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CHAPITRE 3 : Nature et fréquence des modifications : analyse linguistique

3.2. Acquis de l’analyse linguistique

Toujours dans le but de mieux élucider le sens du mot, de l’expression ou de la phrase, on ajoute des éléments éclaircissants du rapport syntaxique existant entre les différents éléments d’une phrase par exemple : - « Il y avait bien une fontaine, mais elle était sèche. » au lieu de -« Il y avait bien une fontaine, mais sèche. »/ « Il tirait son eau, qui était excellente, d’un trou naturel,… » au lieu de « Il tirait son eau, excellente, d’un trou naturel,… ». Dans le premier exemple on a préféré l’adjectif attribut à l’adjectif épithète de peur que l’élève ne sache à quoi renvoie sèche, dans le deuxième exemple, et dans le même souci, on a transformé l’expansion représentée par un adjectif épithète en une expansion sous forme de proposition subordonnée relative.

Enfin, pour réduire le volume de l’écrit, on a compressé des partie de texte on en supprimant des fragments, en réorganisant quelques éléments et en substituant un vocabulaire pour éviter la répétition ou tout simplement en supprimant seulement l’alinéa et les blancs pour unir les paragraphes séparés en les juxtaposant.

3.2. Acquis de l’analyse linguistique

Après chaque analyse d’extrait de texte littéraire, nous avons fait un bilan du genre et du nombre des adaptations qui l’ont modifié. Il s’est avéré que la fréquence et la nature de l’adaptation dépendent fortement du genre, de l’époque et de la longueur du texte littéraire en question. Ainsi, nous trouvons beaucoup de suppressions et de compressions pour réduire un extrait de roman ou une légende alors qu’on procède surtout par reformulation ou substitution dans un texte court comme celui de la fable. Ceci ne veut pas dire que l’on ne trouve pas de suppressions dans une fable ou des substitutions dans un extrait de nouvelle, mais nous parlons ici de l’adaptation dominante.

Si l’on rassemble toutes les synthèses découlant de l’analyse linguistique des 23 extraits de textes littéraires pris des quatre manuels de français du Cycle Moyen, nous aurons une idée globale du phénomène de l’adaptation sur ce type de textes présentés dans les manuels comme supports à la compréhension écrite :

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Niveau

Texte concerné par l’analyse Suppression Substitu

tion Reformu lation Réorganisation Ajout Compressio n

Totalité des modif

ica tion s 1AM Texte 1 5 0 0 0 1 0 6 Texte 2 4 2 1 0 2 2 11 2AM Texte 3 18 13 8 2 2 1 44 Texte 4 6 9 6 2 5 0 28 Texte 5 4 0 0 0 2 0 6 Texte 6 7 3 0 0 0 0 10 Texte 7 3 3 1 0 2 0 9 Texte 8 9 1 0 0 2 0 12 Texte 9 0 0 0 0 6 0 6 Texte 10 0 1 1 0 0 0 2 Texte 11 0 1 2 0 7 0 10 Texte 12 1 9 0 0 2 0 12 Texte 13 3 0 0 0 6 0 9 3AM Texte 14 3 0 0 0 0 0 3 Texte 15 6 0 0 0 0 0 6 Texte 16 4 1 1 0 0 0 6 Texte 17 6 11 4 1 2 0 24 Texte 18 3 2 0 0 1 0 6 Texte 19 3 0 0 0 1 0 4 4AM Texte 20 0 1 0 0 3 0 4 Texte 21 4 5 1 1 6 0 17 Texte 22 26 16 10 8 4 5 69 Total 115 78 35 14 54 8 304 %  37,83% 25,66% 11,51% 4,61% 17,76% 2,63% 100%

TABLEAU 10 : Nature et fréquence des adaptations dans le corpus de l’analyse linguistique

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Commentaire :

Le tableau ci-dessus nous offre une vue récapitulative du genre et du nombre des modifications appliquées sur chaque support textuel faisant partie du corpus de l’analyse linguistique.

En général, le genre d’adaptation le plus utilisé est la suppression. Elle est suivie de la substitution puis de l’adaptation par ajout et de la reformulation. La réorganisation et la compression ne sont usitées qu’occasionnellement.

304 opérations d’adaptations ont été effectuées sur 22 textes littéraires. Malgré cela, nous ne nous permettons pas d’estimer une moyenne générale d’adaptation par texte, ni de décider sur le texte ou le manuel le plus adapté parce que les textes sont de longueurs et de genres littéraires différents. Nous ne pouvons pas dire par exemple que le texte 3 (L’extrait de La Boule de cristal) qui a enregistré 44 adaptations est plus adapté que le texte 1 (l’extrait de Mémoires d’une jeune fille rangée) qui a été modifié suite à 6 adaptations. En fait, le premier représente un conte complet d’un vocabulaire du merveilleux proposé en une demi-page et le second est un petit passage descriptif de vocabulaire réaliste.

