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La transition école-collège au travers d'un suivi plus fin des élèves

a)En amont du passage en 6è : la commission d'harmonisation

En amont de la transition école-collège, un temps de concertation est organisé entre professeurs du 1er et du 2nd degré pour évoquer les cas d'élèves sur lesquels porter une vigilance : elle porte souvent le nom de commission d'harmonisation. Axelle les assimile à des cellules de veille25 dans leur forme. A Marie de France, elles ont lieu en fin d'année. Si elle n'y participe pas depuis qu'elle est à Marie de France, elle a cependant les copies des notes prises par ses collègues enseignants, afin de disposer de l'ensemble des informations utiles à son suivi d'élèves. A Marcelle Tinayre, la réunion d'harmonisation, que Lucie définit par « un temps d'échange d'informations, sur les élèves, sur leur niveau scolaire, et sur toutes les questions éducatives, sociales, délicates », se déroule au mois de juin. « Sans rentrer dans les détails » explique-elle, les professeurs du 1er degré attirent l'attention des acteurs du 2nd degré sur tel ou tel élève, pour y être davantage vigilants. C'est aussi le moment de la transmission des PPRE passerelles26, qui permettent de « faire un focus sur tel ou tel élève (…) et de savoir quelles priorités de travail donner à cet élève-là. » Les PPRE passerelles sont pratiqués sur le niveau 6è, elle en dénombre une vingtaine environ, pour les cas les plus « délicats ». La CPE n'a pas de rôle sur ces PPRE passerelles, car selon Lucie, dans ce collège, l'enjeu est de faire vivre une véritable « responsabilité éducative partagée (…) Et pas sur une responsabilité éducative propre au CPE», et ce bien que c'est ce que l'on attend de nous, comme elle l'exprime. Pour autant, énonce-t-elle : « la question éducative elle se traite vraiment au quotidien et dans toutes les interactions avec les élèves ». Ainsi, elle a connaissance de l'ensemble des cas délicats, de même que l'infirmière et l'assistante sociale. Toutes les trois sont à égalité d'informations pour les élèves de 6è lorsqu'ils arrivent dans l'établissement. La transmission des

25 La cellule de veille est un dispositif interne mis en place sous la responsabilité et l'impulsion du Chef d'Etablissement. La cellule de veille vise à repérer les risques de rupture scolaire, à analyser collectivement les

problématiques des élèves, à émettre des propositions d'actions dans les champs pédagogique, éducatif, social, médical, voire d'orientation et d'insertion.

26 Les PPRE passerelles sont des PPRE destinés à des élèves de primaire n'ayant pas validé l'ensemble des compétences, ou dits à « besoins éducatifs particuliers ». Ce document formalise pour les personnels sur une période donnée des constats, une liste de compétences à développer, donc des objectifs d'apprentissage, des préconisations (d'outils spécialisés, de pratiques pédagogiques en classe) et une partie bilan.

informations ne se fait qu'aux professeurs principaux concernés, pour un souci de confidentialité, de discrétion voire de secret professionnel, auquel est tenu tout fonctionnaire. Les classes étant plus ou moins finalisées au moment de cette réunion, les enseignants entendent un grand nombre d'informations, alors qu'ils n'auront pas forcément dans leurs classes tel ou tel élève, donc il s'agit d'être très vigilants quant à la transmission des informations qui n'ont pas à être partagées par tous, explique Lucie. Il est intéressant de noter que l'entrée de la CPE dans cette réunion est récente, à son arrivée il y a cinq ans dans le collège, ce n'était pas le cas, de même que pour l'équipe médico- sociale. Or cela leur paraissait inconcevable de ne pas participer à cette réunion, leur participation ayant pour objectif d'éviter un partage d'informations uniquement pédagogiques. Les situations sociales et familiales parfois « extrêmement précaires et compliquées » qu'engendre l'inscription en REP, doivent être connues des personnels non-enseignants, pour élargir le regard sur les élèves, « mieux comprendre leur situation et donc mieux les accompagner, être plus efficients en termes de suivi ». On peut relier ces éléments à la vocation sociale de ces établissements, qui nécessite une coordination des activités éducatives à l'intérieur de ces établissements pour augmenter leur efficacité auprès des élèves rétifs. Cette collaboration est favorable au développement de ces personnels dont certains (assistante sociale, conseillère-d'orientation psychologue) ont longtemps pratiqué les concertations à l'extérieur de ces établissements (Van Zanten, 2001). Ainsi, selon l'auteure, les contraintes spécifiques à la socialisation des élèves de ces établissements permettent aux catégories de personnels non-enseignants, CPE compris, de renégocier leur place (dans une dynamique interactionniste, si l'on reprend E.Goffman) à côté des profs, notamment par la distillation dosée d'informations qu'ils possèdent déjà, via des contacts individualisés plus nombreux avec les élèves et familles. Ces informations constituent une « source de pouvoir », conclut l'auteure, dès lors que l'activité de transmission de connaissances est étroitement subordonnée à la prise en compte des difficultés extrascolaires des adolescents.

