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Transformations physiques des composés azotés et non azotés en digestion anaérobie

Partie 1 : Transformation du carbone et de l’azote en digestion anaérobie

4. Transformations physiques des composés azotés et non azotés en digestion anaérobie

La biodégradation en digestion anaérobie est très bien décrite au niveau biochimique au niveau de l’azote et du carbone, cependant, la biodégradation est principalement limitée par des phénomènes physiques dont la description reste très difficile à un niveau mécaniste. En effet, la matière organique est composée d’arrangements de molécules complexes qui peuvent former des barrières physiques récalcitrantes à la biodégradation limitant l’accès aux composés biodégradables. Ces composés emprisonnés sont dits non bioaccessibles. La bioaccessibilité se définie comme étant la quantité de la matière organique qui peut entrer physiquement en contact avec les microorganismes et leurs enzymes. Cette bioaccessibilité est limitée par la présence de matériaux lignocellulosiques, comme de la lignine ou de la cellulose cristalline très récalcitrants à la biodégradation formant une barrière autour de composés biodégradables (Monlau et al., 2012; Triolo et al., 2011) (Figure 10). Il peut exister plusieurs niveaux de bioaccessibilité en fonction du degré de complexité de la barrière qui rendra le composé emprisonné plus ou moins bioaccessible. Cette problématique de bioaccessibilité touche la partie composite à désintégrer qui agglomère tous les polymères biodégradables et non biodégradables.

Figure 10: Structure de la lignocellulose

Il existe deux principales méthodes de détermination des degrés de bioaccessibilité des composés biodégradables dans la matière organique : les méthodes d’extraction Van Soest (Van Soest, 1963) et

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EPS (Jimenez et al., 2015). Ces méthodes ont comme point commun l’utilisation d’un protocole d’extraction chimique séquentiel avec une augmentation de l’agressivité des solvants. Ces deux méthodes permettent de fractionner la matière organique en cinq compartiments de bioaccessibilité décroissante. Les solvants utilisés et compartiments obtenus par ces deux fractionnements sont présentés tableau 2.

Tableau 2: Solvants utilisés et molécules ciblés par les méthodes d’extraction Van Soest et EPS.

Solvants utilisés pour les extractions Van Soest (VS)

Solvants utilisés pour les

extractions EPS Molécules ciblés par l’extraction

Eau bouillante CaCl2 10 mM Sucres, acides aminés, protéines

solubles Détergent neutre extraction

(NDF)

NaOH, NaCl 10mM Protéines, EPS, lipides

NaOH 0.1M Protéines, acides humiques

Détergent acide (ADF)

H2SO4 72% Hémicellulose

H2SO4 72% Cellulose

Non-extractible Non-extractible Lignine

Deux grandes différences sont à noter entre ces deux fractionnements. Tout d’abord, les conditions d’extraction sont différentes. Toutes les extractions Van Soest sont effectuées en un seul cycle à 100°C à l’exception de l’extraction à l’acide sulfurique 72% qui s’effectue en trois cycles et à température ambiante. Les extractions EPS sont effectuées à une température de 30°C ce qui nécessite plus de cycles d’extractions (de 2 à 4 en fonction de l’extraction considérée). Ensuite, la nature des solvants diffère entre les deux méthodes. En effet, le protocole d’extraction Van Soest utilise les détergent NDF et ADF pour cibler des composés respectivement protéiques et hemicellulosiques. La particularité de ces solvants est leur mode d’action. Ainsi ils provoquent, notamment le NDF, la désintégration des cellules libérant le contenu cellulaire ce qui en fait une méthode agressive. Les solvants utilisés par la méthode d’extraction EPS présentent la particularité de remplacer le solvant NDF par des solvants basiques et ne considèrent pas d’extraction de l’hémicellulose, celle-ci est extraite avec la cellulose lors de l’étape à l’acide sulfurique 72%. La première extraction basique remplaçant le NDF permet de cibler les substances exo-polymériques, acides nucléiques et autres composés facilement extractibles

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par l’action d’une solution de NaCl et NaOH. La seconde extraction basique au NaOH va solubiliser les substances exopolymériques (EPS) les plus réfractaires ainsi que d’autres composés difficilement solubles.

L’utilisation de ces deux méthodes sur différents types de substrats a pu mettre en évidence qu’elles permettaient de quantifier la bioaccessibilité de la matière organique. En effet, les extractions Van Soest sont utilisées en agronomie pour qualifier la digestibilité d’un fourrage (Van Soest et al., 1991)

et notamment dans des modèles de minéralisation du carbone et de l’azote de résidus de culture dans les sols pour fractionner la matière organique (Chalhoub et al., 2013; Garnier et al., 2003; Molina, 1996). Chaque extraction est définie comme un compartiment du modèle avec une bioaccessibilité propre. Les extraits à l’eau bouillante sont considérés comme directement bioaccessibles et les résidus d’extraction à l’acide sulfurique 72% sont considérés comme très peu bioaccessibles. L’utilisation de cette méthode d’extraction en digestion anaérobie pour fractionner la matière organique selon la bioaccessibilité a montré des résultats très variables d’un substrat à un autre. En effet, des liens entre bioaccessibilité selon cette méthode et la production de méthane ont été démontrés avec de très bonnes corrélations sur de nombreux types de substrats issues de filières diverses (Bayard et al., 2015; Gunaseelan, 2007a; Liu et al., 2015). Cependant, Mottet et al. (2010) nuancent la pertinence de cette méthode d’extraction et de son le lien avec la bioaccessibilité du carbone en digestion anaérobie en observant que les extractions sont trop agressives pour des substrats autres que des résidus de culture.

Les extractions EPS, utilisant des solvants moins agressifs, montrent des extractions moins poussées que pour la méthode Van Soest. Tout comme les extractions Van Soest, les extractions EPS ont été utilisées pour quantifier la bioaccessibilité. Les résultats obtenus par Jimenez et al. (2015) en complémentarité de mesures de fluorescence 3D ont permis de mettre en évidence la présence de composés très récalcitrants dans tous les extraits, qui participent à limiter la biodégradation des différents composés. Ces composés complexes expriment mieux la bioaccessibilité qui était mal déterminée par la méthode Van Soest. Cette meilleure prise en compte de la bioaccessibilité a permis de trouver de meilleures corrélations entre la bioaccessibilité déterminée par les extractions EPS et la biodégradabilité de nombreux substrats en digestion anaérobie (Jimenez et al., 2017).

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Ces deux méthodes d’extraction, qui permettent de fractionner la matière organique selon la bioaccessibilité des substances qui la composent, se sont surtout focalisées sur la bioaccessibilité du carbone via la demande chimique en oxygène. Cependant, aucune recherche n’a été effectuée sur la bioaccessibilité de l’azote et son lien avec la biodégradabilité en digestion anaérobie. De plus, aucune information sur l’évolution de cette bioaccessibilité au cours de la digestion anaérobie n’est disponible. Cette dernière permettrait de mieux comprendre les transformations du carbone et de l’azote en digestion anaérobie ainsi que de connaitre la bioaccessibilité du carbone et de l’azote dans les digestats en fonction de la conduite du digesteur (charge organique, temps de séjours hydraulique, cocktail de substrat…).

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