• Aucun résultat trouvé

Partie 2 : Modélisation de la digestion anaérobie

4. Principales limites du modèle et modifications

4.1. Un modèle complexe et ciblé.

Cela fait plus de 15 ans qu’ADM1 a vu le jour. Il reste toujours d’actualité et est considéré comme un modèle complet en termes de description de processus biochimiques Ce modèle se revendique, dans sa configuration et avec ses valeurs par défaut, du traitement des eaux (Batstone et al., 2015b) et son

52

application sur des configurations avec des substrats d’origine agricole nécessite une modification systématique du modèle ou un réajustement paramétrique (Galí et al., 2009 ; Mata-Alvarez et al., 2014). Cependant, le modèle a été construit pour permettre une modification simple et plus de 175 articles définis par les termes « modified ADM1 » ont été publiés depuis 2004 (Science Direct, 2018). Le modèle ADM1 a pu subir des modifications à plusieurs échelles mais qui généralement touchent la même étape : la désintégration et l’hydrolyse. Ces étapes sont les moins mécanistes de tout le schéma réactionnel et causent le plus de problèmes notamment lors de la simulation de la biodégradation de substrats atypiques et du couplage avec d’autres modèles (Nopens et al. 2009). Les prochains paragraphes traiteront des stratégies de modification de cette étape de désintégration et d’hydrolyse.

4.2. Modification de la cinétique de désintégration et d’hydrolyse : l’ordre Contois

Les cinétiques de désintégration et d’hydrolyse sont décrites dans ADM1 par une cinétique d’ordre 1 comme montré précédemment dans la section 2.2.2. Cependant, selon Vavilin et al. (2008), l’utilisation d’une cinétique d’ordre 1 peut montrer des limites surtout dans des systèmes où la biomasse est limitante et où des phénomènes d’affinité entre biomasse et substrat deviennent limitants. Afin de remédier à cette limitation, de nombreux auteurs ont remplacé cette cinétique d’ordre 1 par une cinétique d’ordre Contois sur les processus de désintégration et d’hydrolyse (Mairet et al., 2012; Polizzi et al., 2017; Ramirez et al., 2009). La particularité de cet ordre Contois (équation 13) est que la concentration de biomasse est prise en compte et que deux constantes sont à considérer plutôt qu’une.

ALMaPOEE= BT,LMaPOEEX V/Q

Y,,cdefgg V/Q (13)

ρprocess : Cinétique du processus d’hydrolyse/désintégration (kgDCO.m-3.j-1) km,process : constante maximum specifique d’hydrolyse/désintégration (j-1) X : concentration de biomasse (kgDCO(X).m-3)

S : concentration du composé particulaire à hydrolyser/désintégrer (kgDCO(S).m-3) KS,process : coefficient de demi-saturation du ratio S/X (-)

La première est la constante maximale de désintégration/hydrolyse de la fraction composite km,process, qui est la vitesse maximale que peut atteindre la biodégradation des composites/polymères quand la

53

concentration en substrat S est très grande. La seconde est la constante de demi-saturation pour la biomasse, qui permet de quantifier le niveau d’affinité entre la biomasse et le substrat. Cet ordre est généralement traduit comme une manière de prendre en compte l’effet limitant de la surface disponible à la désintégration/hydrolyse (Mottet et al., 2013) et ceci se montre très pertinent dans le cas de la biodégradation d’un substrat pauvre en biomasse initiale tel que les résidus de culture.

L’utilisation de l’ordre Contois sur le processus de désintégration a été testée par Polizzi et al (2017) sur la biodégradation de boues activées de teinturerie et n’a montré aucune différence significative avec l’utilisation d’une cinétique d’ordre 1. Cette étude montre que l’utilisation de ce type de cinétique n’est pas pertinente sur l’étape de désintégration et notamment sur des substrats avec une biomasse initiale non négligeable. L’utilisation de ce type de cinétique montre tout son intérêt lorsqu’elle est appliquée à l’hydrolyse. En effet, Mairet et al. (2012) et Ramirez et al. (2009) ont montré des résultats beaucoup plus proches des données expérimentales par rapport à l’utilisation d’ADM1 avec une cinétique d’hydrolyse d’ordre 1. La modification de la cinétique d’hydrolyse a permis une

amélioration du modèle lorsque l’on considère des substrats de type résidu de culture. Cependant, en fonction du substrat et du fractionnement de la matière organique utilisé, la cinétique d’ordre Contois peut donner des résultats similaires à ceux obtenus avec une cinétique d’ordre 1ou ne pas être

suffisante pour décrire l’évolution de la fraction. Lorsque le dernier cas de figure est constaté, la modification du fractionnement de la matière organique dans le modèle se présente comme une solution.

4.3. Modification du fractionnement.

4.3.1. Fractionnement basé sur la cinétique de biodégradation

La production de biogaz peut présenter plusieurs profils de production avec plusieurs cycles rapides ou lents (Siegrist et al., 2002). De nombreux auteurs ont donc, en se basant sur ces observations sur certains substrats, re-fractionné la matière organique selon la vitesse de biodégradation des fractions (Girault et al., 2012b; Kouas et al., 2015; Mottet et al., 2013; Poggio et al., 2016). Ces modifications ont surtout porté sur la fraction composite XC du modèle ADM1 qui est subdivisée en deux fractions :

54

une première avec une vitesse de biodégradation rapide et une seconde avec une vitesse de biodégradation lente. La détermination de ces fractions peut se faire en utilisant des techniques de respirometrie anaérobie qui permettent l’identification rapide des fractions lentement et rapidement biodégradables (Girault et al., 2012b; Mottet et al., 2013). L’utilisation de cette modification du fractionnement sur des bases cinétiques a montré des résultats très robustes. Cependant, l’utilisation de cette méthode ne donne pas d’information sur la bioaccessibilité de la matière.

4.3.2. Fractionnement basé sur la bioaccessibilité

La bioaccessibilité se définie comme étant la quantité de la matière organique qui peut entrer physiquement en contact avec les microorganismes et leurs enzymes. Elle est la base du

fractionnement des modèles de minéralisation du carbone et de l’azote dans les sols. Généralement, cette bioaccessibilité est déterminée via des extractions chimiques séquentielles de plus en plus agressives. L’implémentation de ces fractionnements dans ADM1 reste cependant très marginale dans la littérature. En effet, le fractionnement Van Soest est surtout utilisé pour déterminer les variables complexes du type polysaccharides dans le modèle ADM1 (Klimiuk et al., 2015). De plus, ce fractionnement a montré des liens peu robustes avec le potentiel bio-méthanogène (Jimenez et al., 2015; Mottet et al., 2010) ce qui en fait une méthode de fractionnement à considérer avec précaution pour la digestion anaérobie.

En revanche, les extractions EPS ont été utilisées pour modifier le fractionnement du modèle ADM1 (Jimenez et al., 2016). En effet, ce fractionnement de la matière organique a permis d’améliorer la simulation de la biodégradation de substrats allant de la paille à la pomme. Le modèle ADM1 modifié (figure 12) montre ainsi que les fractions déterminées (XRC, XMC et XSC) ont remplacé la fraction composite XC. Ces fractions sont directement hydrolysées et transférées dans les fractions solubles et inertes selon leur bioaccessibilité, XRC étant le rapidement bioaccessible, XMC le moyennement bioaccessible et XSC le lentement bioaccessible. La biomasse est quant à elle localisée dans toutes les fractions complexes XRC, XMC et XSC.

Documents relatifs