b)Les Assistants d'Education référents ou tuteurs

La mise en place d' « AED référents » ou « AED tuteurs » se démocratise et participe de ce qu'appelle Lucie « la responsabilité éducative partagée » entre personnels d'éducation et pédagogues. A la Marie de France, les AED sont référents des classes qu'ils dirigent en études encadrées. Ils repèrent certains élèves dont ils parlent à la CPE voire à l'équipe médico-sociale par la suite. Cela permet « d'avoir un œil sur les élèves qui vont pas trop s'intégrer, qui ont pas l'air épanouis, se perdent dans les couloirs » et «permet un bon suivi » dit-elle. De son côté, lorsqu'elle

dispose d'informations sur les élèves, elle fait une « communication par mail groupée », à tous les personnels concernés. Elle conclut alors : « en tant que CPE on passe un temps fou à communiquer, à rebalancer des infos, et en même temps on n'a pas l'choix. Mais c'est intéressant en même temps ». A Christine de Pisan, la logique de recrutement qu'a choisi Sandrine est très intéressante pour le suivi éducatif et pédagogique dont sont missionnés les AED. Recevant un grand nombre de Curriculums Vitae (jusqu'à 300), elle a le privilège de pouvoir sélectionner spécialement des personnes préparant des concours de l'Education Nationale. Ainsi, elle dégage 1h à 2h de leur temps de service à deux AED préparant le concours de professeur des écoles pour accompagner les 6è qui vont soit en Accompagnement Personnalisé, soit en « éducation à la coopération ». Cela leur permet de se former tout en apportant une plus-value au service vie scolaire. L'avantage de ce choix de ressources humaines est que ces AED sont « hyper investis sur tout » explique Sandrine, « ils se bagarrent pour faire de l'aide aux devoirs » assure-t-elle d'ailleurs. A Marcelle Tinayre également, des AED sont référents, uniquement pour les élèves de 6è, consistant en un accompagnement sur les deux journées d'accueil des 6è : la rentrée décalée et leur première journée en présence des élèves des autres niveaux, du cycle 4. Donc sur toute la 1ère journée, l'AED reste avec sa classe de 6è de référence, avec le professeur principal, afin de faire réellement connaissance avec les élèves de la classe, autour de jeux de connaissance interpersonnelle, de jeux de cohésion. L'objectif sous-jacent est que l'élève ait un adulte que l'on peut qualifier de « proche (...) qu'il peut rencontrer au quotidien (...) sur les temps interclasses, et sur les temps de classe (...) un adulte qu'il aura repéré et identifié comme adulte de confiance ». Le tutoiement des AED par les élèves participe selon Lucie de cette proximité et relation de confiance rapidement établie. Elle sollicite également les AED (en leur permettant de récupérer leurs heures) pour qu'ils soient présents aux conseils de classe de leur classe de référence, « parce qu'ils ont une vision des élèves qui n'est pas celle des enseignants » et car elle ne peut être présente à tous ces conseils. Cependant, même quand elle y est présente, l'AED peut être présent, et ce : « parce qu'ils ont aussi des choses à dire, auxquelles moi j'vais pas penser (...) Normalement toutes les informations dont ils disposent, j'dois les avoir hein ! Mais... sait-on jamais ». Ils sont en effet tout de même davantage présents sur le terrain, elle le confirme.

c)Un choix étudié des professeurs principaux

Enfin, le suivi plus fin des 6è se cristallise par un choix réfléchi des professeurs principaux. Lucie a pu en témoigner à Ernest Renan : « les profs principaux de 6è, bon, ça tourne un p'tit peu mais pas beaucoup ». Lorsque je l'interroge sur la nature de ce choix, elle répond en effet que ce sont des professeurs repérés comme « très aidants, très accompagnants, et très accueillants », avec « un

versant un p'tit peu maternant pour nos élèves de 6è qui ont aussi encore besoin de ça ». Les professeurs principaux, notamment de 6è, sont en outre particulièrement sensibilisés à la question du harcèlement, dont ils ont mesuré la gravité du phénomène. Ils l'abordent ainsi selon Lucie systématiquement avec leurs élèves de 6è, illustrant là aussi la « responsabilité éducative partagée », la sensibilisation au harcèlement étant bien souvent cantonné au CPE ou d'autres acteurs non- enseignants.

D)Le développement des compétences psychosociales, un levier pour renforcer les