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CHAPITRE 4 : Choix des textes et objectifs de l’adaptation : entretien avec les

4.1. Transcription orthographique de l’enregistrement

Nous allons à présent entamer l’analyse des données recueillies au moyen de l’entretien semi-directif que nous avons eu avec les conceptrices des manuels. L’enregistrement de l’entretien est accompagné de notes42 (trace écrite), que les conceptrices ont rédigées en guise de guide de débat.

Dans cette partie, nous expliquerons à quel point notre objectif a été atteint, c’est-à-dire, à quel point nous avons obtenu des réponses à nos questions, quelles sont les hypothèses que nous avons confirmées, quelles sont les nouvelles pistes que nous avons pu découvrir grâce à cet entretien mais surtout avec quelles conclusions nous sommes sortie.

4.1.

Transcription orthographique de l’enregistrement

- Durée de l’enregistrement transcrit : 12 minutes 5543

- Outils d’enregistrement : Ordinateur portable (acer), Téléphone portable (Galaxy S5) - Personnes présentes lors de l’entretien :

Mme Oum Elkhir AYAD HAMRAOUI, Inspectrice de l’Education et de l’Enseignement Moyen

Mme Saliha HADJI AOUDIA, Professeure de l’Enseignement Moyen

Mme Ourida MOUHOUB BENTAHA, Professeure de l’Enseignement Moyen

- Lieu de l’entretien : lycée Omar RACIM, Alger-centre au bureau de Madame AYAD Oum Elkhir.

- Date de la rencontre : le mercredi 20 mai 2015 (13heures15)

- Durée de l’entretien complet : deux heures et quart. (de 13heures 45minutes à 16heures)

- Enquêtrice : Mme CHERMITI Manel, magistérante en Didactique des langues à la faculté des langues- Tlemcen.

- Interlocuteurs : CHERMITI Manel et Mme AYAD Oum Elkhir (porte-parole des membres de l’équipe)

42Avant d’entamer l’enregistrement, les conceptrices discutaient autour du sujet et notaient l’essentiel en papier. A la fin de la rencontre, elles m’ont offert cette trace écrite que j’ai utilisée dans mon analyse en la comparant avec les données orales. (Voir ANNEXE 10)

43L’enregistrement complet a duré 22minutes mais nous n’avons laissé que les parties compréhensibles et qui tournent autour de notre objectif.

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Voici la transcription de l’entretien où: E : enquêtrice

C : conceptrice (…) : des hésitations … : des vides

E : Alors… Je commence directement par la 1ère question : qui choisit les textes littéraires proposés dans les manuels ? Est-ce les concepteurs ou bien c’est la tutelle qui impose ces textes ?

C : Evidemment, ce sont les conceptrices qui choisissent les textes. Mais, cela dit, ce choix se base sur le contenu du programme officiel et du document d’accompagnement dans lequel tout est précisé : la thématique, le type de texte, les valeurs, le public ciblé et ses centres d’intérêt. Le choix du texte est également tributaire des objectifs qu’on lui assigne dans son exploitation. Parfois, on a dû abandonner des textes que nous avons beaucoup aimés pour certaines considérations.

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C : Par exemple, eh bien écoutez, pour l’autobiographie, nous avions choisi un petit extrait d’Albert Cohen, Le livre de ma mère, mais pour des considérations d’origine de l’auteur, nous avons préféré l’éviter… Parce qu’il y a des évaluateurs… ça il ne faut pas l’oublier derrière.

E : Oui.

C : Bien que nous, nous pensions que la littérature est universelle… On devrait pas entrer dans ses considérations. Le cahier des charges aussi est très important parce que lui, il précise les critères de conception du manuel, tous les critères : culturels, religieux, tout…, la longueur limitée des textes, etc.

E : Voilà ! Alors, notre 2ème question est la suivante : Sur quels critères ou bien sur quelles bases s’est fait le choix des textes littéraires dans les manuels de la 3AM et de la 4AM ? En ce qui concerne les auteurs, est-ce qu’il y a, par exemple, une préférence pour certains auteurs ? Et, en ce qui concerne les thèmes ?...

C : D’accord. Eh bien ! Ce choix est guidé d’abord par l’accès à la compréhension. (Euh) Nous avons préféré ne pas prendre des textes très compliqués, très complexes mais des textes qui sont faciles d’accès. Ensuite, (la val…) la beauté du texte, puis l’esthétique du texte, l’aspect culturel, les valeurs véhiculées par le texte, et puis on n’oublie pas, on ne perd pas de vue qu’un texte est un modèle d’inspiration à l’écriture, à la production écrite,…

E: C’est vrai…

C : … et puis, surtout aussi, nous avons essayé de développer le goût et le plaisir de la lecture d’œuvres chez nos apprenants.

