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Figure 18 : La double fonction d’Arpp19 dans la maturation méiotique

Arpp19 a deux effets antagonistes sur la reprise de la méiose. Phosphorylée sur la S109 par PKA, Arpp19 maintient Cdk1 inactive et bloque l’ovocyte en prophase via un mécanisme encore inconnu. A l’opposé, phosphorylée par Greatwall sur la S67, Arpp19 permet l’activation totale des complexes Cdk1-Cycline B en inhibant la phosphatase PP2A-B55!, permettant ainsi l’entrée en métaphase I. Ces deux fonctions antagonistes sont temporellement dissociées puisque la phosphorylation par Greatwall intervient en fin de la voie signalisation initiée par la progestérone, au moment de l’activation de Cdk1.

V. Identification de la phosphatase qui cible Arpp19 lors

de la reprise de la méiose

L'objectif de ma thèse a été de comprendre la régulation de la phosphorylation d’Arpp19 sur la S109 dans l’ovocyte de xénope grâce à l'identification de la phosphatase responsable de la déphosphorylation de ce résidu lors de la reprise de la méiose, PPS109 (pour « phosphatase ciblant la S109 »). En déphosphorylant Arpp19 sur la S109, cette phosphatase lance la signalisation qui déclenche l’activation de Cdk1. Elle a donc une fonction critique pour la reprise de la méiose.

A. Les phosphatases dans l’ovocyte de xénope

Le rôle des phosphatases dans l’activation de Cdk1 est établi depuis la découverte que l’injection d’acide okadaïque, à une concentration capable d’inhiber PP1 et PP2A, provoque la reprise de la méiose (Cormier et al., 1990; Goris et al., 1989; Masui and Markert, 1971). L’analyse des phosphatases par des approches de biochimie (isolement par chromatographie, utilisation des critères de dépendance aux ions divalents) a permis d’établir que PP2A est principalement localisée dans le cytoplasme et que PP1 est localisée dans le noyau et dans le cytoplasme (Jessus et al., 1989). PP1 cytoplasmique est inactive alors que PP1 nucléaire est présente sous deux formes : l’une est associée à une sous-unité régulatrice encore non identifiée alors que la seconde est solubilisée par de fortes concentrations en sels.

Les rôles respectifs de chacune de ces phosphatases dans le mécanisme d’activation restent mal compris et aucune donnée n’a encore permis d’établir le mode de régulation de PP1 et de PP2A dans la voie de signalisation initiée par la progestérone. Cependant, l’inhibition spécifique de PP1 par l'injection de deux de ses inhibiteurs protéiques spécifiques, l’inhibiteur I1 ou l’inhibiteur I2, respectivement bloque et retarde la reprise de la méiose en réponse à la progestérone et à l’injection de PKI (Foulkes and Maller, 1982; Huchon et al., 1981a). De plus, I1 perd son effet inhibiteur lorsqu’il est injecté une heure après la stimulation hormonale ou lorsque l’activation de Cdk1 est induite par un transfert de cytoplasme (Huchon et al., 1981a). L’ensemble de ces résultats suggère donc que l’activation de PP1 est nécessaire pour la reprise de la méiose en réponse à la progestérone, sous le contrôle de l’inhibition de PKA. Une fois l’auto-amplification déclenchée, l’activité de PP1 n’est plus requise pour la reprise de la méiose. Cet effet de PP1 dans la reprise de la méiose de l'ovocyte de xénope est réminiscent de celui

exercé par Arpp19 phosphorylée par PKA. PP1 représentait donc un bon candidat comme catalyseur de la dephosphorylation d’Arpp19 en réponse à la progestérone.

B. Résultats

Les résultats obtenus lors de mon doctorat sont présentés sous la forme d’un article qui déposé sur le site BioRxiv (DOI : https://doi.org/10.1101/801225) et soumis à Nature

Communication. J'ai profité de mes lectures bibliographiques pour entamer la rédaction d'un

article de revue sur les rôles des phosphatases dans l'activation de Cdk1 dans les ovocytes, écriture pour laquelle notre équipe a été sollicitée.

1. La phosphorylation S109, un équilibre entre PKA et

PPS109 en prophase

Pour identifier PPS109, j’ai tout d’abord développé un dosage permettant de détecter et quantifier son activité. Pour cela, j’ai utilisé son substrat, Arpp19, étiquetée avec une GST, que j’ai préalablement phosphorylé in vitro sur la S109 par PKA (Arpp19-S109p). Ce substrat est alors lié à des billes de glutathion puis incubé en présence d’extraits d’ovocytes bloqués en prophase. La phosphorylation sur la S109 du substrat est suivie par western blot en utilisant l’anticorps spécifiquement dirigé contre la forme d'Arpp19 phosphorylée sur S109. En parallèle, j’ai également mis au point un dosage pour suivre l’activité de PKA sur ce même site. Le substrat utilisé correspond alors à la forme sauvage d’Arpp19 étiquetée avec une GST (Arpp19-S109), non phosphorylée sur la S109, et est lié à des billes de glutathion. Comme pour le dosage de PPS109, la phosphorylation S109 est déterminée par western blot avec le même anticorps. Les dosages ont été réalisés avec ou sans ATP (dans ce dernier cas, les kinases ne sont pas fonctionnelles), et en présence ou non de l’inhibiteur de PKA, PKI. J’ai montré que dans les extraits en prophase, PKA phosphoryle activement la S109 d'Arpp19 et est inhibée en l’absence d’ATP ou par PKI. Sans ATP, une activité PPS109 déphosphoryle massivement Arpp19 sur la S109. En présence d’ATP, Arpp19-S109p n’est que faiblement déphosphorylée, probablement en raison de l'activité de PKA qui contrecarre celle de PPS109. Effectivement, dans ces conditions, l’addition de PKI suffit pour induire la déphosphorylation totale d’Arpp19. Ces résultats indiquent que PPS109 est active en prophase mais que son activité est masquée par celle de PKA qui contrecarre la déphosphorylation de la S109. Par ailleurs, l’addition d’acide okadaïque dans ces extraits bloque la déphosphorylation d’Arpp19-S109p, indiquant

