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Figure 13 : La boucle d’auto-amplification de l’activité de Cdk1

D. La transition MI-MII et l’arrêt CSF

1. La transition MI-MII

La transition MI-MII (méiose I-méiose II) est une période cruciale de la maturation méiotique qui réduit la ploïdie ovocytaire. Suite à la séparation des chromosomes homologues et l'expulsion du premier globule polaire, l’entrée en méiose II est très rapide : la réplication de l’ADN est inhibée, les chromosomes ne se décondensent pas, un noyau ne se reforme pas, et de fait, un fuseau de métaphase II se met immédiatement en place. La transition MI-MII est orchestrée par deux activités kinasiques qui sont étroitement interconnectées : celle de Cdk1 et la voie Mos/MAPK.

Entre les deux divisions, la chute transitoire de l’activité de Cdk1 dépend uniquement du turn-over des Cyclines B, et Cdk1 n’est pas inhibé par phosphorylation sur T14 et Y15 (Furuno et al., 1994; Gerhart et al., 1984; Hochegger et al., 2001; Jessus et al., 1991). Comme en mitose, la sortie de la métaphase I dépend de la dégradation des Cyclines B, sous le contrôle de leur ubiquitination par l’APC/CCdc20 (Peter et al., 2001; Taieb et al., 2001). Mais contrairement à une mitose, de nouvelles molécules de Cyclines B (B1, B2, B4 et B5), sont resynthétisées de manière simultanée. Cette dynamique explique la baisse d'activité de Cdk1,

entrée brutale dans la seconde division méiotique (Hochegger et al., 2001; Peter et al., 2001 ; Taieb et al., 2001). L’activité résiduelle de Cdk1 au moment de l'expulsion du globule polaire est d'ailleurs indispensable pour bloquer l’apparition d’une phase-S intercalaire. Ainsi, l’inhibition de la synthèse protéique par la cyclohéximide en métaphase I, l’inhibition spécifique de la synthèse des Cyclines B avec des oligonucléotides antisens ou l’inhibition de Cdk1 par l'injection du mutant Cdk1-K33R à GVBD entraînent une chute totale de l’activité de Cdk1. Dans ces conditions, les ovocytes entrent dans un état interphasique avec des micronoyaux organisés autour des chromosomes décondensés, épars dans le cytoplasme, où l'ADN est répliqué (Hochegger et al., 2001 ; Huchon et al., 1993 ; Iwabuchi et al., 2000 ; Thibier et al., 1997).

Contrairement à l'activité de Cdk1, la voie Mos/MAPK activée dès GVBD, reste active jusqu’en métaphase II (Dupré et al., 2011). L’inhibition de cette voie dès GVBD, par des oligonucléotides antisens ou l’inhibiteur de MEK, U0126, provoquent l’effondrement de l’activité Cdk1 après la métaphase I (Furuno et al., 1994; Gross et al., 2000). Dans ces conditions, les Cyclines B ne se réaccumulent pas et les ovocytes entrent dans l'état pseudo-interphasique avec réplication, déjà décrit pour l'inhibition de Cdk1 (Furuno et al., 1994; Gross

et al., 2000). En revanche, lorsque la voie Mos/MAPK est bloquée dès la prophase par des

morpholinos antisens, l’activité de Cdk1 suit un profil normal (Dupré et al., 2002). Cependant, sa réactivation est ralentie par rapport aux ovocytes contrôles, en corrélation avec une réaccumulation lente des Cyclines (Dupré et al., 2002). En outre, les ovocytes répliquent leur ADN génomique (Dupré et al., 2002). La voie Mos/MAPK a donc le potentiel d’inhiber la réplication indépendamment de l’activité de Cdk1. Cette action sur la réplication se fait par l’intermédiaire de la protéine Cdc6, une protéine cruciale des complexes d’initiation de la réplication dans les cellules somatiques. Cette protéine est absente dans l’ovocyte bloqué en prophase et s’accumule entre les deux divisions pour que les ovocytes acquièrent la compétence à répliquer l’ADN (Lemaitre et al., 2002; Whitmire et al., 2002). Cette compétence est requise après la fécondation pour les cycles embryonnaires précoces et doit donc être inhibée dès l’apparition de Cdc6 après la méiose I. La voie Mos/MAPK régule négativement l’accumulation de Cdc6 en induisant indirectement sa dégradation entre les deux divisions méiotiques (Dupré et al., 2011). Elle synchronise ainsi l’acquisition de la compétence à répliquer l’ADN avec son inhibition et l’entrée en méiose II (Daldello et al., 2015). De plus, elle contribue à la réactivation de Cdk1 après la métaphase I en régulant soit directement l’activité de Cdk1 soit la synthèse et la stabilité des Cyclines B. La voie Mos/MAPK, conjointement avec l’activité résiduelle de Cdk1, pourrait tout d’abord inhiber l’activité de

Wee1, qui est synthétisé après la méiose I (Iwabuchi et al., 2000; Nakajo et al., 2000). Elle stabiliserait aussi l’activité de Cdk1, comme cela a été suggéré dans des extraits de xénope (Chau and Shibuya, 1998). La voie Mos/MAPK pourrait directement stimuler la synthèse de Cycline B et/ou inhiber indirectement l’activité de l’APC/C pour préserver une fraction des Cyclines de la dégradation entre les deux divisions (Furuno et al., 1994; Gross et al., 2000; Inoue et al., 2007; Ohe et al., 2007; Tang et al., 2008; Walter et al., 1997). Cette action sur l’APC/C impliquerait l’inhibiteur de l’APC/C, la protéine Erp1 (Tang et al., 2008).