En revanche une sorte de comparaison est plus ou moins possible si nous rassemblons en groupes les textes du même genre littéraires et de longueur approximative :

a- Des passages descriptifs extraits de romans autobiographiques. b- Des contes.

c- De longs extraits de romans s’étalant sur une page du manuel. d- Courts extraits de romans s’étalant sur une demi-page.

e- La fable.

f- Une œuvre entière.

Dans le groupe (a), nous avons les textes suivants : texte 1 (Mémoires d’une jeune fille rangée), texte 15 (L’extrait 1 de l’âge d’homme) et le texte 18 (Mondo). Nous remarquons qu’il n’y a pas d’écart entre le nombre d’adaptations effectuées sur les trois extraits (6 adaptations). Dans les trois textes, les concepteurs ont cherché à les raccourcir en procédant par suppression et à simplifier le lexique par substitution et par ajout.

Le groupe (b) est constitué du texte 3 (La Boule de cristal), texte 4 (La vache des orphelins), texte 6 (Les vrilles de la vigne), texte 8 (l’arbre entêté) et texte 9 (le pot fêlé).

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Même à l’intérieur de ce groupe, il y a des distinctions qui s’imposent : nous ne pouvons pas comparer le texte 3 modifié par 44 adaptations avec le texte 4 modifié par 28 car pour un même espace sur le manuel, nous avons présenté un conte complet dans le texte 3 et une partie du conte dans le texte 4. Cela nous amène à déduire que le nombre de modifications dépend du volume du texte authentique par rapport à l’espace qui lui est réservé dans le manuel.

Par contre, nous pouvons comparer les textes 8 et 9, en sachant que le premier est deux fois plus adapté que le second. Ils ont à peu près une même longueur en version authentique, ils sont tous les deux présentés entièrement et relèvent de la même culture (Contes chinois).

Dans le groupe (c), le texte 2 est le plus adapté (11 modifications sur l’extrait 1 du Petit Prince) par rapport aux textes 5 (l’Atlantide : 6 adaptations), 14 (La Gloire de mon père : 3 adaptations) et 19 (Mon bel oranger : 4 adaptations). Cela revient à l’espace qu’occupe le texte dans le manuel : le texte 2 n’est pas long par rapport aux autres qui remplissent une page complète du manuel ce qui a induit un nombre d’adaptations plus grand dans le premier.

Dans le groupe (d), le texte 17 (Le Fils du pauvre : 24 modifications) est le plus riche en termes de nature d’adaptation par rapport aux deux autres textes : texte 16 (Extrait 2 de l’âge d’homme : 6 modifications) et texte 21 (A mon fils : 17 modifications). Par contre en termes de nombre, c’est relatif dans la mesure où une seule suppression du texte 2 vaut plus que la quantité (nombre de mots) supprimée par toutes les opérations de suppression effectuées sur le texte 17.

Les fables qui constituent le groupe (e) sont comparables. Nous observons que le texte 10 (Le Renard et le Lion : 2 modifications) est le moins adapté. L’écart en nombre de modifications entre les autres fables du manuels de la 2AM n’est pas très grand (texte 7 avec 9 adaptations, texte 11 : 10 adaptations, texte 12 : 12 adaptations et texte 13 : 9 adaptations). Nous expliquons cela par le fait que le texte 10 est le plus récent, sa langue est contemporaine par rapport aux autres textes écrits ou traduits en français avant le 20ème siècle et, donc nécessitent plus de travail sur le vocabulaire. La preuve est que l’adaptation par substitution et par ajout, que nous considérons comme des adaptations qui visent surtout le vocabulaire, sont moins intenses dans le texte 10 que dans les autres textes.

La fable du texte 20 (le loup et l’agneau : 4 adaptations) n’a pas été beaucoup modifiée, pourtant elle appartient à la même époque que les fables qui ont été

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considérablement modifiées. Nous pensons que cela a une relation avec le niveau des élèves : si les fables citées dans le paragraphe précédent sont destinées aux élèves de la 2AM, celle du texte 20 est destinée aux élèves de la 4AM. Cela implique que le phénomène d’adaptation est lié aussi au niveau intellectuel du public/lecteur visé par le support écrit.

Enfin, quand on propose une œuvre complète dans un espace de cinq pages du manuel de la 4AM, répartie en trois extraits comme c’est le cas du texte 22, il s’agit là d’une réécriture du texte en le modifiant par toutes formes d’adaptations possibles.

