout autre modèle, portant cette fois sur l’analyse
de la méthylation de l’ADN des GSE de spermatozoïdes d’hommes atteints de
séminome. En effet, depuis plusieurs décennies le constat de l’augmentation de
l’incidence des cancers du testicule dans les pays développés, tel que les
séminomes, suggère l’implication de modifications environnementales (Le Cornet et
al., 2014; McGlynn et al., 2003; Purdue et al., 2005; Znaor et al., 2014), qui
pourraient survenir durant la période fœtale comme le suppose la théorie de la
DOHaD. De plus les caractéristiques épigénétiques des cellules séminomateuses :
hypométhylation de l’ADN spécifique de certaines régions soumises à empreinte, et
particulièrement proches de celles observées dans les spermatozoïdes d’hommes
oligozoospermiques, nous ont conduit à émettre l’hypothèse de la survenue d’une
dérégulation de l’empreinte dans les cellules germinales fœtales. Ainsi les résultats
de l’analyse de méthylation au niveau de régions soumises à empreinte dans les
spermatozoïdes d’hommes atteints de séminome constituent le corps du deuxième
article qui vient d’être accepté dans le journal « clinical epigenetics ».
IV Travaux personnels :
Analyse expérimentale du risque de transmission
d’une épimutation chez l’homme
IV.A Evaluation du risque de transmission d’une épimutation liée à un défaut
Dans le document
Etude des mécanismes de transmission de dérégulations épigénétiques : analyse de la transmission spermatique chez l'homme
(Page 104-111)