Si Cdk1 et la voie Mos/MAPK sont les deux activités kinasiques majeures qui orchestrent la transition MI-MII, leurs activités sont interdépendantes l’une de l’autre dès la métaphase I. En effet, l’inhibition de l’une à GVBD provoque l’inactivation de l’autre (Frank-Vaillant et al., 2001; Hochegger et al., 2001). Leur rôle respectif tant sur l’activité de l’APC/C que sur le turn-over des Cyclines ou encore sur la réplication de l’ADN n’a toujours pas été totalement élucidé. Il n’en demeure pas moins que la coordination de ces deux activités est indispensable pour orchestrer la transition MI-MII pour supprimer la réplication de l’ADN entre les deux divisions cellulaires et permettre l’entrée rapide dans la métaphase II.

2. Arrêt en métaphase II et fécondation

L’arrêt de l’ovocyte en métaphase II dépend de l’activité du facteur CSF, qui maintient l’activité Cdk1 à un niveau stable et élevé en inhibant l’activité de l’APC/C. CSF bloque ainsi la dégradation des Cyclines qui intervient normalement en métaphase. Cet arrêt est levé par un influx calcique au moment de la fécondation. Chez les vertébrés, les protéines responsables de l’activité CSF correspondent à la voie Mos/MAPK qui cible l’inhibiteur de l’APC/C, Erp1 (Inoue et al., 2007; Nishiyama et al., 2007; Ohe et al., 2007 ; Sagata et al., 1989b ; Tang et al., 2008). Chez toutes les espèces étudiées jusqu’à présent, l’inhibition de la voie Mos/MAPK (antisens morpholinos chez le xénope, antisens ou mutants KO pour Mos chez la souris) empêche le blocage des ovocytes en métaphase II qui enchaînent alors des cycles de divisions de manière analogue à celle d'un œuf fécondé (Dupré et al., 2011).

Le lien moléculaire entre la voie Mos/MAPK et l’APC/C chez les vertébrés est la protéine Erp1. Cette protéine inhibe l’APC/C par compétition directe au niveau de son site actif via la présence d’une D-box dans sa séquence (Ohe et al., 2010) (Figure 14). Au cours de la maturation méiotique, la synthèse d’Erp1 débute dès la métaphase I mais la protéine ne s’accumule que lors de l’entrée en méiose II. En métaphase II, elle est stabilisée, inhibant

métaphase II par de multiples phosphorylations sous le contrôle de Cdk1 et de la voie Mos/MAPK/p90Rsk (Dupré et al., 2011) (Figure 14A). Les phosphorylations par Cdk1 adressent Erp1 au protéasome pour sa dégradation alors que celles sous le contrôle de la voie Mos/MAPK/p90Rsk ont un effet antagoniste et stabilisateur (Hansen et al., 2007; Isoda et al., 2011; Wu et al., 2007). En effet, la phosphorylation de Erp1 par p90Rsk (sur S335, T336, S342 et S344) recrute la phosphatase PP2A-B56, qui en retour déphosphoryle les résidus ciblés par Cdk1 (Hansen et al., 2007; Inoue et al., 2007; Isoda et al., 2011; Nishiyama et al., 2007; Wu et

al., 2007). Tant que la voie Mos/MAPK est active, les phosphorylations déstabilisatrices de

Cdk1 sont donc inefficaces. Erp1 est stabilisé et inhibe ainsi l'APC/C.

Au moment de la fécondation, la kinase CaMKII (Calcium/calmodulin -dependent kinase type II) est activée par le flux calcique et la phosphatase PP2B, ou Calcineurine (CaN) (Lorca et al., 1993; Mochida and Hunt, 2007; Nishiyama et al., 2007). La CaMKII phosphoryle alors Erp1 sur la T195, ce qui crée un site de liaison pour Plx1, qui phosphoryle à son tour Erp1 sur deux motifs dégron (DSG). Suite à cette phosphorylation par Plx1, le complexe SCFb-TRCP

reconnaît et ubiquitine les deux DSG, ce qui adresse Erp1 au protéasome qui dégrade la protéine (Rauh et al., 2005; Schmidt et al., 2005; Tung et al., 2005). Simultanément, la CaN déphosphoryle les résidus inhibiteurs de Cdc20, ce qui active l’APC/C, et déphosphoryle le site d’Erp1 phosphorylé par p90Rsk, la S335 (Heim et al., 2018; Mochida and Hunt, 2007). La CaN empêche ainsi le recrutement de PP2A-B56 et favorise la phosphorylation d’Erp1 par Cdk1, ce qui contribue à sa dégradation (Heim et al., 2018). L’action simultanée de la CaMKII et de la CaN provoque ainsi la dégradation de Erp1 (Figure 14B). L’APC/C est activé et les Cyclines sont dégradées, ce qui permet la sortie de métaphase II.

Dans toutes les espèces étudiées jusqu’à présent, y compris celles dont les ovocytes s’arrêtent en Métaphase I ou au stade de pronucléus, la voie Mos/MAPK est l'acteur universel du second arrêt dans la progression méiotique ovocytaire. Cependant, chez les espèces qui ne s’arrêtent pas en métaphase II, cette voie cible d’autres acteurs moléculaires qu’Erp1 (Amiel et

al., 2009; Dumollard et al., 2011; Mori et al., 2006). Ainsi, chez l'étoile de mer où les ovocytes

sont arrêtés en phase G1, au stage pronucléus, Cdk1 est inactive et les ovocytes sont prêts à initier la réplication de l’ADN juste après la fécondation. La voie Mos/MAPK bloque alors par phosphorylation la translocation nucléaire de la protéine Cdc45, un composant essentiel à l’initiation de la réplication tout en inhibant simultanément la synthèse de nouvelles Cyclines A et B par un mécanisme encore inconnu, ce qui empêche ainsi l’entrée dans un nouveau cycle cellulaire.