E : En ce qui concerne le degré de difficulté de la langue, est-ce qu’il est pris en considération au moment de la conception des manuels ou bien au moment du choix des textes littéraires ? Est-ce que, c’est-à-dire, vous avez pris en considération le niveau de langue… le niveau des (des) élèves pour choisir le degré de difficulté de la langue du texte littéraire choisi ?

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C : Bien sûr, les difficultés de (de) langue ont certes influencé notre choix (euh) car le public ciblé, le destinataire, l’adolescent était au cœur de notre choix. Et puis, il y a aussi les valeurs véhiculées (des considé…) pour des considérations politiques aussi, culturelles, religieuses, morales,… nous avons sacrifié certains textes à l’exemple que j’ai cité tout à l’heure.

E : Voilà ! A propos de l’adaptation des textes, est-ce que vous travaillez en équipe, ou bien, c’est-à-dire (vous) les tâches sont partagées (chacun se charge de…) c’est-à-dire par exemple, le choix des illustrations, de la langue,… ou bien vous travaillez en groupe, en équipe ?

C : Eh ! Oui. Nous avons travaillé en parfaite symbiose, nous sommes une équipe soudée, nous lisons beaucoup, nous faisons des recherches, nous avons fait des recherches, nous avons ramené des textes, donc nous avons constitué une banque de textes… Et, et puis nous avons choisi en commun les textes qu’il faut garder et puis, nous les avons adaptés ensemble.

E : Une fois les textes choisis, les auteures, c’est-à-dire les conceptrices, ont effectué quelques modifications qui consistent, par exemple, en la suppression de quelques parties ou bien la reformulation de quelques phrases, sinon la substitution des termes par d’autres termes ayant la même signification. Dans quel but ont eu lieu ces modifications ? Pourquoi on ne propose pas directement le texte authentique tel qu’il est ?

C : Oui, alors, (euh) évidemment, nous avons adapté certains textes, mais notre objectif était, d’une part, surtout, de faciliter la compréhension ; et puis parfois si nous avons retiré quelques passages qui ne portent pas atteinte ni à la cohérence ni au sens du texte, c’est parce que… , pour respecter la longueur limitée, la longueur imposée par le programme, et puis nous avons également, parfois, supprimé un vocabulaire qui serait suggestif (et) mais tout cela en veillant à rester fidèles au sens du texte et à sa cohérence.

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E : Très bien. Donc, si j’ai bien compris, l’objectif de l’adaptation c’est rendre le texte plus (plus) accessible, plus lisible aux élèves. Est-ce que vous pouvez expliquer mieux la notion ou le concept du texte lisible ? Qu’est-ce qu’un texte lisible pour un élève ?

C : Un texte lisible pour un élève, c’est un texte qui est d’abord facile d’accès, c’est un texte où il n’y aurait pas d’embûches, de (de) mots trop compliqués. Bon, on peut garder un ou deux mots et les expliquer au bas de la page mais parfois il n’y en a pas beaucoup. C’est pas possible, donc (il faut), il est vrai que comprendre un texte, ce n’est pas comprendre chaque mot du texte, ça nous le savons, et nous apprenons à nos élèves, nous avons essayé, d’ailleurs, dans toutes les compréhensions de l’écrit du manuel d’apprendre à l’élève à approcher un texte pour en construire le sens de façon progressive.

C : A propos du vocabulaire, maintenant. Sur quels critères vous avez choisi un vocabulaire au lieu d’un autre. Par exemple, « très grand » à la place de « extrême »44…(euh)…

E : Eh bien nous avons préféré, favorisé le vocabulaire courant (courant), qui est beaucoup plus à la portée de l’ensemble des élèves de tout le pays.

C : Pensez-vous, madame, que les textes proposés dans les deux manuels de la 3ème

année et de la 4ème année moyenne sont à la portée des élèves algériens ?