2. PPS109 correspond à PP2A-B55

L’analyse par western blot des PPPs présentes dans l’ovocyte indique que toutes les PPPs, PP1, PP2A, PP4, PP5 et PP6, sont exprimées à un même niveau en prophase et en métaphase II. Par ailleurs, deux sous-unités régulatrices de PP2A sont également présentes : la B55δ et la B56e. Afin de mieux caractériser PPS109, les extraits de prophase traités ou non par PKI ont été fractionnés par des précipitations successives au sulfate d’ammonium (20%, 40% puis 60%). Dans chacun des précipitas, les activités de PPS109 et de PKA ont été mesurées et les PPPs suivies par western blot. L’activité de PKA est retrouvée dans la fraction précipitée par 60% de sulfate d'ammonium alors que PPS109 est active dans le précipité 40%, que ce soit en présence ou en absence de PKI. Ceci confirme qu’elle est active en prophase. Le précipité 40% contient toutes les PPPs, à l’exception de PP1 et PP5. Ces deux phosphatases ne sont donc pas responsable de la déphosphorylation d’Arpp19 sur la S109.

a) Identification de PPS109

L’identification de PPS109 a été effectuée par le fractionnement successif d’extraits d'ovocytes supplémentés avec PKI par quatre étapes de chromatographie FPLC reposant sur des critères de charge, d’hydrophobicité et de masse moléculaire. A chaque étape, l’activité de PPS109 a été mesurée dans chaque fraction et les phosphatases détectées par western blot. De plus, chaque fraction possédant une activité PPS109 a été soumise à un séquençage par spectrométrie de masse afin d’identifier toutes les phosphatases présentes dans la fraction. Ce protocole de purification a été réalisé 4 fois. Par western blot et spectrométrie de masse, nous avons établi que deux isoformes de PP2A sont capables de déphosphoryler la S109 d'Arpp19 : PP2A-B55a/d et PP2A-B56. Il est à noter que les fractions comportant l'activité PPS109 contiennent systématiquement PP2A-B55a/d mais pas toujours PP2A-B56. PP2A-B55a/d est donc capable de déphosphoryler Arpp19 sur la S109 indépendamment de PP2A-B56.

b) Validation de l’identité de PPS109 in vitro et in vivo

L’identité de PPS109 a ensuite été validée dans les extraits de prophase déplétés soit pour toutes les isoformes de PP2A à l’aide de billes couplées à la microcystine, soit spécifiquement pour PP2A-B55a/d en utilisant des billes couplées à son inhibiteur, Arpp19 thiophosphorylée sur la S67 (Dupré et al., 2013; Gharbi-Ayachi et al., 2010). L’activité PPS109 a ensuite été déterminée après addition ou non de PKI dans les extraits ainsi déplétés. La déplétion de toutes les isoformes de PP2A supprime totalement l’activité de déphosphorylation

d’Arpp19 dans les extraits. La déplétion de PP2A-B55d abolit partiellement l’activité de PPS109. Ce résultat suggère que PP2A-B55a/d et PP2A-B56 contribuent à la déphosphorylation de la S109 d’Arpp19 dans les extraits ovocytaires, en accord avec les résultats d'isolement par chromatographie de PPS109. Par ailleurs, la seule déplétion de PP2A-B55d augmente le niveau de phosphorylation d’Arpp19 sur la S109 dans les extraits de prophase où PKA est active, montrant que cette isoforme assume une forte proportion de l'activité PPS109 et que PKA s'oppose à son action.

J'ai ensuite inhibé PP2A-B55a/d in vivo en injectant les ovocytes avec la protéine Arpp19-thiophosphorylée sur la S67 mais non phosphorylable sur la S109 (mutation S109A) (Arpp19-S109A-thioS67). Les ovocytes ont alors été stimulés ou non par la progestérone. Dans les ovocytes contrôles, Arpp19 endogène est déphosphorylée dans les 30 à 60 minutes après la stimulation hormonale, comme attendu (Dupré et al., 2014). L’injection d’Arpp19-S109A-thioS67 induit la reprise de méiose indépendamment de la stimulation hormonale, indiquant que la protéine a bien inhibé PP2A-B55a/d (Dupré et al., 2013). En réponse à la progestérone, cette inhibition de PP2A-B55a/d bloque la déphosphorylation d’Arpp19 endogène sur la S109. PP2A-B55a/d apparaît donc comme la phosphatase responsable de la déphosphorylation d’Arpp19 sur la S109 lors de la reprise de la méiose dans l’ovocyte de xénope.

3. L'activité de PP2A-B55 n’est pas régulée par la