A ce niveau de l’analyse, nous avons compris que pour mener une analyse linguistique débouchant sur des déductions valables, il faut comparer des textes dont nous avons déjà mesuré le rapport entre l’espace de la version authentique et l’espace réservé à ce texte dans le manuel. Ce rapport devrait être plus ou moins maintenu dans tous les textes ; ainsi ces textes appartiendraient à un même genre et seraient exploités dans une même rubrique de compréhension (lecture guidée, lecture plaisir, lecture dans le cadre d’une évaluation bilan…).

En revanche, nous pouvons dire, qu’en général, l’adaptation dépend de plusieurs facteurs:

 Le rapport entre l’espace du texte authentique et l’espace du manuel ;  La simplification du lexique et/ou de la syntaxe

 Le niveau des élèves concernés par la lecture ;  L’époque de l’écriture et son idéologie

 L’objectif pédagogique de la séance de lecture

Après avoir mené cette analyse comparative, nous avons essayé de définir les différents types d’adaptation en illustrant par des exemples relevés dans les énoncés adaptés :

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Nature de l’adaptation Subdivisions des

adaptations41 Illustrations

Adaptation par suppression Elle consiste en la suppression

d’un mot ou d’un groupe de mots (de deux mots à un nombre très important de mots

constituant un paragraphe ou plusieurs paragraphes)

Suppression des détails Texte22/ad.27 Suppression des redites Texte2/ad.11 Suppression de figures de

style Texte16/ad.6

Suppression à effet local Texte 14/ad.3 Suppression à effet transitif Texte6/ad.5

Suppression de surplus

(compléments secondaires) Texte1/ad.3 Suppression de séquence

narratologique Texte 3/séquence 3 Suppression à caractère

religieux et/ou culturel Texte 14/ad.4 Adaptation par substitution

Il s’agit de permuter un mot ou une expression par un autre mot ou une autre expression qui conservent plus ou moins la signification dégagée de ce

qui a été modifié.

Substitution lexicale Texte 3/ad.35 Substitution grammaticale Texte 3/ad.8 Substitution orthographique Texte 12/ad.7

Substitution actancielle Texte 3/ad.19

Adaptation par ajout Dans le but d’élucider davantage la signification d’un

Ajout intertextuel (élucider la signification d’une idée

en ajoutant un mot ou un groupe de mots à l’intérieur

Texte 2/ad.8

41Chaque adaptation couvre des types qui en découlent c’est ce que nous évoquons par « les variables d’une même adaptations »

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mot, d’un groupe de mots ou d’une situation d’énonciation, on ajoute un mot ou un groupe

de mots ayant une fonction explicative.

du texte)

Ajout en para texte ( Ajout

de titre ou d’explication) Texte 7/ad.3

Adaptation par reformulation Dans le but de simplifier un syntagme, on le réécrit d’une

autre manière tout en conservant la même signification dégagée par le

syntagme proposé par la version originale. Cela exige une légère transformation, soit

sur le plan syntaxique, morphologique et/ou lexical.

Reformulation simple (restructuration des éléments d’un ou de plusieurs syntagmes avec

un léger changement syntaxique et non lexical)

Texte 7/ad.10

Reformulation complexe (la restructuration syntaxique accompagnée par un type de substitution)

Texte3/ad.19

Adaptation par réorganisation Elle consiste en une remise en ordre des éléments constituant une phrase ou un texte sans les

modifier ni sur le plan syntaxique ni sur le plan lexical ou morphologique.

Réorganisation phrastique (changer l’ordre des éléments à l’intérieur d’une

phrase)

Texte 22/ad.30

Réorganisation textuelle (changer l’ordre des informations délivrées par

la version originale du texte)

Texte3/ ad.25

Adaptation par compression Contrairement au résumé qui préserve tous les éléments

Compression par juxtaposition (réduction de

l’espace de lecture en unissant les paragraphes en

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constituant d’un texte, la compression peut juger inutiles

quelques éléments à l’objectif visé derrière la lecture du texte

et par là les éliminer. Elle vise essentiellement de réduire le

volume du texte.

un seul paragraphe)

Compression par d’autres formes d’adaptations (réduction de l’espace textuel par suppression de

fragments, par reformulation ou par

réorganisation)

Texte 2/ad.2

TABLEAU 11 : Identification et illustration de la nature des adaptations dans les manuels de français du cycle moyen

Ainsi, nous avons confirmé l’existence du phénomène d’adaptation dans les textes littéraires proposés dans les manuels de français du cycle moyen. Cependant, cette adaptation ne touche pas uniquement le lexique et la longueur des phrases comme nous l’avons supposé au début de cette analyse mais elle couvre plusieurs procédés que nous avons essayé de définir et d’illustrer dans cette partie.

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