E : Nous le pensons et nous avons tout fait pour. Les textes proposés dans (le manuel), les deux manuels de 3AM et de 4AM, en général, sont à la portée d’un élève moyen qui est supposé avoir le profil d’entrée au collège, qui est indiqué dans le programme et le document d’accompagnement ; donc après trois années au primaire, une 1AM et une 2AM (justement oui) Donc, cela fait quand même cinq ans. Il a fait cinq ans de français avant d’arriver en 3AM et 6ans avant d’arriver en 4AM. Evidemment, il y a des spécificités régionales, mais nous, nous avons eu une commande pour un manuel, pour un enfant normalement scolarisé, qui aurait fait ses 6 années de français, voilà. Et puis,

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nous essayons toujours d’élever …, notre souci est d’élever le niveau de nos apprenants, de ne pas les sous-estimer. Et pas l’inverse.

E : Une analyse qualitative45 des textes littéraires proposés dans les deux manuels de la 3AM et de la 4AM nous a permis de déceler quelques modifications qui touchent parfois à la structure interne du texte. Quel est votre point de vue vis-à-vis de ce constat et que pourriez-vous dire du risque que certaines modifications peuvent engendrer par rapport à l’harmonie du texte ?

C : Bien, vous dites bien que c’est un constat.

E : Oui, bien sûr, un constat.

C : Evidemment des textes mal adaptés ce sont des textes mutilés, ce sont des suppressions de passages-clés, peut-être, qui portent atteinte (à la) au sens du texte, des (mm) ou des suppressions de passages-clés de manière brutale, irréfléchie et qui donne lieu à des textes tronqués, dénaturés et qui ôtent, qui enlèvent le sens, la beauté du texte littéraire d’un texte.

E : Donc, faut-il limiter au maximum l’adaptation des textes proposés dans le manuel et pourquoi ?

C : (Eh) Ecoutez, oui, il faut limiter l’adaptation des textes littéraires mais il faut en trouver également, qui soient vraiment, on va dire, … adaptés, (à la portée), à la portée, il y en a pas beaucoup. Par exemple, nous, en 4AM, on a eu beaucoup de peine à trouver des textes argumentatifs.

On a eu beaucoup de peine à trouver des textes argumentatifs parce qu’on ne propose pas des textes fabriqués dans les manuels. Voilà ; dans les deux manuels. Je parle du manuel … voilà, voilà, je ne parle pas des autres manuels. Mais dans le manuel de la 3AM et de la 4AM, nous avons tout fait pour privilégier la littérature algérienne, les

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valeurs, la culture et des textes authentiques, il n’y a pas de textes fabriqués, presque pas, (ou presque pas).

E : Donc, je vous remercie mesdames (eh…)

C : C’est nous qui vous remercions, et nous vous félicitons pour ce travail très, moi je trouve, très pertinent, de réflexion sur ce qui se fait dans les manuels scolaires que à l’avenir nous puissions avoir de meilleurs. Cela dit, sachez que ce sont des manuels qui ont été fait en même pas quatre mois, dans des conditions très lamentables. Et nous avons travaillé les jours fériés, les week-ends et ça était, ça n’a pas été facile. Et l’apport, il est moral, surtout, c’est la satisfaction morale d’avoir produit quelque chose, produit des documents qui sont utiles aux enseignants dans lesquels nous avons transmis toute notre expérience parce que nous avons toutes ici… Moi, je partirai en retraite cette année et mes deux collègues sont déjà retraitées. Vous voyez et donc nous avons laissé un petit peu cette expérience à travers ces manuels. Voilà, voilà, mais sinon, sur le plan matériel, ça ne rapporte presque rien. C’est pour la bonne cause. Nous sommes très contentes d’avoir fait ces manuels mais si nous avions eu beaucoup plus de temps, évidemment, nous aurions fait mieux. Et puis nous déplorons aussi la qualité du papier, les couleurs des photos, des images mais ça, ça nous dépasse. Voilà, merci et bon courage.

En effet, cet entretien nous a apporté des éléments de réponses à notre problématique principale qui a pour objectif de comprendre le pourquoi et le comment de l’adaptation des textes littéraires proposés dans les manuels de français du cycle moyen. Comme il nous a permis d’aborder la question d’un angle différent en ouvrant devant nous des pistes auxquelles nous n’avions pas pensé. Du côté technique, ce fut une expérience qui nous a donné la possibilité d’approcher autant que faire se peut l’attitude du chercheur en sciences humaines. Réaliser un entretien avec les conceptrices des manuels de la 3AM et de la 4AM a été très enrichissant et instructif pour nous. Obtenir des réponses à toutes les questions que nous nous sommes posées avant notre rencontre est une satisfaction professionnelle qui nous rassure pour la suite du travail.

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